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Bibliographie

Le secret bancaire

Créé le

16.06.2014

-

Mis à jour le

12.05.2016

Ainsi que le souligne Jérôme Lasserre Capdevile, lorsque les médias évoquent le secret bancaire, c’est le plus souvent pour en dénoncer les abus de la part de certains États ou micro-états, complétant cette observation par celle d’un éminent spécialiste en matière de secret bancaire selon lequel « le monstre du Loch Ness, les soucoupes volantes et le secret bancaire suisse ont ceci en commun qu’il s’agit de sujets entourés d’un certain mystère, qui apparaissent ou disparaissent de la une des journaux selon une fréquence  qui semble impossible à prévoir [1] », observation qui trouve évidemment à s’appliquer à bien d’autres pays que la Suisse.
Si le secret bancaire constitue depuis longtemps un thème d’actualité, cette actualité se trouve renforcée au moment où la Suisse et Singapour ont accepté de se rallier au mode d’échange automatique de renseignements bancaires à des fins fiscales, aux côtés de 40 pays dont les 34 pays membres de l’OCDE et les pays du G20 non membres de l’OCDE, dont la Chine et la Russie.
Pour autant, est-ce la fin du secret bancaire ? L’ouvrage de Jérôme Lasserre Capdevile, qui dresse un état complet et actuel de ce qu’est le secret bancaire, dans une approche tant nationale qu’internationale, confirme que ce secret existe, heureusement, toujours bien. Après avoir brièvement rappelé que, de tout temps, les banquiers ont observé la plus grande discrétion sur les opérations passées avec leurs clients – cette obligation de discrétion figurant déjà dans le Code d’Hammourabi –, l’auteur prend soin de rappeler ce qu’il faut entendre par secret bancaire, notion qui ne doit pas être confondue avec le secret des affaires : le secret bancaire est l’obligation pour l’ensemble des membres des organes de direction et de surveillance des établissements de crédit, ainsi que de leurs employés, de taire les informations de nature confidentielle qu’ils détiennent sur leurs clients ou des tiers.
Le cadre de l’étude étant ainsi posé, l’ouvrage est divisé en deux parties, la première consacrée à une approche nationale du secret bancaire, la seconde à une approche internationale.
Dans la première partie, après un bref commentaire de l’article L. 511-33 du Code monétaire et financier, issu de la loi du 26 janvier 1984 et encore récemment modifié par l’ordonnance du 27 juin 2013, article qui définit et fixe le champ d’application et les limites du secret professionnel auquel est tenu le banquier, le premier chapitre traite du principe du secret bancaire vu du côté tant des débiteurs que des créanciers du secret, de la nature et du contenu des informations couvertes, de l’opposabilité du secret au tiers et des sanctions de sa violation.
Le second chapitre expose en détail les exceptions au secret résultant aussi bien des textes que de la jurisprudence, distinguant selon que ces dérogations tendent à la préservation d’intérêts privés tels que l’entourage du bénéficiaire du secret ou lorsqu’est en cause le droit régissant les entreprises en difficulté, ou que ces dérogations tendent à la préservation de l’intérêt public dont bénéficient les autorités de contrôle bancaire et financier, l’autorité judiciaire, Tracfin, les  organismes de Sécurité Sociale, l’administration des douanes et, bien entendu, l’administration fiscale.
En conclusion de cette première partie, à la question de savoir si, en France, le secret bancaire est encore un principe alors que les exceptions sont toujours plus importantes, l’auteur affirme avec force l’existence d’un tel secret français, rappelant à titre d’exemple le devoir du banquier de s’opposer dans certaines situations à des demandes d’une administration fiscale « trop curieuse ».
La seconde partie est également divisée en deux chapitres. Le premier traite du secret bancaire en droit comparé à partir des exemples les plus emblématiques de la Suisse et du Luxembourg, constatant l’impossibilité de procéder à une étude de tous les secrets bancaires mondiaux, tant ils sont nombreux. Le second chapitre est quant à lui consacré aux incidences du secret bancaire en matière de coopération internationale. À l’heure où les législations ont progressivement écarté le principe de souveraineté des États faisant obstacle à ce que la juridiction saisie d’une action civile, pénale ou financière puisse exercer ses attributions sur un territoire étranger, le secret bancaire n’est-il pas de nature à constituer un obstacle à une telle entraide ?

Après avoir exposé comment depuis quelques années le secret bancaire est en train de voir son encadrement légal et conventionnel totalement bouleversé, l’auteur dresse un tableau des évolutions prévisibles à venir concernant notamment les paradis fiscaux, soulignant toutefois que, pour atteindre une uniformisation du régime des secrets bancaires, quelques années de patience seront encore nécessaires.
Pour conclure, l’auteur indique qu’il a eu pour ambition de « restaurer un peu de réalité juridique à propos du secret bancaire que cela soit d’un point de vue national ou international ». Cette ambition est parfaitement atteinte. En effet, par son contenu, par les multiples références doctrinales, réglementaires et jurisprudentielles figurant en bas de pages, l’auteur nous livre bien plus que  « l’essentiel » de ce qu’il faut savoir du secret bancaire. Il était, il est vrai, bien placé pour traiter un tel sujet, sa thèse soutenue en 2004 ayant pour titre « Le secret bancaire – Étude de droit comparé »

1 M. Aubert, « Le Secret des banques et ’entraide judiciaire », Rev. pen. Suisse, 1971, tome 87, page 8.

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº155
Notes :
1 M. Aubert, « Le Secret des banques et ’entraide judiciaire », Rev. pen. Suisse, 1971, tome 87, page 8.
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