Zone euro

Il se passe sans arrêt quelque chose qui empêche de sortir des Taux d'intérêt négatifs

Créé le

19.03.2020

La perte d’activité pour la zone euro due à la crise du coronavirus va probablement inciter la BCE à maintenir une politique très expansionniste plus longtemps que ce qui était prévu.

Même si la BCE voulait sortir des taux d’intérêt négatifs, elle en a été continûment empêchée en 2019 par la récession industrielle ; en 2020 par le coronavirus. Dans le futur proche, 2021-2022, il est à craindre que de nouveaux chocs produisent ce même effet d’empêcher la normalisation des taux d’intérêt de la BCE. Les désordres générés par les taux d’intérêt négatifs alors vont s’amplifier.

En regardant le taux d’intérêt sur les dépôts des banques à la Banque Centrale, le taux d’intérêt à trois mois, et le taux d’intérêt à long terme des pays du cœur de la zone euro, on constate que la zone euro est caractérisée par des taux d’intérêt négatifs depuis 2014. Les inconvénients de cette situation sont bien connus : bulle croissante sur les prix de l’immobilier, en hausse de 23 % depuis 2015 ; difficultés des investisseurs en obligations (assurance vie) ; affaiblissement des banques ; sorties de capitaux vers le reste du monde. Les sorties nettes d’obligations depuis la zone euro deviennent considérables à la fin de 2019 : 6 % du PIB en rythme annuel.

Malgré ces inconvénients connus et croissants, des chocs surviennent sans arrêt qui empêchent la BCE de sortir de cette politique de taux d’intérêt négatifs.

Récession industrielle, coronavirus, puis faiblesse de l’économie

En 2019, la zone euro a été touchée par la récession industrielle : recul de la production industrielle de 6 %, recul mondial de la demande pour les produits industriels, difficultés mondiales de certaines industries, notamment automobiles et biens d’équipements industriels. Cette récession industrielle était bien sûr incompatible avec la remontée des taux d’intérêt de la BCE.

En 2020, le coronavirus va fortement affecter la croissance de la zone euro. Le confinement des populations dans tous les pays de la zone euro va faire reculer le PIB d'au moins 20 % au 2e trimestre 2020. La perspective en conséquence d'une très forte hausse des déficits publics a déjà conduit le BCE à une forte expansion du Quantitative Easing de 750 milliards d'euros. Cette perte d’activité pour la zone euro va probablement inciter la BCE à maintenir une politique très expansionniste plus longtemps que ce qui était prévu.

Dans le futur (2021-2022), la zone euro pourrait souffrir d’autres chocs empêchant la normalisation des taux d’intérêt.

Il peut s’agir d’un affaiblissement durable de la croissance de la Chine, et donc du commerce mondial. La Chine souffre en effet déjà de la dégradation de la situation financière des entreprises – le nombre de faillites d’entreprises en Chine a triplé entre 2015 et 2019. Et la perte de croissance due au coronavirus va sans doute faire disparaître de nombreuses entreprises.

Il s’agit des difficultés durables de l’Allemagne, avec le recul de la production industrielle (7 % sur un an à la fin de 2019), due à une spécialisation productive pénalisante dans l'automobile et les biens d’équipement, et avec la taille très importante de l’industrie.

Il s’agit enfin de la nécessité de financer à des taux d’intérêt très bas la transition énergétique qui, d’après les calculs de la Commission européenne, nécessiterait 260 milliards d'euros d’investissements supplémentaires chaque année pendant les 10 prochaines années.

Si l’économie de la zone euro est affaiblie durablement par ces évolutions, il sera difficile à la BCE de justifier une remontée des taux d’intérêt.

La BCE est empêchée de sortir des taux d’intérêt négatifs en 2019, par la récession industrielle ; en 2020, par le coronavirus ; en 2021-2022 par la faiblesse durable de l’économie en Chine, en Allemagne, par la nécessité de financer les investissements dans la transition énergétique. Si cette succession de chocs empêche la BCE de sortir des taux d’intérêt négatifs, les inconvénients des taux d’intérêt négatifs tels que la bulle immobilière, les difficultés des intermédiaires financiers et les sorties de capitaux vont s’amplifier, ce qui est inquiétant.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº843
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