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Ratio de levier

La leçon de pragmatisme du tribunal de l’UE à la BCE

Créé le

26.07.2018

-

Mis à jour le

11.10.2018

La BCE a commis des erreurs de droit et des erreurs manifestes d’appréciation dans son refus d’accéder à la demande de six banques françaises, a estimé la juridiction.

Des motifs « entachés d’une erreur de droit », une position de principe « revêtant un caractère manifestement erroné » : c’est en ces termes que le tribunal de l’Union européenne a annulé le 13 juillet dernier six décisions de la Banque centrale européenne (BCE). Six établissements de crédit français – Banque Postale, BPCE, Crédit Mutuel, Société Générale, Crédit Agricole et BNP Paribas – avaient saisi la juridiction face au refus de la BCE de leur faire bénéficier, pour les sommes déposées sur les livrets d’épargne français, d’une dérogation prévoyant que certaines expositions soient exclues du calcul du ratio de levier.

Le tribunal a d’abord confirmé que la BCE disposait bien d’un pouvoir discrétionnaire. Mais il critique ensuite sévèrement l’usage qu’en fait la BCE. L’un des arguments juridiques avancés par celle-ci s’appuyait sur l’obligation des banques de rembourser les épargnants, alors que les sommes déposées à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ne leur seraient pas restituées par celle-ci. Or les dépôts réglementés bénéficient de la garantie de l’État français, a répondu le Tribunal, jugeant que la BCE ne s’est « pas fondée sur une appréciation de la vraisemblance d’un risque de défaut de paiement de l’État français ».

Un second contentieux avec la BCE

La BCE avançait également le risque créé par le délai d’ajustement entre les sorties de trésorerie nécessaires au remboursement des clients et le rapatriement des fonds de la Caisse des dépôts et consignations. « Force est de constater que, dans la décision attaquée, la BCE n’a pas procédé à un examen détaillé des caractéristiques de l’épargne réglementée, se limitant à mettre en exergue de manière abstraite les risques impliqués par le délai d’ajustement des positions entre celles de la requérante et celles de la CDC », note le tribunal. « La BCE a manqué à son obligation […] d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. » (Lire aussi à ce sujet la chronique de Jean-Philippe Kovar et Jérôme Lasserre Capdeville, p. 90)

La BCE a deux mois pour déposer un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Les banques françaises ont pour l'instant remporté une première manche, mais elles sont engagées dans un second contentieux avec la BCE. Société Générale, BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, Crédit Mutuel et, séparément, son affilié Arkéa, contestent aussi devant la justice européenne l'obligation de déduire de leurs fonds propres de base de catégorie 1, les engagements de contributions au Fonds de résolution unique. Ces établissements bancaires sont parmi les premiers contributeurs au Fonds de résolution unique. G.D.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº823