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Politique monétaire

Bastien Drut (CPR AM) : « Le terrain est mieux préparé qu’en 2013 pour un tapering »

Créé le

18.06.2021

Avec la conférence de presse donnée par Jerome Powell à l’issue de la réunion de la Fed des 15 et 16 juin 2021, la sortie progressive de la politique ultra-accommodante est de plus en plus évidente ; peut-on faire le parallèle avec la volonté de tapering [1] de 2013 ?

La Fed communique désormais très clairement sur la sortie de la politique monétaire ultra-accommodante. La situation aujourd’hui est sensiblement différente de ce qu’elle était en mai 2013 quand Ben Bernanke, alors à la tête de la Fed, a annoncé la possibilité de ralentir les achats d’actifs. Les marchés avaient alors pensé que cette déclaration serait rapidement suivie d’une augmentation des taux directeurs, ce qui n’a pas été le cas. Aujourd’hui, la Fed tient compte de cette expérience et Jerome Powell a d’ores et déjà accompli un important travail de pédagogie : le marché sait que les critères à satisfaire avant qu’une hausse des taux ne soit décidée ne sont pas les mêmes que ceux qui guident les décisions en matière de QE [2] . Par exemple, la baisse des achats d’actifs peut être envisagée si des progrès substantiels sont constatés sur le marché du travail mais les taux ne seront pas relevés tant que l’objectif du plein-emploi ne sera pas atteint, sans parler des conditions sur le front de l’inflation. Le terrain est mieux préparé qu’en 2013 pour un tapering. Donc a priori, on ne s’oriente pas vers une forte remontée des taux longs dans les mois qui viennent.

Quelle est la part d’incertitude liée à l’objectif d’inflation moyenne ?

Telle qu’elle a été présentée le 27 août 2020 à Jackson Hole, la stratégie visant à poursuivre un objectif d’inflation moyenne ne dit pas quel niveau d’inflation (ni pendant combien de temps) la Fed est capable de supporter sans augmenter ses taux. Le marché cherche donc à savoir où sont les limites de la Fed : quel niveau d’inflation et sur quelle durée ?

Le 16 juin, le mot « transitoire » (pour caractériser la hausse de l’inflation) n’a été prononcé que deux fois lors de la conférence de presse de Jerome Powell, alors qu’il avait été mentionné à neuf reprises lors de la précédente conférence de presse. Ce glissement dans le discours n’est pas anodin et il est cohérent avec l’indication de hausses des taux en 2023 alors que le marché tablait plutôt sur 2024.

Jerome Powell souhaite que les anticipations d’inflation de long terme s’ancrent autour de 2 %. Il s’est montré satisfait le 16 juin de la remontée des anticipations d’inflation, qu’il s’agisse de celles que l’on mesure sur le marché (au travers notamment des obligations indexées sur l’inflation) ou de celles des ménages, qui sont connues grâce à des enquêtes. Si le niveau d’inflation anticipé dépassait largement les 2 %, cela pourrait précipiter la décision d’augmenter les taux directeurs.

L’objectif d’inflation moyenne pourrait-il être adopté par la BCE ?

Je doute que cette stratégie soit adaptée à la situation de la zone euro où l’inflation a été sous son niveau-cible de façon plus marquée et pendant une durée bien plus longue qu’aux États-Unis. Chercher à compenser cette période serait étrange. D’ailleurs, Isabel Schnabel, dont l’influence est importante au sein du directoire de la BCE, semble opposée à cette stratégie.

La BCE et la Fed peuvent-elles suivre des politiques sensiblement différentes ?

La BCE peut parfaitement suivre un autre chemin que la Fed. La situation n’est pas mûre en zone euro pour une baisse des achats d’actifs de la BCE. Il y aura donc une divergence des politiques menées de chaque côté de l’Atlantique mais cela n’est pas gênant en soi.

 

1 Baisse des achats d’actifs par la banque centrale.
2 Quantitative easing: achats d’actifs par les banques centrales.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº858
Notes :
1 Baisse des achats d’actifs par la banque centrale.
2 Quantitative easing: achats d’actifs par les banques centrales.