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Supervision des SIFI : un risque de contagion aux petites et moyennes banques ?

Créé le

13.02.2012

-

Mis à jour le

29.02.2012

Le comité de Bâle a publié des règles précises sur l’identification des « institutions financières d’importance systémique » (SIFI). Les conséquences d'éventuels défauts de ces SIFI ne manqueront pas de se propager aux plus petits établissements, par le canal de diffusion de type risque opérationnel, de liquidité ou de crédit. Ce risque de « contagion » peut être modélisé et anticipé.

La crise que nous traversons est d’une rare gravité. Compte tenu de la diversité de ses manifestations et de l’ampleur de ses conséquences, elle est qualifiée de systémique. Elle a mis en évidence les insuffisances du dispositif prudentiel bâlois. Les principales explications possibles de cet échec peuvent être identifiées autour de :

  • l’incapacité du dispositif à mesurer le risque individuel de faillite bancaire (risque d’illiquidité, endogénéité des risques bancaires et financiers) ;
  • son incapacité à anticiper le risque systémique (celui-ci naît de l’accumulation de risques imparfaitement mesurés par la régulation financière classique) ;
  • son incapacité à gérer l’innovation financière.
C’est ainsi que de multiples initiatives ont été engagées, à la demande du G20, par le CSF [1] et le Comité de Bâle. Des réformes sont en cours dans les différentes places financières pour développer la dimension macroprudentielle de la supervision, car la supervision micro-prudentielle des institutions financières et des marchés ne permet pas à elle seule d’identifier ce risque systémique.

Aujourd’hui, la naissance de cette supervision systémique ne cherche pas à modifier directement les comportements individuels des institutions financières, mais à modifier l’environnement permettant le développement de ces comportements individuels. Cette fonction de supervision systémique ne peut être efficace que si elle est également menée à un niveau international.

SIFI et aléa moral

De chaque côté de l’Atlantique, les régulateurs ont cherché à préciser :

  • la définition des institutions de taille systémique ;
  • l'évaluation du montant des fonds propres requis pour éviter de nouveaux sauvetages.
L’une des mesures les plus emblématiques est la création d’une réglementation spécifique pour les SIFI, de façon à limiter « l’aléa moral » dont elles bénéficient. Il s’agit de mettre en place des dispositifs plus aptes à prendre en charge les défaillances bancaires transfrontalières, afin d’éviter que les États n’aient d’autre choix que d’intervenir en prêteur de dernier ressort auprès de leur secteur bancaire, et d’en faire supporter le coût au contribuable. Ces mesures seront mises en place à compter de 2012, avec une application obligatoire en 2019.

Cinq critères caractérisent une banque systémique

Elles sont détaillées dans le document du Basel Committee on Banking Supervision (ci-après BCBS), soumis à la communauté internationale en juillet 2011, et qui a fait l’objet d’une publication dans sa version définitive en novembre 2011. Finalement, pour le BCBS, cinq critères caractérisent une banque systémique :

  • la taille du bilan ;
  • l’interconnexion de la banque avec les autres établissements bancaires ;
  • la couverture géographique de ses activités ;
  • la complexité de ses produits financiers ;
  • la faculté pour la banque d’avoir des produits financiers de substitution.
Quatre catégories sont définies en fonction du risque systémique institutions financières ( scoring), correspondant chacune à une charge additionnelle de capital («  Common Equity Tier One ») de 1 %, 1,5 %, 2 % et 2,5 %. Une cinquième catégorie complémentaire, vide pour le moment, est créée. Elle est associée à une charge complémentaire de 1 % des actifs pondérés qui pourrait être demandée si le poids de certaines institutions financières les plus systémiques suivait une tendance croissante. Ces ratios de fonds propres plus élevés seront demandés à partir de 2016 aux établissements recensés sur la liste qui sera établie en novembre 2014. Cette liste sera révisée sur une base annuelle à la même période. La première version de cette liste, diffusée en novembre 2011, recense comme institutions bancaires françaises systémiquement importantes BNP Paribas, BPCE, le Groupe Crédit Agricole et la Société Générale.

Les compagnies d’assurance concernées

Si cette première liste ne recense que des banques dites mondiales, les travaux du CSF et du Comité de Bâle permettront d’identifier à l’avenir les entités financières non bancaires, notamment les compagnies d’assurance. C’est déjà le cas dans la nouvelle réglementation américaine avec l’implémentation du « Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act », qui élargit sa liste des institutions financières d’importance systémique à la sphère non bancaire avec, cependant, une approche différente d’appréciation de ces dernières.

Ainsi, toutes les mesures permettant de réduire la perception de marché selon laquelle les institutions financières seraient « too big to fail » renforcent les incitations des investisseurs à maîtriser davantage les risques des institutions financières auxquelles ils sont exposés et dont ils auront à supporter les pertes en cas de défaillance. Pour certaines de leurs activités, les institutions financières devront reconsidérer leurs stratégies en fonction du coût induit en capital.

Un risque de contagion vers les institutions moyennes ou petites

Même si une institution financière n’est pas de taille systémique, nous considérons qu’il est important de s’intéresser aux mécanismes de contagion par les risques : les impacts de défauts de SIFI ne manqueront pas de se propager aux plus petites. Par le canal de diffusion de type risque opérationnel, de liquidité ou de crédit, des institutions pourtant non systémiques pourraient se trouver en difficulté.

Ainsi, pour une institution de taille « non systémiquement importante », et donc sortant du périmètre d’observation des autorités de tutelle, des calculs de sa dépendance relative vis-à-vis d’autres institutions de taille systémique pourraient être justifiés et devenir une mesure complémentaire d’appréciation du risque de sa propre défaillance.

En effet, en se fondant sur des données d’exploitation et des indices récoltés ad hoc, on pourra calculer un jeu de coefficients de dépendance, par rapport soit à un périmètre d’établissements, soit aux normes sectorielles.

Qu’advient-il d’un établissement bancaire dont les postes vitaux du bilan sont dépendants d’une banque « too big to fail » ? Ses activités peuvent par exemple être fortement corrélées avec les résultats de la SIFI, s’il commercialise des produits via le réseau de cette dernière. Cette dépendance peut aussi n’être que temporaire, elle sera d’autant plus dangereuse si la SIFI est chef de file dans des opérations avec des contreparties pouvant se retourner contre les seuls survivants en cas de défaillance de cette dernière. Enfin, les très grandes banques sont souvent des participantes de premier rang dans des pools autour d’opérateurs boursiers et/ou compensateurs, et traitent des opérations vitales pour le compte de celles de second rang. Leurs propres risques opérationnels incluent alors d’un seul coup ces banques moyennes.

La détection de situations de dépendance en situation de partenariat ou de sous-traitance dangereuse est une mesure nécessaire.

Calculer les scénarios de propagation de défaut…

Dans les stress-tests, bien que cela ne soit pas exigé sur le plan prudentiel, il est aussi indiqué de calculer les scénarios de propagation de défaut (ou de défaillance, s’agissant du risque opérationnel). Cela se fait à l’aide de réseaux de causalité et de chaînes de déclenchement. La simulation exploratoire permet ainsi d’envisager des stress-tests mettant en scène non pas seulement le pire qui puisse arriver à soi-même en tant que banque moyenne, mais aussi lorsque, dans une conjoncture négative, la grande consœur qui effectuait les prestations sous-traitées vient elle-même à être menacée.

Pour commencer les calculs de dépendance, un examen approfondi des relations permettra de positionner la banque moyenne dans son environnement et dans ses relations avec les grandes SIFI. La quantification de la force de ces dépendances passe par la recherche de ratios et d’indices de concentration. Ces coefficients, tenant compte de la granularité d’une part et de l’intensité des liens d’autre part, donneront une indication forte de la propagation de probabilité de défaut entre le client et ses partenaires, ainsi que de la source du risque.

On cherchera aussi à mettre en évidence des dépendances qui peuvent s’accentuer d’elles-mêmes lorsque l’évolution conjoncturelle est défavorable. En effet, certains ratios de concentration qui ne sont pas initialement à un niveau préoccupant peuvent devenir inquiétants lorsque quelques autres partenaires appartenant au même pool auront fait défaut, laissant la banque moyenne seule face à la SIFI. Ce genre de danger ne peut être détecté que par des modèles de cheminement ayant une dimension temporelle. Ceux-ci explorent par simulation une large palette de situations futures et restituent une évaluation des scénarios moyens et extrêmes.

…et faire preuve de pédagogie

Enfin, les résultats quantitatifs doivent être mis sous une forme compréhensible pour les non-spécialistes à l’aide de graphiques appropriés : les traditionnels tableaux de chiffres et graphes de fonctions ne suffiront plus à communiquer le vrai message dans ses représentations probabilistes et évolutives des situations de danger potentiel. Pour sa mission, l’analyste de risque doit donc aussi se doubler d’un pédagogue et d’un communicant.

1 Conseil de stabilité financière.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº746
Notes :
1 Conseil de stabilité financière.