Les tractations vont toujours bon train entre les négociateurs du Comité de Bâle après leur réunion des 28 et 29 novembre à Santiago au Chili. Si un accord était sur la table, le tandem franco-allemand n’a pas voulu signer, position qui faisait écho à celle des fédérations bancaires française et allemande. Pour elles, il valait mieux ne pas avoir d’accord qu’un mauvais : « le fond reste plus important que le calendrier », estimaient-elles ainsi dans un communiqué le
28 novembre
[1]
. Si rien d’officiel n’a été publié depuis mars sur ce que l’industrie désigne sous le nom de « Bâle IV », les lignes ont tout de même avancé. Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, y a fait référence dans un discours le
6 décembre
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. Des éléments confirmés par une source bancaire.
Il semble ainsi acquis que les expositions aux banques et aux corporates ne seront plus obligées d’être pondérées selon l’approche standard mais pourront rester évaluées selon des modèles internes, sous une forme contrainte appelée IRB Fondation. Des critères techniques relatifs à ce calcul devraient par ailleurs être assouplis, en particulier le niveau de taux de perte en cas de défaut (le paramètre de la LGD ou Loss Given Default ») qui pourrait être modulé selon les types d’expositions. En revanche, le sort des prêts structurés pour l’acquisition d’avions ou de bateaux, dits « financements spécialisés », n’est pas tranché, ce qui inquiète l’industrie bancaire française, très présente sur ce créneau.
Le crédit immobilier à la française « conforté » ?
Sur le plan des crédits aux particuliers, c’est une bonne nouvelle qu’ont reçue les banques françaises : le crédit cautionné devrait être reconnu comme un prêt immobilier au même titre que les crédits hypothécaires et échapper ainsi à un traitement moins avantageux. « Le crédit immobilier en France est donc conforté, et non menacé », a même souligné François Villeroy de Galhau. Toutefois, la bataille des
banques françaises
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pour que soit reconnu en méthode standard le modèle hexagonal d’octroi des prêts à l’habitat sur la base du revenu de l’emprunteur et non de la valeur du bien acheté – c’est-à-dire basé sur le ratio LTI et non
LTV
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– semble avoir été perdue. Est-ce grave ? La contrainte ne sera pas directe sur les établissements, qui continueront vraisemblablement à utiliser des modèles internes – et donc la LTI – pour pondérer leurs crédits immobiliers. Mais elle interviendra indirectement, via la contrainte de « plancher » que veut instaurer le Comité de Bâle pour limiter l’écart entre le calcul des pondérations en approche standard et celui en modèle interne, l’output floor. En théorie, en effet, dans le cas d’un « plancher » ne permettant pas à l’approche IRB de descendre sous 75 % du résultat en méthode standard alors que le portefeuille immobilier bénéficie de réductions bien supérieures, cela signifierait que c’est la méthode standard qui devient la norme – elle devient « mordante » –, le critère de la LTV devenant alors une contrainte pour les établissements.
D’où le vrai enjeu de la négociation, celui qui a conduit les négociateurs français et allemand à ne pas signer : la calibration de l’output floor. Plus il est élevé, plus il est contraignant. 70 ou 75 % serait ainsi mauvais pour les établissements européens, qui tentent de l’amener plutôt vers 60 %. Outre le chiffre, c’est aussi le mode de calcul de ce floor qu’il faudra regarder. Stefan Ingves, le président du Comité de Bâle, a parlé dans un discours du
30 novembre
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, d’« aggregate output floor based on the standardised approaches ». Une telle formulation fait écho à un plancher global, intégrant à la fois le risque opérationnel, de crédit et de marché. Or certains de ces risques sont moins voire pas impactés par la notion de floor, étant déjà calculés en méthode standard ou profitant peu des modèles. L’impact sur les portefeuilles bénéficiant d’un avantage significatif apporté par les modèles internes est donc en quelque sorte noyé dans la masse. C’est donc sur les deux tableaux du niveau et de la formule de ce floor que la marge de négociation existe. L’enjeu est désormais, pour les négociateurs français et allemand, de faire entendre leur voix d’ici début janvier et la réunion de l’instance faîtière du Comité de Bâle, le GHOS, censée entériner un accord pour « finaliser Bâle III ».
1
Communiqué de presse commun FBF, BdB et VÖB du 28 novembre 2016.
2
Discours prononcé à l’occasion des Rencontres de la régulation financière de l’Agefi, le 6 décembre 2016.
4
Loan-to-Income vs Loan-to-Value.
5
Discours prononcé à l’occasion de l’International Conference of Banking Supervisors, le 30 novembre 2016 à Santiago du Chili.