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Évolution réglementaire

La révision de la Directive MIF : pour poursuivre la révolution copernicienne

Créé le

28.11.2021

La refonte de MIF 2 n’est pas seulement un sujet technique, mais l’occasion d’améliorer la confiance des particuliers et d’une juste concurrence. Il y a trois pistes à explorer qui mènent, à terme, à une refonte horizontale des textes liés, comme PRIIPS ou DDA.

La Directive des marchés financiers (MIF) a entamé une révolution copernicienne pour protéger le consommateur. En le plaçant au cœur d’une gouvernance produits réformée, la révision de la Directive MIF 2 a garanti que les gammes offertes aux investisseurs de détail répondraient mieux à leurs attentes, plutôt qu’à celles des distributeurs et des fournisseurs en matière de plus-value de vente. Ériger sur ces bases une nouvelle relation entre consommateurs, distributeurs et fournisseurs de produits financiers, ancrée dans la co-construction, est le défi d’une nouvelle stratégie de l’Union européenne (UE) pour les investisseurs de détail, attendue fin 2022. Cette stratégie inclura une révision de la Directive MIF.

La promotion de l'investissement de détail dans le cadre de l’Union des marchés de capitaux (UMC) est un symbole de l'ambitieuse entreprise du marché unique de l'UE : récolter les fruits de l'un des plus grands marchés au monde, avec près de 450 millions de consommateurs, tout en reconnaissant que les motifs profonds des décisions d’investissement sont ancrés dans les habitudes nationales.

Le succès de la future stratégie pour les investisseurs de détail repose sur sa capacité à articuler les incitations adaptées pour chaque consommateur et les impératifs économiques européens communs : débloquer de nouveaux financements pour la transition verte et numérique et pour les entreprises, petites et moyennes notamment.

Cela ne signifie pas imposer un modèle unique, avec une harmonisation complète des règles sur la vente des produits financiers aux investisseurs de détail, mais une approche pas à pas, qui renforce l’ambition et l’horizontalité des règles européennes là où c’est nécessaire.

La crise financière et économique des années 2000-2010 a ébranlé la confiance des citoyens dans l'écosystème financier et dans sa faculté à contribuer au bénéfice de la société. De nombreux scandales de ventes abusives ont érodé la confiance des consommateurs dans les intermédiaires financiers. Il est temps de la restaurer en s’appuyant sur ce triptyque : transparence, responsabilité et dialogue.

Transparence : une information fiable et claire

Une plus grande transparence sur les produits financiers est plus que jamais attendue. Avant toute vente, les consommateurs doivent avoir accès gratuitement aux informations sur les produits financiers dans lesquels ils ont l'intention d'investir. Ces informations doivent être adaptées à leurs besoins et à leur compréhension des marchés financiers, et donc adaptables à chaque consommateur. À cet égard, l’utilisation d’outils numériques est prometteuse, en prenant soin de ne pas pénaliser les consommateurs qui ont un accès limité aux solutions en ligne.

L'Union européenne pourrait être pionnière en créant un Document d’Informations clefs (DIC) numérique et interactif couvrant tous les aspects utiles : risques, coûts, performances espérées, informations relatives aux risques climatiques et aux droits des consommateurs. Une telle approche nécessite une meilleure intégration des règles applicables aux produits d’investissements et aux produits d’assurances, ainsi qu’une refonte du règlement sur les produits d'investissement packagés de détail et fondés sur l'assurance (PRIIPs).

À court terme, concentrons-nous, après dix ans de débat, sur l'application définitive du règlement PRIIPs à l'ensemble des options d’investissement. À moyen terme, ce règlement devra être mis à jour en profondeur, sans revenir sur son ambition initiale : couvrir tous les produits de détail et tous les intermédiaires financiers.

Responsabilité : les mêmes règles pour tous les intermédiaires

Les consommateurs doivent être sûrs que les intermédiaires et conseillers financiers agissent dans leur seul intérêt. Ce principe d'alignement des intérêts tout au long de la chaîne de valeur figure déjà dans les règles de distribution inscrites dans la Directive MIF pour les produits financiers et dans la Directive sur la distribution de l’assurance (DDA) pour les produits assurantiels.

Mais les nuances introduites dans la réglementation, ainsi que les divergences d’approche en matière de supervision, ont conduit semble-t-il à une grande fragmentation dans l'application de ce principe. On le constate aussi bien entre pays européens qu’au sein de chaque marché national. Cette fragmentation augmente le risque d'arbitrage réglementaire : un fournisseur pourrait choisir de « changer de chapeau » pour un même produit, devenant qui distributeur au sens de la DDA, qui distributeur au sens de la MIF2, pour choisir le processus de gouvernance le moins strict.

Une refonte horizontale des règles de distribution et de gouvernance des produits financiers est la meilleure façon de prévenir ce risque. La voie à suivre : une harmonisation plus poussée des éléments constitutifs de l'interaction entre le consommateur, le distributeur et le fournisseur. Un tel objectif doit cependant prendre en compte les spécificités de chaque modèle de distribution, ancrées dans les particularités nationales. Il faudra éviter de réduire ce débat à une dichotomie entre commissions et frais.

Le recours accru aux achats mystères, désormais une compétence explicite des autorités européennes de supervision, est un outil puissant pour détecter les anomalies et accroître la responsabilité à tous les niveaux de la chaîne de distribution. Du PDG au conseiller financier, tous les acteurs de la chaîne doivent se concentrer sur le service au consommateur.

Dialogue : la clef de voûte

Refonder un dialogue fructueux entre les acteurs de la chaîne de distribution est le meilleur moyen de donner un sens à la transparence et d’accroître le sentiment de responsabilité. Des discussions régulières doivent avoir lieu entre les consommateurs et les intermédiaires financiers, dans les bons comme dans les mauvais moments.

L’écosystème financier a un rôle moteur à jouer dans ce changement de paradigme culturel, en veillant à ce que les consommateurs considèrent ces intermédiaires comme des partenaires. Les consommateurs ont besoin de leur conseil pour construire des stratégies d'épargne adaptées à leurs besoins et pas seulement « toutes faites ». Les conseillers doivent être à l'affût de tous les produits adaptés à leurs clients, sans se limiter aux produits des producteurs de leur propre réseau.

L'éducation financière dans les écoles et les universités est un autre lever d’action, bien connu, qui doit continuer à être soutenu. Accroître la sensibilisation à l'importance de l'épargne et de l'investissement fait également partie de l'apprentissage, tout au long de la vie. Les employeurs, les syndicats et les organisations de la société civile, parmi tant d’autres, peuvent contribuer à la maîtrise de la culture financière, en France et dans l’UE. L’expérience réussie du nouveau Plan épargne retraite (PER), introduit en France par la loi Pacte, est un exemple à suivre au niveau européen.

À terme, une discussion approfondie devra également avoir lieu sur certaines dynamiques fondamentales liées à l'épargne et l’investissement de détail, tels que les systèmes de retraite et les incitations fiscales. Sur ces sujets, l'Union européenne peut jouer le rôle de catalyseur de potentielles réformes, mais doit s'abstenir d'intervenir dans des débats nationaux sensibles politiquement.

Plus qu’un simple enjeu technique, la révision de la Directive MIF, attendue fin 2022, doit poursuivre la révolution engagée dans la MIF et la MIF2. Refonder la confiance entre consommateur, distributeur et producteur, grâce à la transparence, la responsabilité et le dialogue doit être la boussole du législateur européen. Ceci nécessitera une refonte horizontale des textes liés : la Directive MIF, la Directive sur la distribution d’assurance et le Règlement PRIIPs.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº862bis
RB