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Banque en ligne

Droit et technologies, un dialogue nécessaire

Créé le

19.12.2012

-

Mis à jour le

21.12.2012

Les 6 et 7 décembre derniers, l’université de Strasbourg a organisé un colloque sur le thème « ​Quel droit pour le développement de la banque en ligne ? » Première du genre dans l'espace francophone, cette rencontre a révélé l’état des lieux juridique de la banque en ligne.

Pendant deux jours, lors d’un colloque organisé par le Centre du droit de l'entreprise de l’université de Strasbourg, juristes, universitaires, praticiens du droit et banquiers ont échangé sur la question du droit applicable à la banque en ligne. Ce premier colloque du genre, dont vous pourrez lire l’intégralité des débats dans un hors-série de Banque & Droit, a permis de dresser un état des lieux complet du droit applicable en la matière : des problèmes liés aux transactions internationales et aux juridictions compétentes pour les juger, à la cybercriminalité de la banque en ligne, ou encore à la protection des données personnelles des clients, en passant par des questions– simples en apparence, mais complexes dans les faits – comme l’ouverture d’un compte ou la souscription d’un crédit en ligne. Malgré un décalage parfois flagrant entre la théorie juridique et la pratique – qu’est-ce qu’un document sur un support durable dans l’univers high-tech ? –, ce colloque a permis de poser certaines bases… et de cerner quelques vides juridiques. En effet, comment s’assurer de l’identité de l’internaute en ligne ou déterminer s’il a la capacité juridique d’effectuer certains actes ? dans quelles circonstances la responsabilité de la banque est engagée en cas de fraude, etc. ? Quatre participants reviennent sur l'intérêt d'une telle rencontre.

Guillaume de Crémiers, directeur juridique de Bforbank

« Si l’expertise sur les textes était de qualité, on était parfois un petit peu loin de la réalité pour ce qui est de la manière dont la banque en ligne applique ces textes. Il ne faut pas la voir comme étant uniquement une boîte noire déshumanisée et dématérialisée. Les banques en ligne se perçoivent comme multicanales : derrière le site Internet, il y a un service client, avec peut-être plus de proximité que dans une grosse banque. Nous avons aujourd’hui quelques difficultés pour tout faire en ligne, par exemple en matière d’authentification. Ceci étant, le niveau d’authentification en agence, en face à face, n’empêche pas les fraudes. Le volet important est de pouvoir développer des systèmes adaptés. La carte d’identité électronique serait l’ultime parade.

D’un point de vue personnel, je n’ai rencontré aucune difficulté, à l’exception du crédit immobilier, pour lequel une réalisation entièrement en ligne me semble impossible, compte tenu des contraintes en matière de garanties ou de délai, avec l’envoi d’un courrier papier. Dans certains cas, le défaut de conseil a été évoqué, mais rien n’empêche d’avoir un appel téléphonique ou une visioconférence avec ses clients. Les points de blocage sont pour moi juste une question liée à la façon d’imaginer globalement la relation avec le client en multicanal, et en personnalisant la relation via Internet. Ces échanges ont été l’occasion de poser un certain nombre de sujets sur la table et de voir de manière transverse l’activité de la banque en ligne. Nous avons fait un diagnostic ; reste maintenant à imaginer le droit de la banque en ligne de demain. »

Me Éric Caprioli, avocat spécialiste des nouvelles technologies pour le cabinet Caprioli et associés.

« Le problème de l’universitaire est qu’il part de la jurisprudence pour faire des analyses. Or dans ce domaine, il n’y a pas de jurisprudence. Il part alors de textes pour les analyser, mais il manque de concret. Quand vous travaillez au jour le jour sur les projets informatiques des banques, vous avez une connaissance de la technique informatique et de ce qu’elle entraîne. Par exemple, pour pouvoir identifier les traders d’une banque par leur empreinte biométrique, il faut un an pour obtenir l’autorisation de la CNIL…

Ce premier colloque sur cette thématique a permis de poser les bases sur l’ensemble du spectre, en abordant toutes les thématiques. Il faudra désormais passer de la théorie à la pratique et le prochain colloque nous permettra de voir comment cela s’est concrétisé. Dans les textes juridiques de 2000 et 2001, on n’avait pas prévu les certificats électroniques à usage unique… ce sont pourtant eux qui se généralisent. De même, nul n’avait prévu que la banque électronique se fasse également en face à face sur le point de vente. Il va falloir s’adapter, c'est l’usage doit guider le législateur et non l’inverse. »

Myriam Quémener, magistrate au tribunal de Créteil, spécialiste de la cybercriminalité

« Le sujet abordé par le colloque est bon, mais il reste beaucoup de questions. Nous sommes dans un domaine où il n’y a pas de véritable sécurité et nous adaptons le droit déjà existant. Nous n’avons pas encore d’affaires liées à la banque en ligne, mais des affaires d’escroquerie et de fraude. Le problème est qu’il faut que les affaires soient portées à la connaissance du pouvoir judiciaire et ce n’est pas encore le cas. Mais je note un progrès : avant, il y avait la direction des services informatiques d’un côté, les juristes de l’autre. Maintenant, nous nous parlons de plus  en plus. »

Me Richard Routier, professeur à l’université de Strasbourg et avocat chez Squadra et associés

« Ce que je retire de ce colloque est que dans notre arsenal juridique, nous ne partons pas de rien, même s’il faudra certaines adaptations. Les juristes ne sont pas exclus du débat. Le principal problème à régler est l’identité de l’internaute apte à agir sur une plate-forme de banque en ligne. Nous avons vu lors de ces journées que si le contrat peut être conclu en ligne, y compris pour l’ouverture d’un compte bancaire, cette conclusion n’est que conditionnelle, car il faut procéder à des vérifications complémentaires sur l’identité ou l’adresse physique. Une fois que la relation initiale est sécurisée, il semble qu’il n'y ait pas d’obstacles insurmontables pour poursuivre la relation exclusivement en ligne.

Les solutions peuvent venir en grande partie par la technique : visioconférence sécurisée avec enregistrement de la conversation, carte d’identité à puce, biométrie... Une question à se poser est celle de l’humanité de la relation. Que reste-t-il de la relation singulière entre le banquier et son client ? Peut-elle n'être que virtuelle ? Dans le futur probablement, mais aujourd’hui les esprits ne sont pas mûrs. »

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº755
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