Square

Innovation

Square révèle un nouveau gisement du paiement sur le point de vente

Créé le

27.01.2012

-

Mis à jour le

29.02.2012

Le process d’encaissement par carte bancaire sur un terminal non dédié mis au point par Square est bien plus qu’une seule innovation technologique. En utilisant des matériels grand public, à faible coût et ​aux possibilités de traitement multiples, il va dans le sens d’une banalisation de ces ​transactions.

En quelques semestres, Square a réussi une entrée sur la scène des paiements que même PayPal avait mis plusieurs années à réaliser. Grâce à une offre parfaitement calibrée, ce nouvel arrivant a su dévoiler et s’approprier aux États-Unis un segment du marché insoupçonné par les acteurs traditionnels.

Une progression fulgurante sur le marché américain…

Square est une start-up créée en 2010 outre-Atlantique par Jack Dorsey, un des fondateurs de Twitter, suite à l'expérience d'un ami qui n'avait pu vendre un bien de 2 000 dollars car il ne pouvait pas accepter un paiement par carte bancaire. Square permet de réaliser un encaissement par carte bancaire sur un terminal non dédié, smartphone iPhone ou Android, iPod Touch ou tablette iPad, grâce à un dispositif simple de lecture de carte bancaire enfichable distribué gratuitement et une application téléchargeable par tout un chacun.

En mai 2011, Square a lancé une application complète de point de vente incluant catalogue produit, émission de facture, suivi des ventes et une application de porte-cartes numérique client (Card Case) permettant de lier une carte bancaire à ses transactions Square, d'être reconnu automatiquement par le point de vente Square d'un marchand et de payer simplement en donnant son nom.

L’entreprise a connu une croissance soutenue depuis son lancement (voir Encadré 1). Square a bénéficié de sa distribution par Apple (à partir d’avril 2011), puis par des réseaux de magasins traditionnels (Best Buy, Radio Shack, Target, Wal-Mart, etc., soit 9 000 magasins en octobre 2011) et dernièrement par l'opérateur télécom T-Mobile, pour ses utilisateurs entreprises (décembre 2011).

Ce succès se reflète aussi dans ses levées de fonds successives, la dernière pour un montant de 100 millions de dollars (juin 2011) sur une valorisation de plus d'1 milliard de dollars.

...et un large potentiel

Aux États-Unis, environ 8 millions de marchands sont dotés de terminaux CB. Acquérir 1 million de nouveaux marchands en moins d'un an est donc pour Square un chiffre très significatif. La société estime son marché potentiel à 26 millions de marchands « non traditionnels » dépourvus de capacité d'acceptation. Ces marchands gagneraient à accepter des règlements par carte bancaire, ce qu'ils ne peuvent faire actuellement, car :

  • ils n'entrent pas dans les critères de qualification des banques, notamment pour ce qui est du volume d'affaires minimum ;
  • lorsque c'est le cas, le coût de la solution bancaire (matériel, installation, redevance mensuelle) est incompatible avec la rentabilité du chiffre d’affaires additionnel généré.
Netbanker a ainsi calculé qu'un marchand moyen de Square réalise une transaction de 70 dollars tous les 5-6 jours, un seuil très éloigné des conditions standard d'obtention d'un terminal CB. Ces marchands sont notamment des professions libérales (médecin, comptable…) ou de service (taxi, coiffeur…), des marchands ambulants, des petites boutiques, des producteurs qui vendent en direct et des vendeurs occasionnels. Square a ainsi révélé un énorme marché dont le besoin n'était pas servi aux États-Unis [1] . Ce marché existe en fait dans tous les pays développés.

Au-delà de l’innovation technologique

L'innovation introduite par Square n'est pas technologique : le dispositif de lecture de la piste magnétique utilisé actuellement est le plus répandu aux États-Unis. Mais cela pourrait tout aussi bien être une carte à puce. Des dispositifs de lecture de ce type existent déjà pour smartphone (iZettle, Cellfony).

L'innovation de Square est plus fondamentalement dans la banalisation du paiement par carte sur des terminaux grand public largement diffusés, avec une mise en œuvre facile et une solution intégrée masquant et gérant toute la complexité sous-jacente du système de paiement. C’est de plus une solution proposée avec une tarification simple et compréhensible pour le commerçant.

La spécificité de Square est de dégager l’utilisateur (le marchand) de toutes les formalités contraignantes liées à l'acceptation de la carte bancaire, en jouant le rôle de « processeur » des transactions [2] en s'appuyant sur l'infrastructure technique de Chase Paymentech et en utilisant JP Morgan Chase comme banque « acquéreuse » des transactions cartes bancaires (voir Encadré 2). Il assure les conditions pour que la transaction de paiement puisse être prise en compte dans le système de règlement avec le niveau de validité et de contrôle requis par celui-ci.

Un modèle extrêmement simple pour le marchand…

Ce qui frappe le plus dans le modèle de Square, c’est son extrême simplicité commerciale. Un taux unique de 2,75 % par transaction en mode « swipe » (3,5 % plus 15 cents pour les transactions où le numéro de carte est entré manuellement), la livraison du dongle [3] et le téléchargement de l’application mobile pour iPhone et iPad gratuits, aucun abonnement à souscrire. On voit que le mode de tarification tranche nettement de toutes les offres habituelles d’acquisition cartes. Une fois les informations d’identification individuelles ou commerciales fournies, l’utilisateur est directement opérationnel et peut utiliser son système Square selon ses besoins.

Il a été rapporté que Jack Dorsey, qui n’avait aucune expérience précédente du monde financier, a été stupéfait par la complexité des processus bancaires lorsqu’il a commencé à développer sa nouvelle solution. Force est de constater qu’il a su s’entourer des meilleures compétences pour délivrer une offre respectant toutes ces contraintes et pourtant conforme à sa vision originale : un moyen d’une extrême simplicité pour qu’un particulier, comme son ami, ne manque jamais une vente face à un acheteur n’ayant qu’une carte de paiement en poche.

...et une tarification très agressive

En plus de sa simplicité, il faut remarquer que la tarification de Square est très agressive. Avec un taux de 2,75 %, Square offre aux individus un taux largement compétitif par rapport à ceux en vigueur sur les points de vente américains pour les petits commerçants traitant moins de 5 000 dollars par mois, et ceci sans exiger de procédure d’acceptation ou de mise en place contraignante, et sans aucun frais d’abonnement. Avec une marge estimée aux alentours de 0,3 %, il est vraisemblable que Square ne voit pas dans cette rémunération le cœur de son modèle économique. On peut y voir plutôt une politique commerciale orientée vers une acquisition très rapide d’une large base d’utilisateurs, pour atteindre rapidement un point mort correspondant toujours à des volumes extrêmement importants dans le monde des paiements.

Sur la voie d’une reconfiguration sur le point de vente

Les nombreuses réactions des acteurs établis du marché du traitement marchand, comme First Data, montre le côté disruptif de l’approche. Ces concurrents mettent en avant les problèmes techniques de Square, comme l’encryption des données, le fait que cette solution n'intéresserait que les marchands occasionnels, et la complétude de leur propre offre. C'est le scénario classique d’une innovation de rupture : en conquérant une frange du marché que les acteurs traditionnels ne veulent pas – et ne savent pas –servir, Square se met dans une position inexpugnable pour venir lentement entrer en compétition avec les acteurs en place sur leurs propres marchés.

En fait, Square préfigure également une rupture technologique de l’acquisition sur le point de vente. En utilisant des matériels grand public comme l’iPhone ou l’iPad, Square montre comment la capture d’une transaction peut désormais être faite à base de matériels non propriétaires, de faible coût et aux possibilités de traitement multiples. Associées à ces capacités de traitement, les possibilités de services complémentaires comme la gestion de la fidélité, d’offre promotionnelle ou de recommandation sont des axes de développement naturels pour marier l’amélioration de l’expérience client et l’ergonomie de l’acte d’achat. De plus, comme le fait déjà Apple dans ses magasins, des outils comme l’iPad peuvent aider le processus de vente : en dispensant le client de rejoindre une caisse pour terminer la transaction, tout vendeur peut potentiellement conclure l’achat grâce à son matériel léger.

Square sonne le départ d’une nouvelle course

Square a déjà attiré de nouveaux compétiteurs aux États-Unis, comme Intuit avec GoPayment ou North American Bancard avec Pay Anywhere. Sa croissance fulgurante se poursuit malgré tout et de plus en plus de partenariats de distribution sont signés. Pour ce qui est de la France, il va être particulièrement intéressant d'observer, dans un futur très proche, l'émergence de solutions adaptées aux besoins de ce nouveau marché et tenant compte du contexte technique et réglementaire national.

1 On parle de « blind spot », angle mort. 2 Merchant payment processor. 3 Clef de protection matérielle stockant un code nécessaire au bon fonctionnement du logiciel.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº746
Notes :
1 On parle de « blind spot », angle mort.
2 Merchant payment processor.
3 Clef de protection matérielle stockant un code nécessaire au bon fonctionnement du logiciel.