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La régulation des chambres de compensation

Quelle analyse de l'ESMA ?

Créé le

22.12.2015

-

Mis à jour le

28.12.2015

Des difficultés existent pour promouvoir un cadre harmonisé au niveau international dans la régulation des chambres de compensation.

Les infrastructures de marché, et notamment les chambres de compensation, ne constituent pas une nouveauté dans le contexte des marchés financiers. Avec la création du « Dojima Rice Exchange » à Osaka, en 1697, les trading commodity futures étaient régulièrement échangées ; la London Clearing House (LCH) a été fondée en 1888 comme central counterparty (CCP) pour les commodities. Les chambres de compensation sont donc devenues des institutions puissantes et capables de soutenir l’activité de trading au sein des marchés financiers. Ces dernières années, le débat sur la création des infrastructures de marché a pris une place importante en finance. À partir de 1998, le rapport du G10 sur le règlement des dérivés sur le marché de gré à gré a contribué à accroître l’assiette des services fournis par les chambres de compensation. Son objectif est de réduire le risque de contrepartie et le risque de liquidité. Sans aucun doute la crise financière a joué un rôle fondamental dans la relance des initiatives réglementaires visant à réglementer les chambres de compensation. Le G20 de Pittsburgh en septembre 2009 a confirmé la nécessité de renforcer la régulation financière internationale, notamment par l’augmentation du périmètre de la régulation financière au contrôle des dérivés OTC. Par ailleurs, le document publié par l’International Organisation of Securities Commission (IOSCO) en 2012, intitulé « Principles for Financial Market Infrastructure », constitue le socle de la régulation des infrastructures de marché et des chambres de compensation.

Obligation de transparence

Depuis la crise financière, la majorité des juridictions a intégré la nécessité de réguler les obligations de clearing pour les dérivés OTC et l’établissement des CCP. La Directive EMIR, en Europe, et le Dodd-Frank Act, aux États-Unis, ont créé un cadre réglementaire pour la régulation des infrastructures de marché, grâce à la mise en place d’obligation de transparence, de gouvernance d’entreprise et de gestion du risque. Le Japon est le premier État à approuver une nouvelle régulation pour les dérivées OTC et leurs chambres de compensation.

Le fil conducteur de cette nouvelle régulation aurait dû être, dans l’idée du G20, la création d’un cadre uniforme et harmonisé, afin d’améliorer la transparence et réduire les risques liés aux dérivés OTC. La réalité est différente.

Prenons le cas du règlement EMIR. Ce document est en adéquation avec la régulation post-crise adoptée par les régulateurs européens : un niveau de détails très élevé, éviter les conflits d’intérêts, et l’importance croissante des pratiques de la gestion du risque ou encore la relation entre les politiques de rémunération et la prise de risque excessive.

Analyse comparative

Pour considérer les différentes approches de la régulation, il est utile de considérer l’analyse de l’ESMA en relation avec la régulation EMIR et ses homologues dans d’autres juridictions (Hong Kong, Singapour, Japon, États-Unis, Canada, Australie, Afrique du Sud). Ainsi, la Commission européenne a donné mandat à l’ESMA pour produire une analyse comparative entre les régulations de ces différentes juridictions et le règlement EMIR.

Cette analyse « objective-based » démontre une forte hétérogénéité entre les approches. Par exemple, il existe de fortes différences entre les réglementations américaine et européenne notamment en termes de marge (initial et variation margins), de gestion du risque de défaut, ou plus généralement de gouvernance. Par ailleurs, la réglementation européenne possède un niveau de détail bien plus élevé que la singapourienne. Dans ce contexte, l’ESMA a souligné que cela ne signifie pas que les mêmes règles ne sont pas adoptées par les règles internes des chambres de compensation. L’ESMA dans son analyse rappelle les politiques internes, les procédures, les règles, les modes et les méthodologies de chaque chambre de compensation. Dans ce cas, cela démontre une approche différente en termes de stratégie réglementaire, plus orientée vers un modèle d’auto-régulation, où le rôle des différentes places qui gèrent les chambres de compensation est plus fort qu’en Europe.

Régulations très divergentes

Cela démontre qu’une approche uniforme de la régulation (en termes de règles spécifiques et d’approche réglementaire) des infrastructures de marché, notamment dans le contexte de chambres de compensation comme le G20 avait explicitement demandé, n’est pas encore réalisée.

Il n’est pas encore clair de savoir si ces différences auront des conséquences pratiques sur les opérations des chambres de compensation et sur leurs régulations. Les régulateurs pourraient avoir des problèmes causés par l’arbitrage réglementaire, qui pourraient compromettre l’efficacité de la nouvelle régulation, surtout en prenant en compte la possibilité du développement de mauvaises pratiques (race to the bottom) de risk-management et qualité (liquidité) des collaterals, qui sont essentiels pour une réelle réduction des risques déterminée par les chambres de compensation. De plus, des différences significatives entre les juridictions pourraient avoir des conséquences en cas de faillite. L’adoption d’une coordination internationale au niveau d’un régime de résolution qui est essentielle pour des institutions financières qui opèrent au niveau transnational pourrait être fortement compliquée par l’implémentation de régulations très divergentes.

Il serait très important de réfléchir à la possibilité de relancer une coordination internationale entre les juridictions avec les centres financiers les plus importants. Autrement, il sera difficile de poursuivre la création d’un cadre réglementaire capable d’implémenter la transparence des dérivés OTC et de réduire le risque systémique, dans la forme du risque de contrepartie et de liquidité.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº791