Le comité consultatif français de la taskforce sur l’investissement à impact social du G8 que j’ai présidé définit l’investissement à impact social comme « un investissement qui allie explicitement retour social et retour financier sur investissement. Il implique l’établissement d’objectifs sociaux prioritaires et spécifiques, dont l’impact est mesurable par un processus continu d’évaluation. » Le groupe de travail a identifié les parties prenantes de ces investissements et en a fait une cartographie (voir Schéma) : les investisseurs, les canaux de financement utilisés, ainsi que les acteurs concernés par l’investissement à impact social telles que associations, fondations, structures d’insertion par l’économie, établissements adaptés pour handicapés…
Une mission sociale comme cœur de métier
Toute entreprise génère par nature un certain impact social (par la création d’emplois, la distribution de revenus, etc.), mais les structures concernées par l’investissement à impact social ont la particularité de faire de leur mission sociale leur « cœur de métier ». C'est le cas, par exemple, des associations et entreprises sociales qui réinsèrent des chômeurs de longue durée, qui luttent contre le décrochage scolaire, logent des sans domicile fixe, préviennent les troubles du vieillissement, ou encore le diabète, etc. Une grande part d’entre elles font partie de l’Economie sociale et solidaire (ESS), d’autres non. Les investissements à impact social visent à apporter de nouveaux moyens, en particulier pour mettre au point des innovations sociales et faciliter la prévention.
Une demande et une offre de financement à articuler
En France, l’ESS regroupe 230 000 établissements employant 2,4 millions de personnes et représente environ 10 % du PIB. Ce secteur ne capte encore qu’une infime partie du flux des investissements privés, soit moins de 550 millions d'euros investis. Dans le même temps, les encours des organismes d’investissement dans les sociétés non cotées représentent plus de 30 milliards d’euros pour les seuls fonds communs de placement à risques (FCPR) contre 300 millions d’euros investis dans l’ESS à travers l’épargne salariale solidaire soit 1% de ces encours.
Le groupe a constaté que certains investisseurs s’intéressent à l’investissement à impact social alliant retour social et retour financier et que des projets sociaux cherchent des investisseurs. Demande et offre restent mal articulées. Les instruments financiers à mettre en place devraient donc permettre de faire le lien entre offre et demande, et naturellement les banques ont là un rôle à jouer, dans un partenariat qui respecte les organismes sociaux.
En dehors de leur activité de prêts classiques à l’ESS, les banques comme le Crédit Coopératif peuvent contribuer à développer des instruments financiers spécifiques permettant de faire le lien entre un besoin de financements des entreprises sociales et les investisseurs sociaux. Ces instruments financiers (dédiés aux associations par exemple) doivent répondre à des besoins spécifiques mais n’ont pas vocation à se substituer aux mécanismes de subvention. Ils pourraient les compléter en cette période où une forte pression budgétaire pèse sur le secteur public, notamment en permettant de financer des innovations sociales qui ne se financent pas autrement, d’en mesurer les résultats, puis pour certaines d’entre elles, d’en assurer une généralisation par des politiques publiques appropriées.
Des outils existent, d’autres sont à inventer
Plusieurs outils existent déjà, dispositifs de collecte d’épargne ou titres spécifiques : fonds solidaires, titres associatifs, titres participatifs ; d’autres restent à inventer, comme les titres à impact social. Les fonds solidaires par exemple, alimentent en France une forme d’investissement à impact de masse que peuvent nous envier d’autres pays. Au moins 90 % de l’encours de ces fonds est investi en
Le
La loi ESS contribue à l’émergence d’outils répondant aux spécificités de chaque structure de l’ESS, mais nous sommes encore au stade de l’expérimentation ; il reste beaucoup à faire : par exemple, fin 2013,
Deux mondes à rapprocher
L’ensemble de ces réflexions tendent à rapprocher deux mondes : celui du social d’un côté et celui de l’entreprise de l’autre. Ce rapprochement est récent. Il n’est pas facile. Des structures comme le Rameau y travaillent. La confiance n’est pas toujours au rendez-vous entre entreprises ou établissements financiers d’un côté, et associations de l’autre. Les associations en particulier craignent de perdre leur autonomie de décision au profit des financiers, redoutent que les indicateurs d’impact leur soient imposés et que ceci les amène à sélectionner les publics. Mais dans le même temps de plus en plus d’associations cherchent à établir des partenariats avec le privé, sur des sujets tels que les achats responsables, le mécénat de compétences, la mise à disposition de matériel ou de produits, et maintenant les investissements à impact. Des structures comme l’Agence du Don en Nature, l’Adie, Siel Bleu, Emmaüs Défi, Unicité, Médecins du Monde, etc. recherchent ou développent ces partenariats. L’essentiel est que les partenaires travaillent sur un mode de « co-construction » et que le projet social reste au centre du partenariat. Il y faut sûrement du dialogue, de la vigilance, de l’estime réciproque. Un « tiers de confiance » comme le Crédit Coopératif peut jouer là un rôle utile.