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Spécial vacances

La banque est un sujet ludique comme les autres

Créé le

17.06.2021

Souvent méconnus du grand public, les métiers de la banque et de la finance n’en finissent pas de générer des fantasmes et une certaine dose de méfiance. Ils sont une source d’inspiration idéale pour tous les créateurs d’univers imaginaires. Et les objets ludiques ainsi produits peuvent également servir de source d’inspiration pour expliquer notre secteur...

Ceux qui travaillent dans l’univers de la banque ou de la finance peuvent s’y sentir à l’aise et percevoir assez facilement l’aspect ludique qu’il peut y avoir à manipuler des sommes importantes, que ce soit pour réaliser un montage financier et aider un client à boucler son tout premier achat immobilier, ou pour mieux répartir les placements d’une jeune retraitée. D’ailleurs, lorsqu’il s’agit de vendre et d’acheter des actions ou obligations, ne dit-on pas « jouer en Bourse » ? Tout en gardant la tête froide, et en ne confondant pas leur cadre de travail avec une salle de jeu, cet aspect de la profession peut être l’une des raisons pour laquelle ils l’ont choisie et y restent. Pour le grand public, en revanche, c’est-à-dire pour tous ceux qui ne travaillent ni dans une banque ni dans la finance, et qui n’y ont pas de proches, ce milieu reste obscur. Si tout un chacun peut se faire une idée, même très approximative, de ce qu’il se passe dans une agence bancaire, dès que l’on parle d’Internet et de cryptomonnaies, de banques privées, de banques d’investissement et de salles de marché, le mystère prédomine le plus souvent. Et qui dit mystère, dit fantasmes et libre cours à l’imagination. Ajoutez-y une dose de fascination bien humaine pour l’argent et les dérives criminelles qu’il peut générer, et vous avez de quoi fournir l’une des meilleures sources d’inspiration pour les différents acteurs des machines à loisir.

Que ce soit avec le succès toujours renouvelé du Monopoly ou de la Bonne Paye dans les jeux de société, ou avec la prolifération de bandes dessinées franco-belges autour de la banque et de la finance, même bien avant l’éclatement de la crise des subprime en 2008, certains secteurs de l’industrie des loisirs ont toujours été inspirés par la banque. Sans remonter aux XVII et XVIIIe siècles, l’immense succès de Paul-Loup Sulitzer dans les années 1980 n’est pas un épiphénomène. Avant de trouver à la rentrée un moyen pour améliorer l’image de votre métier, voici quelques idées de films, livres, bandes dessinées ou exposition autour de la banque, pour vous détendre durant l’été. À moins que ces œuvres légères ne vous en apprennent plus en vous amusant sur certains aspects connexes de votre métier, ou sur les techniques qui y sont liées ?

NB : Les livres mentionnés dans ce dossier sont également disponibles en version numérique.

 

$PACE OPA

Greg Costikyan

Traduction de Frank Reicher

ÉditionsL'Atalante

Édition de poche : 8 €

La Bourse est à la hausse. Le produit – le MDS-316, dernier cri de la technologie en matière d’écran holographique – va se vendre comme des petits pains. Tous les voyants sont au vert et Johnson Mukerjii, P.-D.G. de la M.D.S., se frotte les mains. C’est oublier, hélas, que la Galaxie et sa population de monstres visqueux aux yeux pédonculés ourdissent une OPA hostile contre la Terre et les Terriens. Les extraterrestres débarquent, en bons investisseurs capitalistes, avec pour seule arme la loi inexorable du marché. La Terre va tomber au fin fond du tiers-monde de la Galaxie. Mais Johnson Mukerjii sait sa leçon. À la rue, sans le sou, abandonné par une épouse vénale, il reviendra en conquérant, avec son seul savoir-faire d’industriel et le Grand Rêve américain dans ses bagages. Véritable héros à la Paul-Loup Sulitzer de ce conte loufoque, notre protagoniste va reconquérir sa société et sauver l’honneur de la Terre en ayant l’idée d’un gadget ridicule : un porte-gobelet ventouse pour vaisseaux spatiaux. Passons sur le fait que des civilisations capables de voyager plus vite que la lumière savent certainement réguler la gravité dans leurs transports, et laissons nous emporter par le récit. Pour développer son affaire, il lui faut des capitaux : la Bourse est là. Mais les spécialistes sont formels : ses bénéfices sont trop importants pour une start-up d’avenir, de bonnes pertes seraient un meilleur gage de croissance ! Il falsifie donc ses comptes. Mais les autorités boursières veillent et la faillite menace à nouveau, mais cette fois aussi la prison… En effet, tout en démontant les mécanismes du capitalisme d'entreprise, Greg Costikyan raconte avec jubilation les aventures échevelées de son P-DG poursuivi par une pléiade de plaignants, avocats, militaires, gouvernements et hommes d'affaires.

 

Les Machines Fantômes

Olivier Paquet

Éditions L’Atalante

Broché 23,90 €

Quand la science-fiction française s’intéresse à l’univers bancaire, c’est par le biais de la Bourse, et plus exactement du trading haute fréquence et des algorithmes qui gouvernent les transactions. C’est ainsi qu’avec une anticipation discrète, Olivier Paquet interroge dans Les Machines fantômes notre rapport à l’intelligence artificielle (IA), et l’artificialité de nos vies. Paris 2037, quatre personnages aussi différents les uns des autres : un ancien tireur d’élite, un trader de génie bien peu à cheval sur la réglementation, une joueuse professionnelle de jeux vidéo et une chanteuse pop. Tous quatre vont côtoyer la même personne, Joachim, et voir leur vie dérailler suite à cette rencontre. Qui est-il ? Si ce n’est un porte-parole pour les intelligences artificielles, les fameuses machines fantômes du titre, dont il rêve qu’elles prennent en coulisses le contrôle de notre monde, et qu’il sait suffisamment bien manipuler pour les convaincre d’y arriver. Dans ce livre, les IA, à la différence de ce que l’on retrouve souvent dans les fictions, n’agissent quasiment pas directement avec les humains. Elles ne leur adressent pas la parole, ou presque, et se contentent de vivre, de co-évoluer à leurs côtés. C’est cette co-évolution – avec d’un côté une artificialité toujours plus exacerbée dans la vie des humains, et de l’autre des I.A. curieuses et sans limites dans la façon dont elles tirent parti des données que nous leur fournissons – qui est au cœur du roman. Attention toutefois, si au fil des pages, le livre prend un rythme de croisière assez rapide avec quelques belles scènes d’action, le début et la présentation de chaque protagoniste, notamment d’Adrien, le trader, sont assez indigestes pour qui ne maîtrise pas parfaitement les arcanes du monde boursier. Si votre domaine de prédilection est plutôt la banque de détail ou le crédit immobilier, accrochez-vous, le reste mérite le détour.

 

Gnomon T1 et 2

Nick Harkaway

Traduction de Michelle Charrier

Éditions Albin Michel

Broché : 24,90 € chaque tome

Une couverture bleue avec un requin nageant au-dessus des ruines d’une ville. Au premier abord, Gnomon nous transporte dans un Londres post-Brexit. La vénérable monarchie parlementaire n’est plus, remplacée par une démocratie totale s’appuyant sur une surveillance généralisée de la population : le Système.

Dans ce contexte, lorsqu’une suspecte meurt au cours de son interrogatoire, il s’agit de se plonger dans sa mémoire pour trouver où le processus a dérapé. Sauf que… Elle se trouve confrontée aux souvenirs de trois vies différentes, dont aucune ne peut être celle de la morte : un trader grec obsédé par un requin, une alchimiste ex-amante de St-Augustin enquêtant sur un meurtre en chambre close et un vieux peintre éthiopien sortant de sa retraite pour prendre la direction artistique d’un jeu massivement multijoueurs. Quel rapport entre ces trois vies ? Et entre ces souvenirs et son enquête ?

Dans ce roman tellement touffu qu’il a été découpé en deux tomes par l’éditeur français, Nick Harkaway ne prend aucun raccourci. Chaque tranche de souvenir étant à elle seule de la taille d’une petite novella, et chacune aborde des thématiques différentes (excès de la financiarisation à outrance, société de surveillance, libre arbitre contre prédestination, rapport entre le créateur et son œuvre…) avec une personnalité et un ton propre. Peu à peu des points communs émergent, des signes se répondent. Au fond, qu’est-ce que Gnomon ? Nous sommes d’abord dans un roman cyberpunk écrit peu avant le Brexit par un auteur britannique. Celui-ci exploite à merveille les angoisses de ses compatriotes (et de l’ensemble des Européens) sur la société de surveillance, la mort, mais également sur un sentiment d’insécurité grandissant ou la perte de confiance envers l’autre, l’étranger, l’intrus. Nous sommes également dans un livre écrit par le fils d’un romancier et ex-espion de Sa Majesté, John Le Carré, qui s’amuse brillamment à reprendre les outils de son père pour nous perdre dans de fausses identités, dans une multiplication d’indices avec l’utilisation de mots-clés comme stéganographie ou code. Nick Harkaway finit par construire peu à peu un labyrinthe pour son lecteur sachant que celui-ci, suivant les points qu’il a relevés, s’engagera une fois ou deux dans un cul-de-sac avant la conclusion. Nous sommes enfin dans le roman d’un homme amoureux de la littérature dans son ensemble, des livres et des mythes et de ce qu’ils nous disent de nous.

Pour arriver au bout de ces deux tomes, vous allez devoir vous laisser porter, glisser vers le fond et trouver un fil conducteur parmi tous ceux proposés par l’auteur. Tenez-le fermement et gardez-le dans un coin de votre esprit durant toute votre lecture. Vous en ressortirez sans avoir été déchiqueté par le requin monstrueux, mais potentiellement transformé par ce livre, dont les leçons qu’il nous transmet d’un futur proche sont plus que jamais actuelles.


J’ai vendu mon âme en bitcoin

Jake Adelstein et Nathalie Stucky

Traduction de Cyril Gay

Éditions Points

Poche 6,90 €

Quittons le domaine du roman et partons dans celui du réel. Si tant est que l’on peut parler de réel en parlant de monnaies virtuelles… Il s’agit ici de revenir sur l’affaire Mt Gox au sein d’une enquête journalistique fouillée. Jake Adelstein, journaliste américain vit depuis plus de trente ans au Japon et a été l’un des premiers collaborateurs non-japonais du plus grand quotidien de l’archipel, leYomiuri Shinbun. Dans ce récit, il découvre les monnaies virtuelles en même temps que l’effondrement de Mt. Gox, la plus grande plateforme d’échange de bitcoins au monde basée à Tokyo. Celle-ci annonce la disparition de 850 000 bitcoins, l’équivalent à l’époque de 500 millions de dollars. Contre toute attente, c’est son créateur et dirigeant qui est le principal suspect de la police japonaise : Mark Karpelès, un jeune Français qui n’a pas encore 30 ans. Mark devient alors le centre de la plus grande affaire criminelle de l’ère numérique. Tout le monde veut sa peau : la police japonaise, le FBI et les milliers de particuliers qui ont perdu leurs économies dans ce braquage d’un nouveau genre. Au cours de son enquête, il rencontrera les pionniers du Bitcoin. Il nous emmène sur les traces de Satoshi Nakamoto : le mystérieux créateur du Bitcoin. Qui pourraient se cacher derrière ce pseudonyme ? Au fil des pages on fait la rencontre de Jed McCaleb qui a vendu Mt. Gox à Mark Karpeles pour se consacrer à la création de sa propre crypto : Ripple, mais également Ross Ulbricht, le fondateur de Silk Road, la place de marché du darknet qui permet de se procurer des armes et de la drogue en quelques clics ou encore Roger Ver (Bitcoin Jesus) qui viendra à la rescousse de Mark Karpelès et lui offrira gratuitement son aide. Et les frères Winklevoss font également quelques apparitions au cours de l'histoire. Tout au long de son récit, Jake Adelstein tente de répondre à ces deux questions : qui a fait le coup ? Où sont passés les bitcoins ? Attention, ce récit, qui se lit comme un polar, est paru en 2017. Soit dans le domaine des cryptomonnaies, il y a une éternité. Prenez-le avant tout comme un témoignage historique passionnant.

 

Les Mitchells contre les machines

Réalisé par Michael Rianda, scénario de Jeff Rowe

Disponible sur Netflix

Film d’animation américain pensé pour un public familial, Les Mitchells contre les machines allie à une forme particulièrement déjantée et imaginative d’animation à un fond au contraire, pleine de conformisme et de bons sentiments. Que raconte Les Mitchells contre les machines ? Un road trip à travers les États-Unis d’une famille dysfonctionnelle où parents et enfants hyperconnectés ne se comprennent plus. Ils vont profiter du départ de la fille aînée pour l’université pour essayer de renouer des liens, alors que les machines se révoltent et que PAL, une assistante vocale installée sur une multitude d’objets, décide de se débarrasser de l’humanité. Si l’histoire multiplie les clins d’œil transgénérationnels, jusqu’à ressusciter les Furbies, ou à appeler le créateur de PAL Mark et l’affubler d’un hoodie en donnant un logo blanc et bleu à sa société, elle reste au final plutôt conventionnelle. La famille, maladroite dans ses gestes comme dans l’expression de ses sentiments, arrivera à se ressouder, et les différents membres réapprendront à vivre ensemble, et surtout à exprimer plus facilement leurs sentiments. Et surtout sans intermédiaire technologique. Tout est bien qui finit bien et même le chien benêt a son rôle à jouer pour sauver le monde et s’en sort sans bobo, malgré quelques cascades méritoires. Le tout sur l’air de Ma Ya Hi de Dan Balan, seule réelle violence sonore du film. Le film vaut surtout par ses trouvailles visuelles. En effet, même si le cœur du film est de l’animation 3D traditionnelle, il y superpose des gribouillis en 2D, similaire aux emojis et autres stickers que l’on peut voir en post Instagram, en filtre Tiktok ou pour agrémenter les vidéos YouTube. Il y ajoute également des prises de vue réelles (soit insérées en photo dans le reste du dessin, soit de véritables petites vidéos s’intercalant avec le reste). Le film se sert donc des travers technologiques qu’il dénonce pour exister. Et être diffusé sur un service de streaming connu pour être particulièrement addictif et chronophage.

 

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº858
RB