Entre janvier et septembre 2020, les banques de la zone euro ont acheté pour 316,7 milliards d’euros (nets des flux de remboursement) de titres émis par les administrations publiques de la zone euro, contre seulement 36,7 milliards un an plus tôt. Dans le même temps, l’encours détenu a progressé de 375 milliards (dont 58,5 milliards de plus-values liées à la baisse des rendements), à 1 841,3 milliards en septembre 2020. D’aucuns justifient le carry trade en comparant les taux de refinancement (jusqu’à -1 % dans le cadre des TLTRO III
Mais ce raisonnement microéconomique se heurte à des limites macroéconomiques. Une banque désireuse d’acheter des titres à l’aide des TLTRO ou des PELTRO
Ces achats ont-ils des vertus ? Alors que les États doivent financer des déficits abyssaux inhérents aux mesures de soutien prises dans le contexte de la crise du coronavirus, la reprise des achats par les banques commerciales a contribué à la baisse des taux souverains et des conditions de financement, qui bénéficient autant aux États que, par extension, aux emprunteurs privés (le taux de l’OAT 10 ans est passé de 0,09 % au 31 décembre 2019 à -0,36 % au 14 novembre 2020). En outre, contrairement à la situation observée entre 2015 et 2019 où les ventes de titres des banques commerciales tendaient à neutraliser les effets positifs du programme d’achats de la BCE (Quantitative easing) sur la masse monétaire, leurs achats s’y sont ajoutés au premier semestre 2020 et en ont renforcé les effets. Certes, au vu des derniers chiffres d’inflation de la zone euro (en baisse, pour le deuxième mois consécutif, en septembre 2020 à -0,3 % sur un an, loin de la cible de la BCE de 2 %), l’on pourrait être tenté de penser que la croissance exceptionnelle de la masse monétaire (M3 en hausse de +10,4 % sur un an en septembre et même +13,8 % pour l’agrégat M1 plus étroit) est sans effet. La vérité est sans doute que cette forte croissance monétaire n’est pas vaine et que l’inflation serait sans doute (encore) plus faible sans elle.
Les principaux risques associés à ces achats sont, pour les banques acheteuses, leurs effets négatifs durables sur les marges d’intérêt bancaires et, pour l’ensemble de l’économie, la possible surévaluation de certains actifs à long terme (effet induit de taux trop bas trop longtemps). En revanche, le renforcement de la boucle Banques-État – qui suscite çà et là quelques inquiétudes – mérite d’être nuancé. D’abord, le renforcement des fonds propres bancaires et les dispositions relatives au renflouement interne (bail-in) ont considérablement réduit la probabilité et l’ampleur d’une intervention des États en faveur des banques. Ensuite, le recul du « biais domestique », mesuré par la proportion, au sein des portefeuilles de titres souverains des banques de la zone euro, de titres émis par l’État dans lequel la banque est établie, s’accentue. Sur l’ensemble de la baisse constatée depuis le pic de 2013 (78,1 %), quasiment un tiers du chemin a été parcouru entre décembre 2019 (70,3 %) et septembre 2020 (66,6 %), ce qui est plutôt une bonne nouvelle.