Avec un PNB généré de 50 à 200 euros par an, le jeune client est avant tout un pari sur l’avenir pour la banque. À condition qu’il ne cède pas aux premières sirènes venues quand il prendra son autonomie financière. État des lieux de la relation entre banques et jeunes.
Il existe des marchés à forts enjeux pour les banquiers. Certains le sont par leur valeur, d’autres par le potentiel qu’ils représentent. Le marché des jeunes appartient principalement à cette seconde catégorie. En quelques années, les jeunes franchissent de nombreuses étapes, passant d’adolescents à jeunes actifs. Ils sont alors confrontés à d’importants changements de situation : études, départ du foyer, premier travail, vie à deux, premier enfant, projets à financer… Autant d’opportunités à court et surtout moyen terme pour les services financiers.
Mais entre 16 et 29 ans, ces jeunes clients qui construisent leur expérience financière vont aussi développer leur infidélité bancaire et couper le cordon avec la banque des parents, souvent leur première banque, privant en partie les banquiers des fruits de leurs investissements. L’étude Exton Consulting (voir encadré méthodologie) apporte un éclairage sur ces « années charnières ».
Un investissement sans garantie
Depuis longtemps banquiers et assureurs s’intéressent aux jeunes, population à forts enjeux, générant des opportunités de développement :
On peut distinguer trois grandes étapes pour découper cette décennie de mutations décisives :
Premier compte bancaire : le choix de la continuité
Pour ouvrir leur compte courant, 74 % des jeunes choisissent la banque de leurs parents. Ces derniers jouent donc, activement par recommandation ou simplement passivement, un rôle primordial lors de cette première ouverture. Par ailleurs, 56 % d’entre eux choisissent la banque où ils ont leur livret ou compte d’épargne. Sachant que 9 sur 10 possédaient ce type de produit avant d’ouvrir leur premier compte courant, on voit l’importance que revêt le fait de capter la première épargne pour prendre une option sur le compte. Même si les taux du livret A sont moins attractifs, on comprend l’importance d’un tel produit pour les concurrents de la Caisse d’Épargne et de La Banque Postale auprès des plus jeunes… et le danger potentiel à terme pour ces deux institutions.
Un tiers des jeunes révèle avoir choisi sa banque pour les conditions tarifaires ou des avantages proposés à l’occasion de l’ouverture du compte. D’ailleurs, quand on demande aux jeunes ayant choisi la banque de leurs parents ce qui aurait pu rétrospectivement les inciter à aller dans une autre banque, ce sont ces deux critères qui ressortent fortement : 77 % auraient pu choisir une autre banque pour les prix et 73 % pour des services ou produits « spécial jeunes ». La proximité géographique de l’agence a aussi un rôle dans le choix de la banque pour 36 % des jeunes. Rien d’étonnant à cela puisqu’ils retrouvent ici certains critères de sélection de leurs propres parents. Enfin, à noter les 16 % qui revendiquent clairement avoir choisi une banque différente des parents pour être indépendants de ces derniers.
Changer d’agence : une première étape
Sur l’ensemble des 16-29 ans, 25 % ont déjà changé de banque principale. Comme on le verra plus loin, la raison de ce changement est liée au fait de rechercher de meilleures conditions tarifaires. Mais cette moyenne cache une tendance lourde : près d’un jeune sur deux aura quitté sa banque arrivé à 29 ans (voir graphique 2). Une tendance particulièrement marquée chez les actifs et dangereuse pour les banques car c’est sur ce segment que le PNB du client s’élève enfin. Perdre un jeune sur deux à ce stade, c’est prendre le risque de n’avoir jamais rentabilisé ses clients. Il y a là un enjeu majeur de fidélisation pour tous les acteurs.
On l’a vu, les trois quarts des jeunes ouvrent leur compte dans la banque des parents, mais que se passe-t-il lorsqu’ils quittent le foyer ? Phénomène intéressant, on constate que les jeunes se détachent nettement plus lentement de la banque parentale que du foyer. Ainsi, alors que seuls 29 % des 21-25 ans et 8 % des 26-29 ans habitent encore chez leurs parents, ils sont respectivement encore 60 % et 50 % à garder la banque des parents à ces âges. Pour certains d’entre eux, une façon de partir en douceur consiste à changer d’agence sans changer de banque : 19 % des jeunes actifs sont dans la même banque, mais dans une agence différente des parents et même 32 % pour le meilleur banquier de la place sur ce critère.
La capacité à accompagner la mobilité des jeunes au sein de l’enseigne est donc décisive. La fluidité dans le changement d’agence est un enjeu particulier pour certaines banques dont notamment les banques mutualistes (les écarts dans les réponses des jeunes interrogés allant de 1 à 3). Contrairement au sens étymologique du mot éduquer (educere en latin) qui signifie conduire dehors, les banquiers doivent eux, au contraire, tenter de conserver à l’intérieur ces jeunes à mesure que croît leur éducation financière.
Priorité aux enfants de clients
L’étude fait ressortir qu’ouvrir son premier compte courant dans la banque de ses parents a un impact positif sur la fidélisation à long terme. En effet, chez les jeunes ayant ouvert un compte dans la banque de leurs parents, un tiers en moyenne l’auront quittée à 26-29 ans, alors qu’ils sont la moitié au même âge à le faire, lorsque leur première banque n’était pas celle des parents. Ainsi, les jeunes qui, au départ, n’ont pas choisi la banque des parents sont structurellement plus volatiles. Pour maximiser la fidélisation des jeunes actifs, les banques doivent donc conquérir en priorité les enfants de leurs clients. Mais ont-elles aujourd’hui toutes les informations nécessaires dans leurs bases pour les cibler ? Trop nombreuses encore sont celles qui n’explorent pas cette facette de la connaissance de leurs clients. Revers de la médaille, les jeunes acquis par conquête externe sont particulièrement à surveiller car leur fidélité est plus fragile.
Les chiffres de l’étude montrent de fortes disparités dans la capacité des banques à conquérir et retenir les enfants de leurs clients. Sans entrer ici dans le classement détaillé des enseignes, on peut noter des performances très variables selon les banques : pour l’une, 75 % de ses jeunes de 26-29 ans sont des enfants de clients, alors que ce chiffre n’est que de 36 % pour une autre. Attention toutefois aux conclusions hâtives. En effet, si ces chiffres révèlent parfois une faiblesse dans la capacité de rétention des enfants de clients, il convient de les regarder en fonction de la part de marché de la banque sur le marché des jeunes. Ainsi, de gros efforts de conquête externe, notamment sur les jeunes actifs, réduiront mécaniquement la part d’enfants de clients. Chaque acteur devra donc tirer des conclusions opérationnelles en analysant sa performance en conquête et en fidélisation à la lueur de son mix enfants de clients et enfants de non-clients.
Les sirènes des offres commerciales
Enfin, à ceux qui seraient tentés de croire que les jeunes fuient leur banque principalement suite à un déménagement ou à l’occasion d’un crédit, il est important de rappeler que même si ces éléments interviennent pour 25 % et 14 %, ils ne sont pas les principales raisons de rupture. Les conditions commerciales plus intéressantes d’un concurrent sont citées dans 45 % des cas, suivies ex-æquo à 35 % par les mauvaises relations, la piètre qualité des conseils ou des propositions jugées inadaptées. Il existe évidemment des différences selon la maturité, mais les conditions tarifaires transcendent tous les âges. Ainsi avec l’arrivée de la loi Chatel, 58 % des jeunes déclarent qu’ils pourraient être incités à remettre en cause leur relation bancaire. On n’en est ici qu’au stade de la déclaration d’intention, mais ce chiffre est suffisamment important pour ne pas être ignoré. Concernant la mauvaise qualité des conseils, il est intéressant de noter que ce sont les plus jeunes qui y sont les plus sensibles (44 % chez les 16-20 ans), attestant du fait que cette tranche d’âge a encore fortement besoin d’être accompagnée et que les banquiers ne remplissent pas toujours leur rôle auprès d’eux.
Des jeunes multibancarisés
Habitués à comparer, « zappeurs » au quotidien, les jeunes démarrent très tôt leur multifinanciarisation (placements dans plusieurs banques). Du fait de leur possession de certains produits d’épargne – livret A notamment – ils sont déjà 32 % à avoir des placements dans plusieurs banques entre 16 et 20 ans, ce chiffre atteignant 53 % à 26-29 ans. La multibancarisation (comptes courants dans plusieurs banques) croît, elle aussi, rapidement passant de 10 % à 27 % chez les jeunes actifs. Un taux qui s’approche déjà de la moyenne nationale. Être le banquier exclusif d’un jeune est donc quasiment impossible. L’enjeu est de piloter l’activité des comptes, les flux et les avoirs des jeunes pour déterminer leur réelle utilisation et leur proximité avec la banque ; d’autant que plus d’un quart d’entre eux déclare ne pas prendre la peine de fermer les anciens comptes. L’objectivation des conseillers sur des nombres d’ouvertures de produits ne semble donc pas suffisante pour piloter l’activité sur cette cible.
Le conseiller bancaire : premier référent des jeunes actifs
Plus d’un jeune sur deux reconnaît avoir une mauvaise connaissance financière. En conséquence, lorsque l’on leur demande vers qui ils se tournent pour prendre des conseils financiers, on retrouve les parents en première position à 66 %, suivis du conseiller bancaire à 59 %. Mais ce dernier devient le premier référent en matière de conseil pour les jeunes actifs, 68 % d’entre eux se tournant vers lui pour des conseils.
Internet occupe également une place de choix, 38 % des jeunes allant y chercher des conseils financiers. Un chiffre relativement stable à tous les âges. Au quotidien, les 16-29 ans utilisent et mixent tous les canaux, bien plus que les autres types de clientèle. Si l’agence reste leur premier canal, elle est maintenant majoritairement utilisée de manière occasionnelle, Internet étant devenu le canal régulier n° 1 des jeunes pour tous les usages. Mobile et courriel séduisent également un noyau dur de réguliers déjà équivalent au courrier et au centre de relation clients.
Attention tout de même à ne pas enterrer trop vite l’agence : 8 jeunes sur 10 refuseraient une banque où ils ne pourraient pas rencontrer leur conseiller face-à-face. Même s’ils sont adeptes de technologie, ne proposer aux jeunes qu’une banque « tout virtuel » serait une erreur majeure !
Fidéliser : les pistes à explorer
Au final, s’ils veulent assurer leur développement sur le marché des jeunes, les acteurs financiers devraient, plus que sur n’importe quel autre marché, travailler deux grands enjeux : un enjeu de conquête pour adresser les 800 000 nouveaux clients arrivant chaque année et un enjeu de fidélisation pour notamment retenir plus d’un jeune actif sur deux.
Quelques pistes semblent émerger pour y parvenir :
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