Jusqu’en 2017, le provisionnement bancaire reposait sur l’approche des « pertes encourues » qui conduisait les banques européennes à ne provisionner que tardivement leurs pertes de crédit, lors de la survenance d’un défaut (norme IAS 39). Cela impliquait un coût du risque très bas la plupart du temps, puis un effort de provisionnement substantiel lorsque le cycle se retournait. La « procyclicité » des provisions bancaires qui en résultait entraînait mécaniquement celle des ratios de solvabilité bancaires et de l’offre de crédit. La conséquence redoutée en était une amplification du cycle économique via l’offre de crédit bancaire. Sous l’égide du G20, les normalisateurs comptables ont fait évoluer leurs normes vers le modèle dit des « pertes attendues ». Leurs recommandations ont abouti à l’entrée en vigueur de la norme IFRS 9 en 2018 dans l’Union européenne, puis à celle de la norme CECL (Current Expected Credit Losses), en 2020, aux États-Unis. Dans le contexte de la crise du coronavirus, les autorités européennes ont invité les banques à appliquer la première avec souplesse, tandis que, dans le cadre du CARES Act
Introduite le 1er janvier 2018, la norme IFRS 9 oblige les banques à constituer des provisions pour tout encours de prêt sain (phase 1), lesdites provisions ayant vocation à couvrir les pertes attendues à un horizon de douze mois. Si le risque de crédit augmente significativement (phase 2) ou si le prêt devient non performant (phase 3), la banque doit alors provisionner les nouvelles pertes attendues sur la durée de vie résiduelle du prêt (et non plus sur douze mois).
IFRS 9 supposée moins procyclique qu'IAS39
Sous l’empire de la précédente norme IAS 39, la hausse des provisions était concentrée au cours du trimestre durant lequel intervenait un évènement de crédit. Avec la norme IFRS 9, cette hausse est étalée dans le temps puisque répartie entre les phases 1, et surtout 2 et 3. L’application de la norme IFRS 9 étant rétrospective, son introduction en 2018 avait conduit les banques européennes à enregistrer des provisions sur les encours sains, avec une incidence moyenne estimée de l’ordre de 50 points de base sur les ratios CET1.
La crise du coronavirus constitue la première expérience in vivo de l’incidence de la norme IFRS 9 au cours d’un retournement de cycle. Ainsi, le coût du risque des quatre premières banques françaises
Alors que de larges pans des plans de soutien à l’économie reposent sur le système bancaire, les autorités européennes s’inquiètent d’une augmentation excessivement brutale et prospective des provisions. Cette dernière affecterait en effet négativement les résultats et ratios de solvabilité et, in fine, la capacité des banques à financer les entreprises et les ménages.
La norme IFRS 9 assouplie par la Commission européenne
Dans une lettre qu’il leur a adressée le 1er avril, le Mécanisme de Supervision Unique (MSU) de la BCE offrait aux grandes banques placées sous sa surveillance directe la faculté de revenir à l’approche transitoire de la norme IFRS 9, quand bien même elles auraient déjà opté en faveur de la pleine application de la norme
Pour sa part, la Commission européenne invitait, le 28 avril dernier
Reports d’échéances : un traitement spécial pendant la crise
Une question importante a trait au traitement des reports d’échéances, encouragés par les pouvoirs publics, dont l’objectif est de favoriser l’étalement des remboursements afin d’éviter une recrudescence des défauts de paiement. Pour l’IASB, l'octroi général d’une période de report d’échéances (principal et intérêts) au bénéfice d’un grand nombre d’emprunteurs pour une catégorie particulière d'instruments financiers ne devrait pas conduire systématiquement à la comptabilisation d'une perte de crédit attendue. Dans un communiqué publié le 25 mars