Stress-tests climatiques de l’ACPR : les sept défis lancés au monde bancaire

La crise sanitaire nous renvoie immanquablement &agrave; la gestion des risques climatiques et sociaux de nos soci&eacute;t&eacute;s. Les banques et autres acteurs financiers ont un r&ocirc;le cl&eacute; &agrave; jouer pour favoriser l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;une &eacute;conomie plus durable et plus r&eacute;siliente face aux futurs chocs. Alors qu&rsquo;en juin dernier s&rsquo;achevait la consultation de l&rsquo;Autorit&eacute; de contr&ocirc;le prudentiel et de r&eacute;solution (ACPR) sur la &laquo; pr&eacute;sentation des hypoth&egrave;ses provisoires pour l&rsquo;exercice pilote climatique &raquo; relative aux stress-tests climatiques, ce nouvel exercice lance une s&eacute;rie de d&eacute;fis &agrave; l&rsquo;ensemble du monde bancaire. Un horizon temporel complexe &agrave; appr&eacute;hender L&rsquo;horizon temporel des projections, de trente ans, justifi&eacute; par la Strat&eacute;gie nationale bas carbone (SNBC), peut &ecirc;tre tr&egrave;s challengeant compte tenu de l&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; de la maturit&eacute; des diff&eacute;rents acteurs sur le sujet. Cette maturit&eacute; s&rsquo;appr&eacute;cie sur trois crit&egrave;res majeurs : &ndash; l&rsquo;aboutissement des mod&egrave;les et des sc&eacute;narios d&eacute;finis ; &ndash; la disponibilit&eacute; et la qualit&eacute; de donn&eacute;es internes et externes n&eacute;cessaires &agrave; la r&eacute;alisation de l&rsquo;exercice ; &ndash; l&rsquo;outillage limit&eacute; des acteurs sur le sujet. Plus l&rsquo;horizon est long, plus les risques d&rsquo;impr&eacute;cisions sont importants et pourraient concourir &agrave; affaiblir la qualit&eacute; des r&eacute;sultats chiffr&eacute;s de l&rsquo;exercice. La dur&eacute;e de l&rsquo;horizon temporel g&eacute;n&egrave;re un risque d&rsquo;inexactitude dans les projections compte tenu de la difficult&eacute; de la mod&eacute;lisation des probabilit&eacute;s de d&eacute;faut pour l&rsquo;ensemble des expositions concern&eacute;es et notamment pour les expositions &laquo; corporate &raquo;. Plus les plages de temps trait&eacute;es s&rsquo;&eacute;loignent du pr&eacute;sent, plus elles doivent &ecirc;tre assorties d&rsquo;analyses qualitatives. De la m&ecirc;me fa&ccedil;on que les templates de remise doivent &ecirc;tre norm&eacute;s, il est important de guider les diff&eacute;rentes cat&eacute;gories qui pourraient faire l&rsquo;objet de remarques et justifications, d&rsquo;hypoth&egrave;ses qualitatives. C&rsquo;est pourquoi il est essentiel d&rsquo;y adjoindre le jugement et les remarques d&rsquo;experts pour affiner la vision de l&rsquo;impact financier des risques climatiques. Un &eacute;quilibre &agrave; trouver entre restriction des hypoth&egrave;ses et flexibilit&eacute; Le nombre des sc&eacute;narios coh&eacute;rents avec les travaux du Network for Greening the Financial System (NGFS) peut sembler &agrave; premi&egrave;re vue tr&egrave;s restrictif, compte tenu du champ des possibles. Ces sc&eacute;narios ont en revanche le m&eacute;rite de figer le cadre de l&rsquo;exercice exploratoire, une condition sine qua non de l&rsquo;aboutissement de l&rsquo;exercice. Il pourrait &ecirc;tre n&eacute;anmoins int&eacute;ressant de synth&eacute;tiser les mod&egrave;les et outils auxquels recourent les acteurs du secteur pour s&rsquo;inspirer des meilleures pratiques et challenger le mod&egrave;le propos&eacute;. Aujourd&rsquo;hui, il s&rsquo;agit de r&eacute;pondre &agrave; une double contrainte. Celle de d&eacute;finir un cadre suffisamment restrictif dans un devoir d&rsquo;uniformit&eacute; et de comparabilit&eacute; des r&eacute;ponses, mais aussi celle de la flexibilit&eacute;, permettant aux acteurs d&rsquo;utiliser leurs propres outils et mod&egrave;les. Ce paradoxe est li&eacute; &agrave; la nature de l&rsquo;exercice et refl&egrave;te toute la complexit&eacute; de l&rsquo;&eacute;quilibre &agrave; trouver entre cadre restrictif et flexibilit&eacute;. De mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale, par rapport au Biennal Exploratory Scenario (BES), plusieurs jeux d&rsquo;hypoth&egrave;ses ont &eacute;t&eacute; restreints, bien que le nombre de sc&eacute;narios ait &eacute;t&eacute; augment&eacute;. C&rsquo;est &agrave; la fois une excellente chose pour rendre l&rsquo;exercice plus r&eacute;alisable, mais aussi une restriction du champ de r&eacute;flexion, qui doit rester ouvert en dehors du cadre pratique de l&rsquo;exercice. Des donn&eacute;es et m&eacute;thodes in&eacute;dites n&eacute;cessitant une adaptation des acteurs &Agrave; l&rsquo;instar du BES, l&rsquo;exercice propos&eacute; par l&rsquo;ACPR soul&egrave;ve la probl&eacute;matique essentielle de la donn&eacute;e. Notamment parce que la quantit&eacute; de donn&eacute;es historiques pr&eacute;sentes chez les diff&eacute;rents acteurs et &agrave; m&ecirc;me d&rsquo;&ecirc;tre exploit&eacute;es pour l&rsquo;exercice, est tr&egrave;s limit&eacute;e. Et ce, pour deux raisons : &ndash; d&rsquo;une part, pour la raison &eacute;vidente que la m&eacute;thode et les analyses demand&eacute;es sont tr&egrave;s diff&eacute;rentes des stress-tests classique ; &ndash; d'autre part parce que la nature in&eacute;dite requiert d&rsquo;autres types de donn&eacute;es sources. C&rsquo;est l&rsquo;id&eacute;e v&eacute;hicul&eacute;e dans la r&eacute;cente publication de la Bank for International Settlements (BIS) et de la Banque de France [1] , qui stipule que &laquo; l&rsquo;approche standard visant &agrave; mod&eacute;liser les risques en extrapolant les donn&eacute;es historiques (par exemple, la probabilit&eacute; de d&eacute;faut (PD), le prix de march&eacute;) n&rsquo;est plus valide dans un monde profond&eacute;ment red&eacute;fini par le risque climatique &raquo;. Cette &eacute;tude montre aussi que les donn&eacute;es collect&eacute;es dans les syst&egrave;mes des acteurs ne permettent pas de confirmer les diff&eacute;rentiels de risques entre actifs bruns et verts. Par ailleurs, il convient de s&rsquo;attarder sur les mod&egrave;les et donn&eacute;es sources auxquelles le document fait r&eacute;f&eacute;rence, notamment les donn&eacute;es du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'&eacute;volution du climat (GIEC) ainsi que les hypoth&egrave;ses macro&eacute;conomiques et financi&egrave;res utilis&eacute;es (cf. 3.4.3 du document). Celles-ci se doivent de faire r&eacute;f&eacute;rence et d&rsquo;&ecirc;tre adopt&eacute;es par tous par souci de comparabilit&eacute; et de coh&eacute;rence des r&eacute;sultats. Ces donn&eacute;es externes doivent &eacute;galement &ecirc;tre prises en compte par les acteurs pour enrichir leurs mod&egrave;les de donn&eacute;es existants et leurs mod&egrave;les de projection. L&rsquo;effort d&rsquo;inventaire et de mise &agrave; disposition &eacute;voqu&eacute; dans cette publication est essentiel pour les accr&eacute;diter et les enrichir si besoin. En outre, se pose la question des inventaires actuels des donn&eacute;es et de leur administration sur trois axes : la qualit&eacute; des donn&eacute;es, leur disponibilit&eacute; et leur accessibilit&eacute;. Plus pr&eacute;cis&eacute;ment : &ndash; le volet qualit&eacute; des donn&eacute;es traite de la qualit&eacute; des donn&eacute;es disponibles, souvent peu challeng&eacute;es. Le chantier de mise en qualit&eacute; de ces donn&eacute;es sera incontournable pour les acteurs du secteur financier ; &ndash; le volet disponibilit&eacute; des donn&eacute;es traite de l&rsquo;int&eacute;gration des donn&eacute;es, jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent peu ou pas utilis&eacute;es par les diff&eacute;rents acteurs du secteur financier : donn&eacute;es du GIEC, nouvelles dimensions g&eacute;ographiques et sectorielles, profondeur de la donn&eacute;e sur les sous-jacents et les contreparties, etc. ; &ndash; le volet accessibilit&eacute; concerne l&rsquo;outillage des acteurs pour partager et d&eacute;cloisonner l&rsquo;information. Tous les d&eacute;partements ou presque seront impliqu&eacute;s dans l&rsquo;exercice, notamment les risques, la finance, la RSE, les directions commerciales, la direction de l&rsquo;innovation, la DSI&hellip; L&rsquo;un des principaux d&eacute;fis de ces acteurs sera de partager cette donn&eacute;e et de la rendre coh&eacute;rente pour chacun : cela passera par une revue et/ou une meilleure exploitation des outils et syst&egrave;mes d&rsquo;information existants. Cet exercice devrait avoir pour vertu de favoriser les &eacute;changes entre certains d&eacute;partements au sujet du partage et de l&rsquo;importance de la donn&eacute;e. Dans ce contexte, les travaux de l&rsquo;ACPR pour affiner et mettre en place les travaux de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) et la taxonomie seront essentiels pour combler les &eacute;carts au niveau des donn&eacute;es. Collecter et partager les meilleures pratiques et cas d&rsquo;usages Dans le cadre du BES, la Banque d&rsquo;Angleterre souhaite pour sa part se servir de l&rsquo;exercice de stress-test pour identifier les bonnes pratiques en termes d&rsquo;approches, de m&eacute;thodes et d&rsquo;outils utilis&eacute;s par les diff&eacute;rents acteurs afin de mesurer leur exposition aux risques climatiques. Une approche int&eacute;ressante qu&rsquo;il pourrait &ecirc;tre pertinent de dupliquer, en lan&ccedil;ant le m&ecirc;me type de collecte en parall&egrave;le de l&rsquo;exercice de stress-test. Cette collecte se focaliserait aussi bien sur les aspects quantitatifs que qualitatifs. La publication d&rsquo;un tel guide de bonnes pratiques (m&eacute;thodologies, donn&eacute;es, outils&hellip;) serait particuli&egrave;rement utile &agrave; l&rsquo;ensemble des participants : d&rsquo;une part, gr&acirc;ce aux cas d&rsquo;usages pr&eacute;cis et chiffr&eacute;s sur la mesure des risques climatiques, mais aussi compte tenu de l&rsquo;aspect plus qualitatif des approches retenues. Cela permettrait de s&rsquo;ajuster au mieux au paradoxe du temps long de la r&eacute;glementation et du temps court de l&rsquo;action, n&eacute;cessaire &agrave; une strat&eacute;gie long terme. Bilan statique vs dynamique ? L&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un bilan statique, puis dynamique, est novatrice par rapport au BES. En effet, le bilan dynamique permet d&rsquo;inclure les d&eacute;cisions de gestion des acteurs pour adapter leur bilan &agrave; partir de 2025, donc de ne plus avoir &agrave; partir d&rsquo;un bilan statique se d&eacute;formant uniquement en fonction des sc&eacute;narios climatiques. L&rsquo;id&eacute;e est tr&egrave;s pertinente car il est &eacute;vident que les acteurs mettront en œuvre des actions pour mitiger leurs risques. L&rsquo;utilisation d&rsquo;un bilan statique pour les cinq premi&egrave;res ann&eacute;es permet d&rsquo;apercevoir de mani&egrave;re concr&egrave;te les pertes potentielles associ&eacute;es aux strat&eacute;gies de financement pass&eacute;es et actuelles, et d&rsquo;identifier les secteurs, zones g&eacute;ographiques et contreparties les plus vuln&eacute;rables dans le cadre de la transition &eacute;nerg&eacute;tique. Par la suite, l&rsquo;identification de faiblesses permettra aux acteurs de d&eacute;finir de nouvelles hypoth&egrave;ses d&rsquo;allocation de ressources pour les ann&eacute;es de bilan dynamique. N&eacute;anmoins cela pose la question de la comparabilit&eacute; des r&eacute;sultats entre acteurs. Pour de m&ecirc;mes d&eacute;cisions de gestion, certains d&rsquo;entre eux pourraient avoir une appr&eacute;ciation diff&eacute;rente de leurs impacts ou pr&eacute;senter des incompatibilit&eacute;s entre la banque et l&rsquo;assurance. Les banques pourraient par exemple pr&eacute;voir d&rsquo;augmenter le niveau de couverture assurantielle de certaines expositions, pendant que les assureurs pr&eacute;voiraient de ne plus couvrir ce type de risques. Cette complexit&eacute; suppl&eacute;mentaire pour l&rsquo;exercice appara&icirc;t cependant n&eacute;cessaire &agrave; l&rsquo;encadrement des typologies de d&eacute;cision de gestion et &agrave; l&rsquo;&eacute;valuation de leur impact sur le bilan des acteurs. Une fragmentation des approches &agrave; combler La fragmentation des approches de stress-testing par juridiction soul&egrave;ve des challenges op&eacute;rationnels pour les institutions multinationales. Cette fragmentation rend difficile pour les superviseurs la comparaison des r&eacute;sultats des stress-tests avec d&rsquo;autres juridictions. Ce challenge sera sans doute r&eacute;solu avec le temps : avec l&rsquo;impl&eacute;mentation du plan d&rsquo;action de l&rsquo;European Banking Authority (EBA) au niveau europ&eacute;en, coupl&eacute; au travail de coordination et de convergence internationale men&eacute; au sein du NGFS. La question de l&rsquo;exigence en capital Il est indiqu&eacute; que l&rsquo;exercice pilote ne sera pas assorti d&rsquo;exigences en capital r&eacute;glementaire, pour deux principales raisons : la maturit&eacute; des mod&egrave;les et des donn&eacute;es, ainsi que l&rsquo;horizon temporel de projection. Le calendrier de l&rsquo;EBA sur le traitement prudentiel des actifs dans une perspective durable donne une &eacute;ch&eacute;ance finale au 28 juin 2025. N&eacute;anmoins, il pourrait &ecirc;tre int&eacute;ressant de r&eacute;fl&eacute;chir d&egrave;s aujourd&rsquo;hui &agrave; la fa&ccedil;on dont les exigences en capital r&eacute;glementaire, bas&eacute;es sur le bilan statique, pourraient &ecirc;tre traduites sur les cinq premi&egrave;res ann&eacute;es du stress-test. La notion de capital interne n&rsquo;est pas abord&eacute;e pour cet exercice pilote. Dans le guide relatif aux risques li&eacute;s au climat et &agrave; l&rsquo;environnement publi&eacute; par la BCE [2] , il est mentionn&eacute; : &laquo; Les sc&eacute;narios de test devraient comprendre tous les risques significatifs susceptibles de r&eacute;duire le niveau de capital interne ou d&rsquo;influencer les ratios de fonds propres r&eacute;glementaires et ils devraient &ecirc;tre int&eacute;gr&eacute;s au programme de tests de r&eacute;sistance de l&rsquo;&eacute;tablissement dans une perspective &agrave; la fois &eacute;conomique et normative. [&hellip;] Tous ces aspects devraient &ecirc;tre ad&eacute;quatement refl&eacute;t&eacute;s dans l&rsquo;Internal Capital Adequacy Assessment Process (ICAAP) de chaque &eacute;tablissement. &raquo; De la m&ecirc;me fa&ccedil;on, il pourrait &ecirc;tre int&eacute;ressant d&rsquo;incorporer l&rsquo;ICAAP sur les cinq premi&egrave;res ann&eacute;es du stress-test. 1 Patrick Bolton, Morgan Despres, Luiz Awazu Pereira Da Silva, Frederic Samana et Romain Svartzman, &laquo; The green swan - Central banking and financial stability in the age of climate change &raquo;, janv. 2020. 2 https://www.bankingsupervision.europa.eu/legalframework/publiccons/pdf/climate-related_risks/ssm.202005_draft_guide_on_climate-related_and_environmental_risks.fr.pdf

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Stress-tests climatiques de l’ACPR : les sept défis lancés au monde bancaire

Les banques et les autres acteurs financiers ont un rôle clé à jouer dans l’émergence d’une économie plus durable et plus résiliente face aux futurs chocs. Le nouvel exercice des stress-tests climatiques mis au point par le superviseur en est l’illustration.

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