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Économie bancaire

Des écarts de pondération des actifs bancaires par les risques de part et d’autre de l’Atlantique

Créé le

18.10.2016

-

Mis à jour le

22.01.2018

D’aucuns voient dans les ratios des actifs pondérés aux actifs (ou ratios de densité) plus faibles de certaines grandes banques européennes une propension à « minimiser » les actifs pondérés à grand renfort de modèles internes. Le raccourci est quelque peu rapide : les modèles internes contribuent également à réduire le risque de crédit.

Dans une consultation de mars 2016 [1] , le Comité de Bâle propose de réduire la part relative des modèles internes IRB [2] au profit de l’approche standard et d’introduire des paramètres minimaux (« floorés ») dans les modèles internes afin de limiter la variabilité des risques pondérés d’une banque à l’autre. Pour autant, les écarts de risques pondérés ne sont pas toujours révélateurs d’écarts de méthode : ils peuvent tout aussi bien refléter des différences de caractéristiques de portefeuilles, de législations nationales, de règles comptables lorsque les banques sont établies dans des pays ou des zones économiques distincts.

Ratio de levier

Une exigence en capital indépendante des risques est susceptible d’accroître la proportion des actifs plus rentables et plus risqués (Kahane (1977) [3] , Koehn et Santomero (1980) [4] ). Les accords de Bâle II (2003), qui relient plus finement les exigences en fonds propres aux risques du portefeuille bancaire, ont donc succédé aux accords de Bâle I (1988) aux pondérations encore rudimentaires. Une littérature ultérieure a ensuite montré l’intérêt d’un ratio de levier en complément d’un ratio de solvabilité pondéré (Kim et Santomero (1988) [5] et surtout Rochet (1992) [6] ). Le ratio de levier introduit par Bâle III ne vise pas tant à offrir une alternative au ratio de solvabilité qu’une limite basse extrême visant à prévenir l’éventuelle « optimisation » par les banques des paramètres de leurs modèles internes. Mais on peut considérer qu’il y a une certaine redondance entre l’adoption d’un ratio de levier global et l’introduction de planchers (floors) sur les pondérations ou sur les paramètres de calcul dans l’approche avancée récemment proposée par le Comité de Bâle.

Notre analyse (voir Graphique) illustre la relation positive entre le risque de crédit « comptable » (volatilité du coût du risque) et les risques de crédit réglementaires selon l’approche avancée. Plusieurs banques universelles européennes et d’investissement américaines (dont les portefeuilles de crédit sont beaucoup plus étroits) présentent des ratios d’actifs pondérés au titre du risque de crédit relativement bas, en lien avec de plus faibles risques de crédit « comptables ». D’autres banques américaines présentent des densités des risques de crédit plus importantes, mais aussi des risques de crédit « comptables » sensiblement plus élevés. À risque de crédit comptable donné, les pondérations des banques européennes ne sont donc pas plus basses que celles des banques américaines.

Bons risques

Enfin, il convient de ne pas faire totalement fi des vertus initialement prêtées aux modèles internes par le Comité de Bâle : inciter les banques à privilégier les « bons risques » afin de bénéficier de pondérations et d’exigences en capitaux propres modérées. La réallocation des portefeuilles bancaires en faveur des « bons risques » est un processus au long cours, engagé depuis longtemps en Europe, mais pas aux États-Unis. Il apparaît donc naturel d’observer de plus faibles risques de crédit pour les grandes banques européennes ayant de longue date adopté la méthode avancée que pour les grandes banques américaines, lesquelles ne sont autorisées à faire un usage limité [7] de l’approche avancée que depuis 2014.

 

1 BCBS (2016), Reducing Variation in Credit-risk Weighted Assets – Constraints on the Use of Internal Model Approaches, Consultative Document, mars.
2 Internal Ratings-based Approach.
3 Y. Kahane (1977), « Capital Adequacy and the Regulation of Financial Intermediaries », Journal of Banking & Finance, vol. 1, n° 2, pp. 207-218.
4 M. Koehn et A.M. Santomero (1980), « Regulation of Bank Capital and Portfolio Risk », Journal of Finance, vol. 35, n° 5, déc., pp. 1235-1244.
5 D. Kim et A.-M. Santomero (1988), « Risk in Banking and Capital Regulation », Journal of Finance, vol. 43, n° 5.
6 J.C. Rochet (1992), « Capital Requirement and the Behaviour of Commercial Banks », European Economic Review, n° 36.
7 Quinze Bank Holding Companies ont été autorisées à calculer et à publier leurs ratios de solvabilité pondérés selon l’approche avancée à compter du deuxième trimestre 2014. En vertu des règles américaines, ces banques doivent retenir l’approche la plus pénalisante entre la méthode avancée et la méthode standard pour le calcul de leurs ratios de solvabilité.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº802
Notes :
1 BCBS (2016), Reducing Variation in Credit-risk Weighted Assets – Constraints on the Use of Internal Model Approaches, Consultative Document, mars.
2 Internal Ratings-based Approach.
3 Y. Kahane (1977), « Capital Adequacy and the Regulation of Financial Intermediaries », Journal of Banking & Finance, vol. 1, n° 2, pp. 207-218.
4 M. Koehn et A.M. Santomero (1980), « Regulation of Bank Capital and Portfolio Risk », Journal of Finance, vol. 35, n° 5, déc., pp. 1235-1244.
5 D. Kim et A.-M. Santomero (1988), « Risk in Banking and Capital Regulation », Journal of Finance, vol. 43, n° 5.
6 J.C. Rochet (1992), « Capital Requirement and the Behaviour of Commercial Banks », European Economic Review, n° 36.
7 Quinze Bank Holding Companies ont été autorisées à calculer et à publier leurs ratios de solvabilité pondérés selon l’approche avancée à compter du deuxième trimestre 2014. En vertu des règles américaines, ces banques doivent retenir l’approche la plus pénalisante entre la méthode avancée et la méthode standard pour le calcul de leurs ratios de solvabilité.