En juin 2014, la BCE rend négatif le taux de la facilité de dépôts, l’un des taux d’intérêt directeurs qu’elle administre. L’objectif de cette analyse est de présenter de manière simple et pédagogique l’évolution des taux directeurs de la BCE, les conséquences sur le marché interbancaire d’un taux de facilité négatif, et enfin les possibles arbitrages qui en résultent.
La crise des subprime et, plus récemment, la crise des dettes souveraines ont contribué à modifier la politique monétaire (traditionnelle) puisque les banques centrales utilisent désormais des instruments considérés comme non conventionnels, tels que les opérations de refinancement à long-terme (sur 3 ans) ou l’achat ferme de dettes souveraines qui les exposent ainsi au risque (de crédit) souverain. Ce faisant, les banques centrales ont considérablement changé la taille de leur bilan, contrairement à la gestion (traditionnelle) de liquidités qui consiste à influencer le taux court du marché monétaire et qui n’implique pas de changement significatif de bilan. Le 21 janvier 2015, Mario Draghi, président de la Banque Centrale Européenne (BCE), a annoncé de nouvelles mesures d’assouplissement quantitatif (quantitative easing) : la BCE va ainsi racheter pour 60 milliards de dettes publiques tous les mois et ce jusqu’en septembre 2016. La BCE affiche clairement le fait que puisqu’il n’est plus possible de baisser les taux (sinon elle l’aurait fait), ce programme de rachat de titres, légal [1], constitue l’unique moyen à sa disposition pour obtenir un résultat similaire.
Dans ce présent article, nous souhaitons focaliser notre attention non sur le programme (récent) de rachat de titres par la BCE, mais sur sa décision (et ses conséquences), en juin 2014, de rendre négatif l’un des taux d’intérêt directeurs qu’elle administre, le taux de la facilité de dépôts. Notre objectif est de présenter de manière simple et pédagogique l’évolution des taux directeurs de la BCE, les conséquences sur le marché interbancaire d’un taux de facilité négatif, et enfin, les possibles arbitrages qui en résultent. Il est à noter que cet article n’utilise que des données publiques.
Les taux directeurs de la BCE et leurs évolutions
La BCE, dont l’objectif principal est la stabilité des prix, à savoir un taux d’inflation annuel ciblé aux alentours de 2 %, maintient trois taux d’intérêt appelés « taux d’intérêt directeurs » (exprimés en taux annuel) :
Le taux des MRO (appelé parfois taux directeur principal) est bien entendu compris entre le taux plancher et le taux plafond. Il est habituel d’appeler « corridor » la différence entre les deux taux de facilité. Pour utiliser un vocabulaire de market-maker, ce corridor mesure en quelque sorte le « spread bid-ask » de la liquidité au jour le jour offerte (ou empruntée) par la BCE, puisqu’il représente la différence entre le taux auquel la BCE est disposée à prêter, et le taux auquel elle est disposée à « emprunter », c’est-à-dire le taux auquel elle rémunère les liquidités excédentaires des banques. Ce corridor était égal à 100 points de base en octobre 2008. Cependant, ce corridor n’est plus que de 50 points de base depuis juin 2014, comme l’indique le Tableau 1, qui retrace l’évolution des taux d’intérêts directeurs de la BCE.
Le Tableau 1 montre aussi que, depuis juin 2014, le taux de facilité de dépôt est devenu négatif : dans un premier temps égal à -0,1 %, puis désormais à -0,2 %. Pour éviter un arbitrage évident, ce taux d’intérêt s’applique également aux réserves excédentaires que les banques peuvent avoir sur un autre compte à la BCE, leur compte-courant.
Le Tableau 1 montre en outre que le taux des MRO est un taux fixe, connu à l’avance, qui s’applique à chaque institution bancaire qui déciderait de se refinancer auprès de la BCE une semaine quelconque. Il s’agit d’une importante décision de politique monétaire [2]. Hormis une assez brève période de temps (entre avril 2009 et novembre 2011), ce taux des MRO n’a fait que décroître depuis octobre 2008. Il est ainsi passé de 3,75 % en 2008 à 0,05 % depuis septembre 2014. En deux mois seulement, entre le 15 octobre 2008 et le 10 décembre 2008, c’est-à-dire juste après la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers, ce taux a été abaissé de 125 points de base, soit une baisse de 30 %. La BCE a ainsi abaissé le taux des MRO afin que les banques à (fort) besoin de liquidités puissent se refinancer (à la BCE) à un taux « raisonnable », parce que le marché interbancaire était paralysé [3] (i.e. les banques ne voulaient pas se prêter entre elles, sauf pour un taux anormalement élevé) ; la BCE a joué ainsi son rôle de prêteur en dernier ressort [4]. Dans son piquant petit livre intitulé L’Empereur illicite de l’Europe, publié aux éditions Max Milo en 2014, Jean-François Bouchard rappelle de manière très vivante la manière dont la recherche de liquidités s’est faite durant la période d’assèchement du marché interbancaire.
Les décisions de la BCE
En juin 2014, la décision de la BCE d’introduire un taux de facilité négatif [5] n’est plus directement liée à la paralysie du marché interbancaire, mais au risque d’inflation trop faible – voire de déflation – dans les pays de la zone euro. Dans ce cas de figure, il faut alors d’une manière générale baisser les taux d’intérêt pour éventuellement relancer l’économie (par exemple, la consommation et l’investissement) et pour engendrer une inflation plus proche du taux ciblé par la BCE, à savoir 2 %. Puisque le taux de facilité de dépôt était déjà égal à zéro depuis juillet 2012, une réduction de 10 points de base du taux des MRO en juin 2014 (i.e. une baisse de 0,25 % à 0,15 %) impliquait donc, selon la BCE, une baisse équivalente du taux de facilité de dépôt pour maintenir l’écart. Ainsi, le taux de facilité de dépôt était fixé à -0,1 % en juin 2014, avant d’être à nouveau diminué en septembre 2014 à -0,2 %. En d’autres termes, avec un taux de facilité de dépôt négatif, il devient payant pour une banque de placer ses liquidités (excédentaires) sur l’un de ses comptes à la BCE. Dans ce contexte, une stratégie naturelle consiste à éviter ce taux négatif en détenant des espèces, e.g. des billets dans ses coffres. Lorsque les montants sont faibles, comme cela pourrait être le cas pour un ménage, la détention d’espèces ne pose évidemment pas de problème. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une institution bancaire et que les montants se chiffrent en milliards d’euros, il faut non seulement acheminer ces espèces dans un lieu de stockage (ce qui constitue déjà une opération risquée), mais il faut ensuite veiller à leur sécurité une fois stockées. L’organisation de cette sécurité pourrait se révéler bien plus coûteuse que la « pénalité » instituée sur les liquidités excédentaires. Il suffit pour cela de se souvenir de l’important dispositif (plan Vigi-Euro) mis en place en 2001 pour stocker et acheminer les euros (mais aussi pour retirer les francs) vers les distributeurs automatiques du territoire national, ce qui a nécessité l’intervention massive, et donc coûteuse, des forces armées. Si la détention d’espèces n’est pas réaliste lorsque le taux de facilité n’est pas trop faible, le fait qu’il soit négatif devrait donc avoir des conséquences sur les taux du marché interbancaire en Europe. En effet, une banque ayant des liquidités excédentaires un jour donné devrait être prête à payer un taux d’intérêt positif (pourvu qu’il soit inférieur à 0,2 %) à une autre banque (de bonne qualité de crédit) qui lui emprunterait ses liquidités.
Les conséquences sur le marché interbancaire
Le marché interbancaire est le lieu où les banques qui ont des besoins de liquidités (par exemple pour satisfaire les exigences de réserves obligatoires fixées par la BCE) peuvent rencontrer celles qui ont un excédent de liquidités. À titre d’exemple, les grandes banques françaises telles que Société Générale ou BNP Paribas ont un besoin quotidien en liquidités qui s’exprime en milliards d’euros. En ce qui concerne l’euro, il existe deux cotations qui indiquent le taux (moyen) auquel les banques se prêtent des liquidités en euros à court terme (i.e. l’échéance des prêts est au plus d’une d’année) : le taux EURIBOR (Euro Interbank Offered Rate) et le taux LIBOR (London InterBank Offered Rate) en euro. Notons que ce dernier taux est aussi côté pour des devises autres que l’euro.
Le taux LIBOR a été administré durant des années par la British Bankers Association (BBA). Suite toutefois au récent scandale du taux LIBOR [6], il est désormais administré par ICE Benchmark Administration Ltd. (IBA) et dénommé ICE LIBOR (plutôt que BBA LIBOR) même s’il est précisé que ni le calcul ni la manière dont les soumissions sont faites ne sont modifiés. Les taux LIBOR restent bien entendu côtés quotidiennement (sur une base annuelle), mais désormais pour cinq devises uniquement (euro, yen, US dollar, franc suisse, livre sterling) et pour sept maturités, allant d’un jour à une année. Un taux LIBOR quelconque (i.e. pour une devise et une maturité donnée un jour quelconque) représente un taux prêteur, par opposition au taux LIBID, non coté, qui est un taux emprunteur. Le taux LIBOR fournit ainsi une indication sur le taux moyen auquel une banque peut obtenir « en blanc », c’est-à-dire de manière non collatéralisée, des fonds pour un montant « raisonnable ». Un taux LIBOR est calculé comme la moyenne arithmétique des soumissions des institutions appartenant au panel de référence, après retrait des 25 % des soumissions les plus hautes et les plus basses. Ce retrait des soumissions les plus extrêmes réduit bien sûr le risque de manipulation, à l’origine du scandale du LIBOR. Lors de la soumission du taux auquel une banque est disposée à prêter sur le marché interbancaire, elle est supposée répondre à la question suivante : « At what rate could you borrow funds, were you to do so by asking for and then accepting inter-bank offers in a reasonable market size just prior to 11 am? ». Le terme reasonable market size reste volontairement non quantifié.
Le taux EURIBOR [7] (dont les maturités s’étalent d’une semaine à une année) représente quant à lui le taux d’intérêt moyen auquel 25/40 banques européennes de premier plan (le panel des banques) se consentent des prêts en euros. D’une manière générale, les différences entre le taux LIBOR en euro et le taux EURIBOR, pour un jour donné et une maturité donnée, reflètent essentiellement la différence du panel de composition, de la même manière que deux échantillons issus d’une même population conduisent en général à deux estimations différentes d’un indicateur statistique telle qu’une moyenne ou une proportion [8]. Les grandes banques françaises émettent d’ailleurs des titres de dettes (en réalité des titres hybrides, qui présentent simultanément des caractéristiques d’obligations classiques et des caractéristiques d’actions ordinaires) qui, selon les cas, dépendent du taux EURIBOR ou du taux LIBOR d’une maturité donnée (par exemple trois mois).
Des taux LIBOR négatifs
Peu de temps après l’introduction du taux de facilité négatif par la BCE, le taux LIBOR overnight (i.e. de maturité un jour) devenait négatif. Ainsi, au 1er septembre 2014, le taux LIBOR overnight en euro était de -0,02646 %. Le fait que le taux LIBOR soit devenu négatif ne fut d’ailleurs pas sans poser quelques problèmes opérationnels puisque dans certaines institutions bancaires, les systèmes d’information n’étaient conçus que pour des taux positifs ! Dans ce qui suit, nous allons considérer des devises autres que l’euro, et nous considérerons donc naturellement le cas du taux LIBOR.
Depuis lors, le taux LIBOR (en euro) à une semaine est à son tour devenu négatif et, plus récemment, le taux LIBOR (en euro) à un mois également. Le Tableau 2 ci-dessous fournit la structure par terme des taux LIBOR pour l’euro, le US dollar et le franc suisse au 13 janvier 2015. Nous constatons que les taux LIBOR en euro pour les trois premières maturités sont négatifs à cette date, mais également que la structure par terme est ascendante, i.e. le taux LIBOR augmente avec la maturité. Concernant l’évolution du taux LIBOR en euros, il est aussi à noter que le taux overnight s’est fortement rapproché, à partir de décembre 2014, du taux de facilité de dépôt, égal à -0,2 %. Ce taux LIBOR en euros était en effet égal à -0,02857 % le 1er décembre 2014, à -0,08643 % le 10 décembre, à -0,12429 % le 23 décembre 2014 et, comme l’indique le Tableau 2, à -0,1571 % le 13 janvier 2015.
On peut également constater qu’au 13 janvier 2015, tous les taux LIBOR en US dollars sont positifs, alors que tous les taux LIBOR en francs suisses sont négatifs. La question que l’on se pose assez naturellement est alors la suivante : cela engendre-t-il de l’arbitrage ?
Cette situation engendre-t-elle de l’arbitrage ?
Nous nous proposons maintenant d’explorer l’existence ou non d’arbitrage sur les marchés. En théorie, un arbitrage est une situation idéale dans laquelle il est possible, à coût nul, d’engendrer un gain (futur) positif (au pire nul), quel que soit le scénario de marché qui se réalise. En pratique, ce sont souvent des arbitrages « statistiques » qui existent, c’est-à-dire dans lesquels l’espérance de gain est élevée par rapport au risque pris par l’investisseur. Cette exploration ne prétend pas être exhaustive. Elle cherche avant tout à montrer que les taux d’emprunt négatifs pourraient engendrer des arbitrages (statistiques) plus évidents qu’auparavant. Nous ferons pour cela l’hypothèse simplificatrice que la banque européenne en question (de bonne qualité de crédit, c’est-à-dire notée au moins AA) peut emprunter ou prêter au taux LIBOR courant (i.e. spot).
Emprunt en EUR et dépôt en USD : maturité courte
Supposons que nous soyons le 13 janvier 2015 et considérons le cas d’une grande banque européenne de bonne qualité de crédit. Celle-ci peut alors :
Il est facile de voir que cette stratégie d’investissement au 13 janvier 2015 se fait « à coût nul » puisque la banque se contente d’emprunter 1 milliard d’euros, de les convertir en dollars et de prêter ces dollars. Le gain associé à cette stratégie se compose donc de deux éléments distincts : d’une part les produits d’intérêt sur l’emprunt en euros et le prêt en dollars, tous deux positifs du fait des taux LIBOR ; d’autre part le produit (ou perte) lié au taux change spot le 20 janvier, inconnu bien sûr en cette date du 13 janvier 2015. Dans cet exemple, il se trouve que le gain de change réalisé sur 1 semaine a été positif, le taux de change ayant évolué de manière favorable à notre banque. Le dollar s’est en effet apprécié face à l’euro, avec un taux de change spot au 20 janvier égal à 1,1546 USD/EUR. Toutefois, puisque l’exposition au risque de change n’a pas été couverte, l’exemple ci-dessus n’est bien entendu pas une stratégie arbitrage (au sens strict) au 13 janvier 2015. En effet, si le dollar s’était au contraire déprécié face à l’euro entre le 13 janvier et le 20 janvier 2015, la perte en capital aurait grignoté les intérêts reçus sur l’emprunt jusqu’à éventuellement réaliser une perte. S’il existe dans le marché une possibilité de rentrer dans un contrat futures [9]de maturité une semaine sur le taux de change USD/EUR, un arbitrage pourrait cette fois-ci exister selon le taux de change futures, connu en cette date du 13 janvier 2015. En pratique, les taux de change futures ne sont pas disponibles pour une maturité aussi courte (1 semaine). Si la banque a toutefois la possibilité de se couvrir contre le risque de change en vendant à terme 1,17775 milliard de dollars dès le 13 janvier 2015 via un contrat forward (i.e. un contrat futures non standardisé), un arbitrage existe dès lors que ce taux forward est en dessous de 1,179454 USD/EUR. Cette analyse reste encore théorique. Il faudrait considérer l’existence du spread bid-ask associé à chaque transaction d’achat ou de vente, d’une possible collatéralisation de la transaction pour un contrat forward, des appels de marges pour un contrat futures, etc. Notons que sur une maturité plus longue, cette stratégie d’emprunt en euros et de prêt en US dollars aurait été moins rentable. En effet, les taux ICE LIBOR EUR à 1 mois étaient également négatifs le 13 janvier 2015 (-0,00714 %), mais dix fois plus faibles que le taux à 1 semaine, ce qui rendait la transaction moins attractive sur une maturité d’un mois.
Emprunt en CHF et dépôt en EUR : longue maturité
Dans un communiqué de presse [10] datant du 15 janvier 2015, la Banque Nationale Suisse annonce, d’une part, qu’elle abolit le cours plancher (i.e. le taux plancher de conversion du franc suisse, qui était égal à 1,20 CHF pour 1 euro, est désormais abandonné) et, d’autre part, qu’elle abaisse le taux d’intérêt (sur les avoirs en compte de virement excédant un certain montant) à -0,75 %. Les conséquences sur le taux LIBOR CHF ont été rapides. Dès le 20 janvier 2015, le taux LIBOR à 3 mois en francs suisse était désormais égal à -0,66 %, alors qu’il n’était que -0,12 % le 13 janvier 2015.
Considérons la date du 20 janvier 2015. Nous observons à cette date que le LIBOR CHF à 1 semaine et à 1 an sont respectivement égaux à -0,716 % et -0,4966 %, et que le LIBOR EUR à une semaine et à un an sont respectivement égaux à -0,09071 % et 0,24571 %. Cela suggère donc une stratégie de longue maturité (i.e. un an) très simple : emprunter à 1 an en francs suisse et prêter en euros sur la même période. Si la banque emprunte l’équivalent d’1 milliard d’euros en francs suisse pendant 1 an au taux LIBOR CHF de -0,4966 %, en d’autres termes, si elle emprunte 1,0097 milliard de francs suisse, compte tenu du taux de change spot au 20 janvier 2015, elle pourrait prêter ce milliard d’euros pendant la même durée au taux LIBOR EUR positif de 0,24571 %. Dans un an, elle recevrait donc 1,0024571 milliard d’euros (capital et intérêts) sur le prêt qu’elle aurait consenti. Dans le même temps, elle devrait rembourser 1,0046858 milliard CHF sur l’emprunt en francs suisses. La Banque devrait donc vendre les euros reçus (éventuellement qu’une partie) pour rembourser l’emprunt en francs suisses. L’incertitude sur l’évolution du taux spot du franc suisse pourrait amener la banque à couvrir ce risque. Dans notre exemple, le taux forward implicite, qui annulerait tout profit dans l’opération, serait de 1,002223 CHF/EUR.
Vu la maturité plus longue, elle pourrait éventuellement acheter les francs suisses à terme en utilisant des contrats Futures, sachant que la couverture risque d’être imparfaite, compte tenu de la standardisation des contrats en termes de maturité et de taille. Les cotations, fournies par le CME (Chicago Mercantile Exchange) nous indiquent que pour une maturité Décembre 2015, le « weighted close » taux Futures au 20 janvier 2015 était de l’ordre de 1,003 CHF/EUR. Si nous appliquons directement ce taux Futures de 1,003 CHF/EUR, et en supposant aucun autre coût de transaction (i.e. pas d’appels de marge), nous pourrions dans ce cas spécifique avoir un arbitrage.
Emprunt en EUR et investissement en EUR
Jusqu’à présent, nous avons exploré des opportunités d’arbitrage impliquant des opérations en devises. On pourrait également se poser la question d’un éventuel arbitrage en empruntant en euro à un taux négatif, tout en investissant les fonds en euro. Si nous reprenons l’exemple de l’emprunt d’1 milliard d’euros à 1 semaine à un taux LIBOR négatif de -0,07429 % le 13 janvier 2015, nous savons que la banque doit rembourser 0,99855 milliard d’euros dans une semaine. La banque aurait donc un gain en intérêt de 0,00145 milliard d’euros sur l’emprunt. Une alternative serait d’investir ce milliard d’euros dans des ETF monétaires [11]. Ce sont des types de fonds relativement peu volatils, facilement négociables en Bourse, et générant des rendements positifs ou très faiblement négatifs. Il n’y a généralement pas de frais d’entrée (commission de souscription) et de sortie (commission de rachat) lorsqu’on achète ou vend un ETF en Bourse. Compte tenu des taux très bas, il faut évidemment s’attendre à un rendement infime sur une telle durée, mais il s’agit avant tout de trouver une destination aux liquidités empruntées sur le marché interbancaire qui génèrent elles-mêmes des intérêts. Pour avoir un arbitrage (statistique), il s’agit avant tout de ne pas perdre d’argent sur le placement dans l’ETF, ou tout au plus de limiter les pertes en deçà des intérêts perçus sur l’emprunt. Prenons l’exemple de l’Amundi ETF EuroMTS Cash 3 Months (Isin : FR0010754200). L’objectif de ce fonds est de répliquer, le plus fidèlement possible, la performance de l'Indice EuroMTS Government Bill 0-6 months. Sa volatilité annualisée est très faible en valeur absolue (de l’ordre de 0,06 % pour 2014). Le 13 janvier 2015, le fonds cotait à 120,92 euros sur Euronext Paris. Une semaine plus tard, le 20 janvier 2015, le fonds était également à 120,92 euros, laissant la banque avec un profit de 0,00145 milliard d’euros sur l’emprunt. Encore une fois, tout ceci ne tient évidemment pas compte des possibles coûts de transaction, droits de garde et des éventuels frais de gestion, qui pourraient rendre cette stratégie non profitable.
Conclusion
Nous avons discuté ici d’une mesure récente prise par la BCE, à savoir l’introduction du taux de facilité négatif en juin 2014, et de ses conséquences sur les marchés, et en particulier sur le marché interbancaire. Depuis la crise des subprime, la politique monétaire est devenue particulièrement accommodante. Comme nous l’avons vu, les banques empruntent aujourd’hui à la BCE au taux des MRO fixé à 0,05 % alors que ce taux était encore égal à 3,25 % en octobre 2008. Aujourd’hui, tout semble indiquer que la politique monétaire européenne va rester accommodante dans le futur, mais il est bien entendu difficile d’anticiper ce qu’elle sera dans quelques années.
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