Le shadow banking « à la chinoise » est constitué d’une myriade d’acteurs, tels que prêteurs sur gages, trusts, ou autres organismes de garantie, dont certains n’exigent même pas de collatéraux en contrepartie de leur caution. Ce sont autant d’entités qui échappent à toute régulation. Le système bancaire parallèle inclut également le système financier informel. La China Banking Regulatory Commission distingue trois grandes catégories d’entités (Encadrés 1 et 2) : les institutions financières non bancaires, les institutions non financières, et les « autres ».
Un secteur difficilement mesurable
Les évaluations varient énormément selon les sources, et témoignent de la difficulté à quantifier l’ampleur du secteur (Graphique 1). Ainsi, la China Banking Regulatory Commission estime que les activités des entités relevant du shadow banking s’élevaient à 316 milliards de dollars. Une étude réalisée par des chercheurs de l’université de Pékin, fondée sur les chiffres de la People’s Bank of China (PBOC) évalue l’activité du shadow banking à 41,7% des financements globaux pour l’année 2011, soit 812 milliards de dollars (5 350 milliards de RMB).
Des risques réels, mais identifiés
Les liens entre les banques et le shadow banking sont pointés du doigt : pour attirer les dépôts et améliorer leur bilan, les banques ont multiplié les produits hors-bilan de gestion de fortune, avec des promesses de rendement élevées. David Cui précise que le risque de défauts dans les 12 à 18 mois à venir est
Mais le poids de la tradition est là :certains acteurs du système bancaire parallèle sont ancrés dans la culture chinoise depuis plusieurs centaines d’années. Les mauvaises performances que les marchés actions ont enregistrées depuis 2008, combinées aux restrictions imposées par les autorités sur la distribution de crédits, ont contribué à l’explosion du système. Les déficiences de celui-ci ont longtemps été masquées par la belle croissance de l’économie chinoise. Le ralentissement de celle-ci, provoqué par la diminution des exportations – crise mondiale oblige – pourrait grandement nuire au système, gangrené par des pratiques à risque.
Les produits de gestion de fortune
Les banques chinoises ont lancé leurs premiers produits financiers de hors-bilan en 2004. En 2011, on en recensait exactement 23 501, pour 100 émetteurs (11 en 2004). Une croissance vertigineuse que les autorités ont bien du mal à encadrer. Malgré une réglementation, entrée en vigueur en 2011, demandant une plus grande transparence sur l’utilisation des fonds, l’opacité règne toujours quant à leurs performances réelles.
Les autres segments du shadow banking présentent également des facteurs de risque à ne pas négliger.
Les organismes de caution
Selon les estimations, on compterait de 4 800 à 19 000 organismes de caution sur le sol chinois. Ces structures fournissent des garanties à des prêteurs à risque, leur permettant ainsi d’accéder à des crédits bancaires. Après une période de forte croissance, liée à l’entrée de la Chine dans l’OMC, les organismes de caution ont subi en 2010 les conséquences de la crise mondiale ; ils ont dû leur survie à la garantie de l’Etat chinois. Leur développement a été relancé à la faveur de la raréfaction des crédits bancaires, faisant de ces structures un point de passage obligé pour obtenir un prêt.
Malgré le renforcement de la supervision, des sociétés se sont engagées dans des pratiques frauduleuses, ce qui rend malaisée l’évaluation des risques financiers liés à cette activité : certains organismes prélèvent une part des crédits pour lesquels ils se sont portés caution, pour octroyer à leur tour des prêts encore plus risqués. Ces pratiques ne sont pas sans conséquences : quatre sociétés importantes ont fait faillite en 2011.
Les lettres de crédit
Selon BofA, les entreprises de négoce de matières premières – et plus particulièrement, le secteur de l’acier – multiplieraient les lettres de crédit. En outre, il s’agit de produits hors-bilan, échappant au regard des régulateurs et à toute évaluation. Le principe est le suivant :
- Une société négocie un prêt pour acheter des matières premières. La banque émet une lettre de crédit auprès du vendeur
- La société de négoce utilise son stock de matière première comme collatéral et obtient un crédit auprès d’une autre banque.
- Ce même stock peut être utilisé plusieurs fois pour multiplier les crédits
- Les fonds ainsi obtenus basculent dans le système bancaire parallèle. La société de négoce joue les organismes de prêts avec d’autres entreprises
- Lorsque la lettre de crédit arrive à échéance, la société de négoce rembourse la banque.
Les sociétés de prêt sur gages
Les « pawn shops » font partie intégrante de l’histoire du pays ; elles ont fait leur apparition voici plus de 1 600 ans. Elles se caractérisent par des prêts de très court terme (1 à 3 jours). Après une période d’interdiction, levée en 1987, les « boutiques » ont rapidement prospéré. On en compte aujourd’hui plus de 4 000. Malgré l’opacité qui entoure leur activité, et la nature même de celle-ci (80 % de leurs financements iraient vers des PME, selon des chiffres publiés par le Département des affaires commerciales en 2010), les autorités chinoises ont semble-t-il pris des mesures pour encadrer la