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Entreprises en difficulté

Vers un rééquilibrage du droit des créanciers

Créé le

23.01.2014

-

Mis à jour le

29.01.2014

Le projet d’ordonnance portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, actuellement en cours de discussion, fait suite à l’annonce de Pierre Moscovici, en septembre, de lancer une réforme qui conduirait à un rééquilibrage du droit des créanciers dans une législation française des faillites d’entreprises ayant la particularité d’accorder un traitement très favorable aux actionnaires. Sophie Vermeille, présidente du think tank Droit & Croissance, en décrypte les principales dispositions.

« Cette réforme courageuse vise notamment à faciliter, si nécessaire, l’éviction des actionnaires majoritaires, sous réserve que la société soit en redressement judiciaire et que l’état de cessation des paiements soit avéré ou à bref délai. Nous espérons cependant, chez Droit & Croissance, que cette possibilité sera aussi envisagée lorsque l’entreprise entre en procédure de sauvegarde, c’est-à-dire à un stade bien en amont de la cessation des paiements. L’évolution de la finance et le rôle accru de la dette rend indispensable cette possibilité. À titre d’illustration, il n’est pas rare que les sociétés se financent avec des prêts “bullet”, c'est-à-dire remboursables en une seule fois à la date d’échéance du prêt ; l’entreprise peut ainsi savoir avec certitude, parfois longtemps à l’avance, qu’elle ne pourra pas franchir le mur de sa dette. Dans ces conditions, il est dangereux d'attendre l’état de cessation de paiement, alors même que le dirigeant – représentant des actionnaires – peut demander paradoxalement la protection de la loi (grâce à la procédure de sauvegarde) avant cette échéance ; cela conduit à réduire significativement les chances de retournement des entreprises qui souffrent de détresse financière.

Le projet prévoit aussi, dans l’hypothèse où les pertes de la société représenteraient plus de la moitié de son capital social, de provoquer une dilution forcée des actionnaires si ces derniers refusent de recapitaliser la société. Or rien ne dit pourtant que dans cette hypothèse la valeur économique des actions soit égale à zéro… Cette mesure va donc trop loin et montre les limites d’un cadre juridique qui s’appuie sur des règles comptables, d’autant plus dépassées qu’on applique les règles françaises et non les IFRS.

Au final, le projet laisse place à une grande incertitude sur l’issue de la procédure collective. Si on veut que les investisseurs viennent dans des situations de crise, ils doivent pouvoir deviner par avance l’issue de la procédure – qui sera le propriétaire – en fonction de la valeur d’entreprise de la société. Un strict respect des conventions passées avec les différentes catégories d’investisseurs et la société, qu’il s’agisse des conventions de subordination ou des sûretés est pour cela nécessaire. Aujourd’hui, la priorité des créanciers bénéficiant d’une sûreté vis-à-vis des créanciers chirographaires n’est absolument pas reconnue en procédure de sauvegarde. »

Le texte, publié fin 2013 et soumis à consultation jusqu’au 10 janvier 2014, doit être présenté au Conseil des ministres le 26 février.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº769