La version définitive de la directive Solvabilité 2 ne lève pas toutes les incertitudes concernant l’industrie immobilière, dans la mesure où de nombreuses dispositions de niveau 2 (mesures d’exécution) et de niveau 3 (mesures d’harmonisation) sont encore attendues (voir Encadré 1). Cette réglementation post-crise de 2008 vise à exiger la couverture par des fonds propres des risques économiques et financiers potentiels affectant l’actif et le passif des institutionnels concernés. Le calcul des fonds propres minimum ne repose plus sur les seules données comptables de l’institutionnel mais sur une Value at Risk (VaR). Le calcul du Solvency Capital Requirement (SCR) est basé sur l’appréciation des pertes auxquelles l’organisme doit faire face en cas de scénarios défavorables selon son profil de risques. Il s’obtient en testant sur le bilan prudentiel les différents scénarios défavorables de la formule standard. L’EIOPA (European Insurance and Occupational Pensions Authority) regroupe les différents risques en six modules – Marché, Santé, Défaut, Vie, Non-Vie, Intangible – que peut supporter un assureur. Le modèle Marché est lui-même divisé en 7 sous-modules : Taux, Actions, Immobilier, Spread, Concentration, Devise, Prime contra-cyclique (et illiquidité). L’immobilier fait donc l’objet d’un traitement spécifique en termes d’exigences de fonds propres de couverture.
Solvabilité 2 : une préoccupation majeure des structures d’actifs immobiliers
Le capital prudentiel requis des assureurs/actifs immobiliers : les institutionnels concernés doivent mesurer leurs besoins en fonds propres eu égard aux différents risques potentiels pouvant affecter la valeur des actifs immobiliers qu’ils détiennent. Ils peuvent :
- opter pour la méthode standard établie par l’EIOPA ;
- ou faire approuver par leur régulateur national (pour la France, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) un modèle interne ;
- ou appliquer une combinaison des deux.
En méthode standard, le capital qui doit être alloué pour couvrir le risque de marché d’un actif immobilier porte actuellement sur 25 % de l’exposition évalués à leur valeur de marché. La VaR mesurera la perte potentielle supportée par un établissement sur son portefeuille d’actifs, dans la double hypothèse d’un scénario de marché défavorable sur 1 an et d’un intervalle de confiance de 99,5 %.
Le traitement des fonds immobiliers (hors fonds de dettes et titrisation) par les institutionnels concernés pourrait reposer :
- soit sur une lecture en transparence des actifs sous-
jacents ;[1] - soit sur une méthode forfaitaire en retenant les bornes hautes des expositions aux différents facteurs, lorsque la méthode en transparence est impossible (i. e. tous les risques importants ne sont pas captés) ;
- soit sur une assimilation aux actifs en actions autres (soit
49 % ), lorsque la stratégie d’investissement n’est pas assimilable à un module de risque ou qu’elle varie trop fréquemment. Les autres actions regroupent normalement les actions listées hors OCDE, les hedge funds, les matières premières et les autres titres non classés dans le module de marché.[2]
L’AIFMD introduit une complexité supplémentaire
Avant la transposition de l’AIFMD, seuls étaient considérés comme des fonds d’investissement les Organismes de placement collectifs (OPC) – regroupant en droit français, pour le secteur immobilier, les OPCI, SCPI, SEF, SIVAF, FCPR et FIP. L’AIFMD a considérablement élargi la notion de Fonds d’investissement en incluant dans les FIA des structures fermées de toute nature dont l’objet répond aux quatre
Ainsi, les fonds intervenant dans le financement du secteur immobilier incluent des fonds ouverts ou fermés tels que définis par l’ESMA (Standard technique du 13 août 2013 (2013/ESMA/1119)). Ils sont, suivant les cas, structurés sous la forme d’un Fonds d’investissement par nature (ex-OPCI) ou par objet (holding), conformément aux définitions données par la Directive AIFMD (voir Encadré 2).
Cette évolution réglementaire de la notion de fonds d’investissement a-t-elle un impact sur l’approche et la méthode à retenir pour le calcul de la VaR des structures immobilières ? Les holdings qui, avant l’AIMFD, n’étaient jamais considérées comme des fonds d’investissement, pourront-elles dans certains cas se voir appliquer une lecture en transparence ?
La sélection de l’une des trois méthodes préexposées (en transparence, forfaitaire ou par assimilation aux actions) est réalisée, afin d’appréhender tous les risques significatifs, telle que la qualification de fonds ouverts ou fermés, ou encore l’effet de levier de la structure.
Pour les fonds ouverts ayant un faible effet de levier, la lecture en transparence entraîne l’application des méthodes correspondant à chaque sous-module du SCR Marché. À l’opposé, les fonds fermés tels que, par exemple, un fonds immobilier de capital investissement répondant à la définition de l’ESMA et structuré avec un fort effet de levier dont les actifs sous-jacents comportent des risques opérationnels significatifs, doit être assimilé à un fonds de private equity. On applique dans ce cas les méthodes de calcul du module actions (Autres actions). Les fonds cotés comme les SIIC sont appréciés suivant la méthode du module actions. Les fonds de titrisation, le private equity, venture et les investissements en PME font l’objet de règles révisées à la suite du rapport technique de l’EIOPA du 19 décembre 2013 (Technical Report on Standard Formula Design and Calibration for Certain Long Term Investments), afin de catégoriser les titrisations suivant leur niveau de risque (tranching, etc) et leur appliquer des méthodes de calcul du risque standard différencié.
Des exigences de reporting supplémentaires
Au-delà de ces impacts sur les méthodes de calcul du risque, Solvabilité 2 implique un réel changement quant au reporting et à la gouvernance requis pour les institutionnels concernés : le reporting pèse sur le choix des actifs par les
Il apparaît que le secteur immobilier a un besoin immense de financement qui pourra être freiné, malgré l’intérêt des investisseurs institutionnels, par l'incertitude des traitements Solvabilité 2 des véhicules immobiliers qui ne sera levée qu’après la publication par EIOPA de tous les standards techniques.