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Améliorer l’attractivité
des plans d’épargne

Créé le

22.05.2023

-

Mis à jour le

25.05.2023

se déclinant en mode individuel, collectif ou catégoriel. Doit-on s’en satisfaire ou peut-on encore améliorer l’attractivité des dispositifs mis en place et inciter
les Français à épargner davantage pour leur retraite ?

Selon le dernier Comité de suivi de la loi PACTE, l’objectif du gouvernement de parvenir, avec son nouveau plan d’épargne retraite (le PER), à 300 milliards d’épargne retraite était déjà presque atteint en septembre 2022. Mais les encours du PER proviennent à 79 % de transferts d’anciens produits. Ainsi, les Français épargnent, en témoignent aussi les encours accumulés sur les comptes de dépôts à vue, mais peu sur les dispositifs prévus pour la retraite. Quand on les interroge, 30 % seulement disent épargner à cette fin. Les jeunes en particulier semblent peu concernés et les motivations liées à l’épargne de précaution dominent1. Ce constat n’est pas propre à la France et deux raisons peuvent l’expliquer.

Le choix est compliqué : les gens ne savent pas combien épargner ni comment définir leur allocation d’actifs sur les plans d’épargne retraite. Laisser l’argent sur son compte bancaire est la solution de facilité. Biais pour le présent et procrastination expliquent alors l’absence de décision.

Les épargnants aiment pouvoir disposer d’une épargne liquide et mobilisable en cas de besoin. Or le PER bloque l’argent jusqu’à la retraite, sauf motifs de retraits exceptionnels.

Si une partie des gens procrastinent, la mise en place d’une solution d’adhésion automatique versant par exemple un pourcentage du salaire directement dans un plan d’épargne retraite serait efficace à court terme. Plusieurs travaux académiques en attestent : passer d’un régime d’adhésion volontaire à un régime d’adhésion automatique peut doubler le taux de participation aux plans d’épargne retraite (voir les expériences menées aux États-Unis ou au Royaume-Uni : Madrian and Shea, 2001 ; Beshaers et al., 2009 ; Berk et al., 2022).

Les effets à plus long terme sont néanmoins de plus en plus discutés. Le « biais pour le présent », qui conduit une part importante des ménages à prendre à l’option par défaut via l’adhésion automatique, peut également les conduire à surconsommer. Des travaux académiques ont montré que les individus ont tendance à annuler les effets de court terme de l’adhésion automatique en épargnant moins à l’avenir ou en débloquant leur épargne quand c’est possible. Aux États-Unis, lorsque les employés se séparent de leur employeur, les avoirs accumulés dans leur plan d’épargne 401k sont transférés sur un compte IRA plus liquide. Certains profitent de cette opportunité pour dépenser leur épargne (Beshaers et al., 2022). Au Royaume-Uni, lorsque les salariés changent d’employeur et que le nouvel employeur n’a pas d’adhésion automatique, leur taux de participation baisse de 13 % (Choukhmane, 2019). Au final, les contributions médianes cumulées des salariés avec et sans adhésion automatique sont identiques après trois ans. En France, dans le cadre de l’épargne salariale, la participation est versée par défaut à 50 % dans le dispositif d’épargne retraite. Mais une partie de l’effet lié à cette adhésion automatique est défaite lors des retraits pour motif exceptionnel. Les salariés retirent en moyenne 92 % des fonds du plan d’épargne pour la retraite collectif (Percol) lorsqu’une occasion de retrait se profile, alors qu’ils ne retirent que 68 % des fonds du PEE lors de ces mêmes retraits (Brière et al., 2022)2.

Quel degré de liquidité offrir ?

Le PER bloque l’argent jusqu’à la retraite, sauf motifs de retraits exceptionnels (achat résidence principale, chômage, surendettement, décès ou invalidité). Le blocage des fonds épargnés peut être un frein, notamment pour les jeunes, pour qui la retraite est encore lointaine et qui ont une forte incertitude quant à leurs besoins de liquidité. Ceci nous interroge sur le degré de liquidité optimal des plans d’épargne retraite. Si le plan est « trop » liquide, les individus risquent d’être tentés de consommer leur épargne avant la retraite. Mais s’ils ont une forte préférence pour la liquidité, leur offrir la possibilité d’accéder facilement à leur fonds en cas de besoin peut être un incitatif à l’épargne.

Les systèmes d’épargne retraite diffèrent fortement dans le degré de liquidité des plans. En Allemagne, aucun retrait n’est possible sauf conditions de santé : invalidité, maladie phase terminale. En Australie et au Canada, des retraits sont possibles pour raisons exceptionnelles (santé, emploi). Aux États-Unis, les retraits anticipés sont possibles lorsque les individus changent d’employeur. Les fonds accumulés sur leur plan d’épargne retraite 401k sont alors transférés sur un compte IRA, où les retraits sont possibles avant 59,5 ans avec une pénalité de 10 % des fonds retirés. En France, la retraite provient majoritairement du système par répartition, elle est donc d’office très illiquide.

Dans le cadre de l’épargne salariale, on constate une forte préférence pour la liquidité. Par exemple, les salariés prennent moins l’option par défaut lorsque celle-ci implique qu’une partie de la participation soit versée sur le Percol (9 % des salariés vs 41 % quand la participation est versée entièrement sur le PEE). Par ailleurs, les salariés n’investissent dans le Percol que lorsque ce dernier est significativement plus abondé que le PEE. Autoriser des retraits plus flexibles avant la retraite permettrait sans doute d’améliorer l’attractivité des dispositifs d’épargne retraite.

Systématiser l’usage des simulateurs

Prendre conscience de la nécessité d’épargner pour la retraite passe bien souvent par la mise à disposition d’une information fiable et aisément accessible sur ses droits à la retraite. Les expériences menées dans d’autres pays montrent qu’offrir cette information a des effets importants. En Allemagne par exemple, une politique d’information systématique sur les droits à retraite a été mise en place entre 2002 et 2005, avec l’envoi de lettres annuelles présentant des projections de revenus à la retraite pour tous les individus de plus de 27 ans. Cette réforme a conduit à une hausse de l’épargne retraite déductible fiscalement et une hausse des revenus du travail (Dolls et al., 2019). Duflo and Saez (2003) ont conduit une expérience randomisée où les individus se sont vus proposer une incitation financière pour assister à un séminaire d’éducation sur un plan d’épargne retraite. Les individus « formés » ainsi que leurs pairs ont été plus enclins à prendre le plan d’épargne retraite. Également, 17 000 employés de l’Université de Minnesota ont reçu des projections de revenus à la retraite basées sur leur capital accumulé. Goda et al. (2014) ont observé une hausse significative de leur taux de contribution et de leur contribution moyenne.

Incitations fiscales

Dernier outil d’incitation possible, quoique plus coûteux pour le décideur public : la mise en place d’incitations fiscales à épargner pour la retraite. Se pose alors la question cruciale du type d’incitation efficace. Dans le cadre de l’épargne salariale notamment, est-il préférable (1) d’inciter les entreprises à verser plus de rémunération variable, qui pourra être épargnée pour la retraite (par défaut 50 % de la participation va dans le Percol), ou (2) d’inciter les salariés via des incitations fiscales à faire des versements volontaires ? La loi PACTE, par exemple, a joué sur les deux effets en offrant un avantage fiscal aux petites entreprises de moins de 250 salariés (réduction du forfait social) tout en rendant plus attractifs les versements volontaires (possibilité de déduction immédiate des revenus des versements volontaires effectués dans le cadre du Percol).

Le Danemark a connu en 1999 un changement similaire de fiscalité des versements volontaires. Les individus avaient accès à deux compartiments d’épargne retraite : (1) avec sortie en capital, (2) avec sortie en rente, offrant une fiscalité avantageuse des versements volontaires. En 1999, un changement de fiscalité a rendu moins attractif fiscalement le compartiment de sortie en rente pour les salariés avec les rémunérations les plus élevées. L’analyse de l’impact de la réforme a mis en évidence que 81 % des individus sont restés passifs et n’ont pas modifié leurs versements. 19 % des individus ont été actifs et ont modifié leurs contributions pour s’adapter à la nouvelle fiscalité, mais en puisant dans leurs autres dispositifs d’épargne retraite pour bénéficier de l’avantage fiscal. Au final, il y a eu un effet de substitution entre les différents dispositifs d’épargne, qui a rendu la mesure globalement inefficace (Chetty et al., 2014). Moralité : si les incitations fiscales aux versements volontaires ne touchent que les salariés « actifs »3, ceux qui sont les plus informés et déjà plus enclins à épargner pour leur retraite sur les dispositifs existants, le risque est grand que l’incitation fiscale n’ait qu’un effet de substitution entre les différents supports d’épargne.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº881bis
Prise de l’option par défaut et du PER dans le cadre de l’épargne salariale
$!Améliorer l’attractivité des plans d’épargne
Notes :
1 http://cercledelepargne.com/wp-content/uploads/2022/03/Brochure-Cercle-de-Epargne-2022.pdf
2 Brière M., J. Poterba et A. Szafarz, « Precautionary Liquidity and Retirement Saving », AEA Papers and Proceedings 2022, 112: 147-150.
3 A fortiori lorsque l’incitation ne touche que les individus les plus fortunés, pour lesquels le taux d’imposition à la retraite sera plus faible que celui pendant la vie active, comme cela a été le cas pour la loi PACTE.
RB