On a plus vite fait de dire « crypto » que « monnaie » ou « actif numérique » voire, à l’anglicisme près, « digital ». Comprendre ce que recouvrent exactement ces termes est une autre affaire. Si tout le monde a entendu parler du bitcoin, les notions de blockchain, de cryptographie et de jetons (tokens) échappent à la plupart. Partant de ce socle commun, notre dossier laisse donc de côté les monnaies existantes déjà numérisées et se concentre sur les crypto-actifs « qui ne réalisent pas les fonctions clés d’une monnaie virtuelle », selon les termes des ministres des Finances du G20, à Buenos Aires en 2018, dix ans après la naissance du bitcoin.
Il évoque les monnaies numériques de banques centrales (MNBC), voulues par les autorités en réaction à des « cryptomonnaies stables », ces stablecoins prêtes à conquérir les particuliers, notamment aux États-Unis et maintenant plus que jamais en Europe. Concernant les MNBC, encore faut-il distinguer celles de « détail » de celles de « gros », interbancaires qui font encore débat.
Ce dossier de Revue Banque traite donc surtout des stablecoins, qui forment une passerelle entre les crypto-actifs et les monnaies fiduciaires : ils sont moins volatils que les premiers, mais plus souples que les secondes. Leur particularité est le plus souvent adossé à une devise, tel le dollar. Le vent qui a soufflé jusqu’en Europe après la bourrasque américaine qui a emporté Silvergate, outre Silicon Valley Bank et le scandale FTX, nous montre qu’un ancrage à une valeur refuge peut être nécessaire mais pas suffisant. Voilà pourquoi la réglementation est essentielle.
Dans ce contexte, l’adoption du règlement européen sur les Markets in Crypto-Assets (MiCA) par le Parlement européen, le 20 avril dernier, constitue une étape clé pour le secteur. MiCA donne une définition juridique à trois types de crypto-actifs : asset-referenced tokens ; e-money tokens (réservés aux banques et institutions monétaires) et utility tokens (mais pas des DLT et NFT). Sa mise en œuvre devrait apporter une plus grande cohérence aux approches réglementaires dans les États membres de l’Union européenne (UE). Au sein de l’UE, la « cryptosphère » va en effet être soumise à un ensemble complet de règles en matière d’autorisation, d’organisation, de prudence et de conduite du marché. Avec un délai de mise en œuvre relativement court et la nécessité d’élaborer une législation secondaire technique avant que MiCA ne devienne applicable, le secteur va devoir faire face à des mois très chargés. En France, où SG Forge a lancé son stablecoin adossé à l’euro, l’Autorité des marchés financiers (AMF) prépare la transition vers MiCA et contribue aux travaux de rédaction des textes d’application qui devront être publiés par l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) avant l’entrée en application du texte.

Toutefois, l’adoption de MiCA n’est que l’un des éléments de la construction du cadre réglementaire pour les cryptomarchés dans l’UE. Le secteur doit notamment se préparer à des règles de transparence concernant le transfert de crypto-actifs qui ont également été adoptées par le Parlement européen. Les travaux visant à renforcer le régime européen de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme pour les crypto-actifs sont également bien avancés.
Enfin, en tant que membres d’un secteur réglementé, les prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA) agréés dans le cadre de MiCA devront prendre en compte les exigences découlant du cadre réglementaire européen plus large des services financiers, tel le règlement sur la résilience opérationnelle numérique, DORA (Digital Operational Resilience Act et la directive associée), entré en vigueur le 16 janvier dernier pour une mise en application en 2025, et l’ensemble du digital finance package.