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La réglementation financière décryptée par le Labex Réfi

Des tests de résistance… pas si stressants que cela

Créé le

13.11.2014

-

Mis à jour le

01.12.2014

Passée la satisfaction, concernant les banques françaises, liée au passage avec succès de l'exercice des tests de résistance, se font jour les critiques quant à la méthode retenue par la BCE, et, de fait, au manque de crédibilité des résultats.

Comme l'a rappelé la Banque Centrale Européenne (BCE), les tests de résistance ne servent pas à prévoir des événements futurs, mais à évaluer la capacité des banques à faire face à une détérioration des conditions économiques et financières. Si ces tests de résistance sont relativement plus exigeants que ceux réalisés par le Comité européen des superviseurs bancaires (CEBS) en 2010 et par l'Autorité bancaire européenne (ABE) en 2011 (plus grand nombre de banques, des scénarios plus sévères et un horizon temporel plus large), ils restent tout de même beaucoup moins ambitieux que ceux pratiqués aux États-Unis depuis 2009.
Les scénarios retenus dans les stress tests américains sont plus sévères, comme l'atteste le tableau, et ils portent sur des bilans bancaires dynamiques, qui s'ajustent aux évolutions des risques prévus par les tests. Les institutions dites « too big to fail » sont distinguées des autres banques et doivent respecter des exigences accrues pour réussir le test. Enfin, l'évaluation ne se limite pas au ratio de capital mais prend aussi en compte des éléments qualitatifs tels que la pertinence des modèles internes de risque, la gouvernance et les plans de recapitalisation. En cas d'échec aux tests, une banque peut se voir refuser la distribution de dividendes ou le rachat d'actions tant qu'elle ne s'est pas recapitalisée.

Les principales critiques adressées aux scénarios de stress de la BCE se sont focalisées sur l’absence de déflation ou de choc majeur sur le marché des dettes souveraines. Mais c’est surtout leur nature purement microprudentielle qui pose problème, excluant par définition toute la dimension systémique du risque. Les effets de second tour sont également ignorés puisque les bilans des banques sont statiques sur la durée de l’exercice. De plus, ces derniers s’appliquent à une banque comme si elle était isolée du reste du secteur. Or ce que la crise financière de 2008 a pourtant bien illustré, c’est l’ampleur des effets de contagion sur le marché de la liquidité et au travers de ventes massives d’actifs. Enfin, ces tests de résistance ne s’intéressent guère aux fragilités bancaires issues des passifs, notamment celles qui concernent la structure de financement des banques (cf. la paralysie du marché interbancaire après la faillite de Lehman Brothers, ou la faillite de Northern Rock et de Dexia suite à leurs difficultés pour se refinancer sur les marchés à court terme). Une évaluation des ratios de liquidité tels que ceux envisagés dans le cadre de Bâle III (ratios à court terme LCR et à long terme NSFR), visant à inciter les banques à recourir à des ressources plus stables, aurait été la bienvenue.

Certes, les délais impartis et l’absence, à l’échelle européenne, d’un mécanisme de résolution crédible et suffisamment approvisionné pouvant pallier les fragilités mises au jour ont pu limiter les ambitions de la BCE. En outre, ce n’est que le premier test de résistance du nouveau superviseur unique et l'on peut espérer que les prochains seront plus exigeants afin d’affermir sa crédibilité. À cet égard, l’expérience américaine en la matière est instructive et l’on peut regretter que la BCE ne s’en soit pas davantage inspirée. Une chose est sûre, la communication autour des résultats de ces tests de résistance ne doit pas occulter les limites de ce genre d’exercice. Il serait dangereux de nourrir l’illusion d’une sécurité financière. Le relâchement qui pourrait en résulter quant aux efforts d’assainissement du secteur bancaire ne ferait qu’accroître le risque de crise future.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº778