Aujourd’hui, les institutions gouvernementales et bancaires
Compte tenu du financement nécessaire des économies européennes, au cœur desquelles les banques occupent une place essentielle, la séparation soulève énormément d’interrogations. Trop d’inconnues demeurent pour présager des évolutions à venir. Seule certitude : une longue période d’adaptation sera indispensable en amont pour faire évoluer les structures des économies.
Le paysage bancaire de l’Union européenne est composé de près de 8 400
Dans la volonté des gouvernements, des populations et des professionnels de maîtriser les excès de la banque d’investissement, le principe de la séparation des activités semble un garde-fou simple et efficace, mais cette simplicité masque bon nombre de difficultés économiques, réglementaires et opérationnelles.
Une nécessité pour les institutions européennes ?
Les banques européennes ont davantage été déstabilisées par la crise des dettes publiques que par les pratiques mises au jour ces dernières années. Justifiée par les risques systémiques générés par des banques laissées sans limites et par l’indispensable préservation des intérêts des déposants et épargnants, la remise en cause de la banque universelle tend à éluder les efforts fournis par les institutions bancaires européennes : mise en place des recommandations de Bâle, dispositifs internes de gestion des risques, directives nationales et européennes. Alors que la banque européenne est déjà engagée dans un profond mouvement de mutation, il semble prématuré de s’engager de surcroît dans un changement aussi révolutionnaire sans avoir au préalable récolté les fruits des chantiers en cours. De plus, la mise en place des règles Volcker et Vickers (voir Tableau) suscite actuellement quelques difficultés, qui devraient inciter les Européens à la prudence :
- difficulté à dissocier activités de trading pour compte propre et activités de teneur de marché (market making) ;
- délicate séparation entre le trading pour compte propre et les activités de couverture (hedging) ;
- baisse des revenus de 25 % anticipée par certains établissements américains.
Ou un péril pour les économies européennes ?
Mais les incertitudes majeures portent sur les conséquences économiques de cette transformation. Près de 70 % des financements en Europe sont de source bancaire (découverts et facilités, prêts, etc.). Imposer une partition des activités prive les institutions bancaires de ressources pour financer ou couvrir les opérations de crédit et conduit à en surenchérir le coût pour les clients.
Des financements de substitution devront être trouvés auprès d’autres acteurs (fonds divers, private equity, business angels, partenariats public-privé…) et via les techniques financières de transfert des risques (titrisation, cession de créances). Un encouragement à la désintermédiation et au développement du
Bien que reconnaissant son utilité dans le financement de l’économie, le Livre vert de la Commission
- le recours à un système parallèle non soumis aux contraintes réglementaires et prudentielles des institutions bancaires peut être promu par des acteurs désirant maintenir l’opacité sur leurs activités ;
- la stabilité des financements ne sera pas nécessairement mieux assurée que par le système bancaire classique ;
- la solidité du système bancaire parallèle peut être fragilisée par le levier ou l’usage de garanties non encadrés ;
- enfin, la porosité entre les deux systèmes bancaires permettrait à une défaillance du système classique de s’étendre au système parallèle.
Un impact lourd pour les établissements bancaires de petite taille
Face à une concurrence de plus en plus aiguë, les banques européennes doivent innover pour concevoir des produits respectant les réglementations et générant suffisamment de marge ou développer les pures activités d’intermédiaire et de conseil (fusion-acquisition, gestion patrimoniale…). Opérationnellement, si la séparation des activités s’impose, les établissements seraient tenus :
- d’accroître leur base de clientèle pour certains services ou simplement en abandonner la délivrance si leur stratégie l’autorise ;
- de capter les ressources, en développant la gestion de trésorerie ;
- de dissocier leur gestion actif-passif en fonction de leurs activités ;
- de maintenir qualité des services et coûts de production soit en optant pour une spécialisation plus poussée soit une régionalisation.
Quelles priorités à moyen terme ?
Les économies européennes sont-elles préparées à la séparation des activités bancaires ? À quel horizon la séparation pourrait-elle être mise en œuvre ? Quelle forme celle-ci prendrait-elle – simple compartimentation ou scission –, sachant que l’existence de forts réseaux mutualistes et coopératifs en Europe empêche l’application de la filialisation au sens de la règle Vickers ? Limitations en taille ou en type d’opérations des activités de marché pour la banque de détail, ajustement des normes prudentielles aux profils des banques, accroissement des règles de transparence et de contractualisation entre les entités, particulièrement au sein d’un même groupe bancaire… Autant de questions sur lesquelles les Européens ont à se positionner.