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Forum des auteurs de mars 2009

« La sortie de crise viendra de la volonté de coopérer de tous »

Créé le

07.05.2009

-

Mis à jour le

19.08.2011

Le 11 mars 2009, la librairie de Revue Banque a organisé un débat sur le thème de la crise financière auxquels ont participé Jean-Paul Betbèze, Gilles Finchelstein, Bertrand Jacquillat, Olivier Pastré, tous auteurs d'ouvrages sur ce thème. Denis Kessler, préfacier d'un ouvrage sur la crise des subprime édité chez Revue Banque Edition, a introduit le débat (encadré). Les discussions, animées par Yves Messarovitch, journaliste, ont porté sur différents points : les responsables de la crise, les scénarios de sorties de crise ou les attentes liées au prochain G20.

Les banquiers sont-ils responsables de la crise financière ? Telle a été la première question lancée par Yves Messarovitch. Oui, ont répondu unanimement les participants, mais ils sont loin d’être les seuls. Gilles Finchelstein souligne qu’ « il y a des responsabilités que le monde de la banque et de la finance aurait grand tort d’ignorer. Cela touche au cœur du métier des banquiers à savoir l’évaluation des risques. Il y a aussi une responsabilité politique majeure dans la conduite de la politique économique ou dans l’édiction des normes, mais aussi intellectuelle avec une certaine acception du libéralisme qui, petit à petit, a fait que le curseur s’est déplacé entre le capital et le travail, l’individu et la société, l’état et le marché… »

Les enjeux du G20

Mais « le vrai sujet à présent, souligne Olivier Pastré, est de savoir quelles réformes nous allons faire. Le G20 sera, à cet égard, une étape essentielle. Ce sommet devra aborder sans complexe des sujets presque tabous, comme la suspension des normes IFRS, des réglementations Bâle II et Solvabilité 2 ». Le G20 devra aussi donner le signal d’une coordination plus forte entre les États.  Européens d’abord : « Je salue le rôle positif qu’a joué l’euro, mais je suis frustré de l’absence forte de coordination observée entre les pays européens pendant cette période cruciale », souligne Gilles Finchelstein. Mais également au-delà : « Si Barrack Obama accepte de changer la position des États-Unis face au reste du monde, la porte est ouverte pour restaurer la confiance », analyse Denis Kessler. La Chine aussi est suivie de près : « Son taux de change est manipulé, déprécié de 20 %, affirme Jean-Paul Betbèze. Et Hillary Clinton, lors de son récent voyage en Chine, n’a pas dit un mot sur le problème monétaire car les USA ont besoin d’argent. Aujourd’hui, la dette des Américains, c’est l’épargne des Chinois » . L’enjeu du G20 devient donc de « faire en sorte que le mécanisme qui a toutes chances de ne pas être coopératif, le devienne ». « La sortie de crise viendra de la volonté de coopérer de tous », complète Olivier Pastré.

Vers une sortie de crise ?

En matière de sortie de crise, le retour de l’inflation est un des scénarios évoqués. « On va avoir une augmentation formidable des taux d’intérêt avec une “repentification” de la courbe très brutale. Or les états se sont endettés de façon considérable et vont se retrouver avec des charges d’intérêt insoutenables. Ils vont aller monétiser leur dette auprès des banques centrales, qui vont créer de la monnaie et laver toutes les dettes dans une formidable inflation » , décrit Denis Kessler. Option confirmée par Bertrand Jacquillat « s’il y a trop de liquidité et trop de déficit ». Gilles Finchelstein évoque un autre risque : « La tentative de règlement de la crise d’aujourd’hui risque de préparer la crise de demain. On a répondu à un excès d’endettement privé par un surcroît d’endettement public. Le risque de la faillite des État se profile devant nous ». Rien d’étonnant donc à ce que, interrogé sur un horizon de sortie de crise, Olivier Pastré juge très optimiste l’hypothèse d’un redémarrage de l’économie européenne en 2010, comme l’a récemment évoqué Jean-Claude Trichet. Denis Kessler voit également une crise durable, dont la sortie demandera d’énormes efforts politiques : « À crise globale, il faut des réponses globales, comme par exemple une réforme du FMI et du conseil de surveillance de l’ONU. On ne peut pas continuer à avoir une zone monétaire sans un gouvernement économique pour l’Europe. Et il va falloir que les Anglais rejoignent la zone euro. Ce sont des abandons de souverainetés qu’il faut envisager. On ne peut pas concevoir le monde avec les Chinois sur un strapontin. C’est cela le nouvel ordre économique international. »

Au rang des solutions anti-crise, pour Jean-Paul Betbèze, si de grandes restructurations sont nécessaires, il faut aussi agir localement et ne pas reporter, sous prétexte de crise globale, les réformes déjà engagées, ou qui doivent l’être, en France : « Autrement les gens dans les territoires, les particuliers et les PME, nous diront "vous refaites le monde pendant que le nôtre s’effondre" » avec un risque important de tensions politiques et sociales. « La

France ne pourra pas peser notamment au sein de l’Europe si sa situation intérieure reste compliquée. »

Un peu d’optimisme…

Mais le pire n’est jamais sûr ! Bertrand Jacquillat n’hésite pas à affirmer : « Je reste optimiste ». Il récuse le scénario noir d’une crise sur 15 ans avec un maintien de l’aversion au risque des investisseurs et un retour de la profitabilité des entreprises à leur niveau de 2007, qui a marqué le pic de leurs bénéfices, pour 2022 : « Le déclic va venir d’une remontée du prix des actifs financiers qui va soulager beaucoup de gens. »

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº712