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Frédéric Guyonnet, président, SNB CFE-CGC : « Les conseillers indépendants perdront tout le socle social négocié à ce jour »

Créé le

21.02.2020

La Caisse d’Épargne Bretagne Pays de Loire s'apprête à tester, en milieu rural, des agences tenues par des « banquiers entrepreneurs ». Frédéric Guyonnet, président national SNB CFE-CGC, redoute une précarisation de la profession et des risques accrus pour les clients.

Quelles sont les raisons qui ont mené la Caisse d’Épargne Bretagne Pays de Loire à tester des « conseillers indépendants locaux » ?

Les raisons avancées par la Caisse d'Épargne sont étranges. Dans son projet de statut de banquier entrepreneur, elle justifie les tests et le calendrier de déploiement d'un réseau de conseillers indépendants par les difficultés qu'elle rencontre à recruter et fidéliser des équipes dans certains secteurs, notamment en zone rurale. Mais pourquoi serait-il plus facile de recruter, dans ces mêmes zones, des conseillers autoentrepreneurs, plutôt que des conseillers salariés ?

Ce nouveau statut, qui exigera une expérience préalable dans le secteur bancaire, a-t-il des chances d'attirer des professionnels ?

Je ne vois pas comment un conseiller de clientèle aujourd’hui, installé dans du salariat classique, pourrait trouver un quelconque intérêt à basculer dans un statut indépendant, pour exercer la même activité, mais en étant payé qu’à l’acte. À moins d’être inconscient ! En faisant ce choix, il perdrait tout le socle social négocié à ce jour dans la banque, les accords d’entreprise, la convention collective…

Que changerait un tel statut du conseiller pour les clients ?

Le secteur bancaire en France est l'un des plus soumis aux contraintes réglementaires, et impose notamment des formations réglementaires obligatoires aux salariés. Nous sommes soumis à des règles déontologiques extrêmement strictes, comme le secret bancaire ou les obligations de la lutte antiblanchiment. Aujourd’hui, ce sont les structures bancaires qui protègent les clients. Comment confier la protection du client à des conseillers indépendants ? Les obligations réglementaires en matière de lutte contre le blanchiment, par exemple, sont très chronophages. Les déclarations et les contrôles de conformité prennent eux aussi du temps. Quand vous avez un salaire tous les mois, vous pouvez prendre ce temps. Les conseillers payés à l’acte en feront-ils autant ? Ou passeront-ils trop rapidement sur ces activités non rémunératrices ?

Le projet a-t-il, selon vous, une chance d’être validé par l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) ?

Franchement, je ne l'espère pas. Ce serait incompréhensible, de la part l'ACPR qui se montre sévère la plupart du temps.

Des projets similaires sont-ils en préparation dans d’autres réseaux bancaires ?

Pas du tout ! La Caisse d’Épargne Bretagne Pays de Loire est la seule banque en France à avoir imaginé un tel dispositif et fixé un calendrier de déploiement. En revanche, le monde bancaire observe ce que prépare la Caisse d’Épargne Bretagne Pays de Loire. La Belgique est à ce jour le seul pays européen qui a mis en place un système comparable, et encore : il s'agit de franchisés, pas d'indépendants. Nous étions loin de penser qu'un jour, une banque française, et qui plus est, mutualiste, ouvrirait la boîte de Pandore.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº842
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