Vous avez étudié pour Revue Banque la performance des fonds
Jean-François Bay: Pour étudier la performance de l'ISR, nous avons retenu tous les fonds gérés dans l'Hexagone ou à l'étranger qui se disent ISR et sont commercialisés en France. Il s'agit de véhicules ouverts, essentiellement destinés aux particuliers. Les fonds dédiés sont exclus.
Notre étude montre que sur 3 et 5 ans, les fonds actions ont tendance à sous-performer tandis qu'en 2012, ils surperforment légèrement. Cette évolution est due à la surpondération des valeurs financières – banques et assurances – dans les fonds ISR. En effet, la notation des valeurs cotées sur des critères sociaux (diversité, emploi des femmes, salaires…) ou environnementaux (émissions de CO2, consommation d'eau…) a mécaniquement eu tendance à favoriser les sociétés financières au détriment des industrielles. Ces analyses ne tiennent pas toujours compte des impacts des projets financés par les banques ou du moins pas suffisamment pour faire baisser la note ESG des établissements financiers.
C'est ce qui explique que l'ISR n'a pas protégé l'investisseur de la crise sur les actions et que les performances à plus court terme soient plus élogieuses (grâce au rebond des financières). À l'inverse, sur la classe d'actifs obligataire, on observe une surperformance sur 3 et 5 ans et une sous-performance en 2012. L'explication provient de la sous-pondération en titres émis par les pays de l'Europe du Sud. En effet, l'analyse ISR note sévèrement les États où la fraude fiscale et la pratique du travail au noir sont importantes. La Grèce par exemple a toujours été mal notée.
Au final, sur le moyen/long terme, les performances sont comparables, car la stratégie Best in Class, très utilisée en France, se différencie peu de la gestion classique. C'est d'ailleurs l'une des difficultés que l'ISR doit résoudre, car le grand public ne perçoit pas bien la différence.
Les fonds que vous avez analysés utilisent-ils tous le même processus ISR ?
J.-F.B.: Certainement pas. Les gérants et les investisseurs ISR ont un problème de définition. Chacun a sa propre vision de l'ISR. Pour certains l'environnement prime, alors que pour d'autres, c'est le critère social. Beaucoup de gérants refusent de faire appel aux agences de notation extrafinancières et notent eux-mêmes les entreprises, ce qui renforce l'hétérogénéité des pratiques. Quant aux agences, elles sont nombreuses et disposent chacune de leurs propres critères. Par ailleurs, les appellations se multiplient : ESG, ISR, IRD, thématiques... Bref, on ne sait plus très bien ce qu'est l'ISR, car l'industrie n'a pas fait son travail de standardisation. Mais tout cela n'empêche pas ce thème d'être en croissance.
Quels sont les univers dans lesquels une démarche éthique est la plus pertinente ?
J.-F.B.: Si la gestion ISR a du mal à démonter sa différence sur les grands marchés des pays développés (grandes capitalisations, dette souveraine...), elle est plus pertinente sur les marchés émergents. Il s'agit alors de veiller à investir dans des sociétés qui, par exemple, ne font pas travailler les enfants ou ne sont pas proches de gouvernements dictatoriaux. La performance financière peut également être au rendez-vous. À titre d'exemple, le gérant anglais First State propose le fonds Global Emerging Markets : la version ISR a réalisé une performance de +48 % sur 3 ans et +25 % sur 1 an, la version non ISR +42 % et +18 % et l'indice de référence +13 % et +13 % sur les mêmes périodes. La redondance de mêmes valeurs entre les deux fonds n'est que de 39 %.
L'univers du non-coté peut lui aussi offrir des possibilités d'investissement véritablement responsable. Par exemple, la société de gestion Nef Capital Éthique, filiale de la Nef, finance des entreprises qui dès le départ ont été créées pour répondre parfaitement aux critères ESG (crèches construites en matériaux écologiques, entreprises de livraison en voiture électrique, vêtements écologiques...).
Propos recueillis par Sophie Gauvent
Benoît Magnier (Cédrus AM) s’est lui aussi penché sur la question de la performance des actions sur un historique plus court et un univers ISR différent : l’Investissement responsable et durable. Dans ce domaine, certains fonds surperforment les indices. L'analyse de Benoît Magnier...
Expert en conseil et en gestion de fonds ISR, Cedrus Asset Management dispose d’une base de recherche sur l’Investissement responsable et durable (IRD). Développée à partir de 2004, elle constitue aujourd’hui un outil unique en Europe. Pourquoi IRD ? Pourquoi ne pas parler d’ISR ou de fonds éthique ? Utiliser ce terme d’IRD vise à éviter deux écueils :
- adopter une définition trop stricte de l’ISR et exclure ainsi certaines approches comme les stratégies dites d’intégration ;
- choisir une vision trop large qui engloberait plusieurs milliers de produits se déclarant ISR, avec l’application de critères extrafinanciers a minima.
- les approches ESG, qui impliquent la considération à une étape du processus d’investissement de critères ESG, que ce soit une réduction de l’univers d’investissement par des exclusions ou bien par des approches de sélection (Best in Class, Best in Universe). Ces fonds ESG peuvent être assimilés à ce que l’on appelle généralement les fonds ISR ;
- les fonds thématiques durables. Une thématique est considérée comme durable à partir du moment où les produits et services des sociétés investies contribuent par un ou plusieurs aspects au développement durable.
Rebond des énergies renouvelables
Certains fonds thématiques ont eux aussi dégagé davantage de valeur que le
Les résultats sur 1 et 3 ans des catégories présentées ici confirment que les fonds IRD peuvent apporter de la surperformance par rapport à des indices financiers traditionnels. Cela étant, l’univers des fonds IRD, comme l’ensemble de l’industrie, est très hétérogène, et nécessite donc une expertise dans la sélection des supports.