Paradis fiscaux : un bilan modeste

Quel regard portez-vous sur les avanc&eacute;es r&eacute;alis&eacute;es depuis le G20 de Londres, en avril 2009 ? En effet, des avanc&eacute;es ont &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;es, mais nous sommes encore loin des objectifs fix&eacute;s &agrave; cette occasion (voir Encadr&eacute; 1). La r&eacute;alisation la plus marquante se situe sur le terrain de la coop&eacute;ration internationale. Une dynamique s&rsquo;est instaur&eacute;e sous l&rsquo;&eacute;gide de l&rsquo;OCDE et du Forum mondial sur la transparence. Les chiffres le traduisent : en 3 ans, plus de 700 conventions d&rsquo;&eacute;change d&rsquo;informations ont &eacute;t&eacute; sign&eacute;es. L&rsquo;OCDE a pu analyser plus de 500 d&rsquo;entre elles : 80 % correspondent aux standards de l&rsquo;institution (VOIR Encadr&eacute; 2). Nous souhaiterions obtenir des informations plus pr&eacute;cises. En particulier, nous voudrions savoir le nombre de demandes re&ccedil;ues par les pays, s&rsquo;ils les ont trait&eacute;es et avec quel d&eacute;lai. L&rsquo;OCDE dit avoir engag&eacute; ce travail de revue, mais ne pas &ecirc;tre en mesure de produire de statistiques avant la fin de l&rsquo;ann&eacute;e 2012. Nous jugeons recevable l&rsquo;argument du temps de mise en œuvre, mais cela relativise beaucoup la port&eacute;e des r&eacute;sultats. Avez-vous cependant pu constater une &eacute;volution des pratiques ? Nous n&rsquo;avons pas les moyens de v&eacute;rifier l&rsquo;&eacute;volution des pratiques d&rsquo;&eacute;change d&rsquo;informations. Cependant, lors d&rsquo;une table ronde qui s&rsquo;est tenue r&eacute;cemment, le juge Van Ruymbeke a d&eacute;clar&eacute; qu&rsquo;il rencontrait toujours les m&ecirc;mes difficult&eacute;s &agrave; recevoir des informations, lors de l&rsquo;envoi d&rsquo;une Commission rogatoire. Quels points sont &agrave; mettre &agrave; l&rsquo;actif de la pr&eacute;sidence fran&ccedil;aise du G20 dans le cadre de la lutte contre les paradis fiscaux ? La France a obtenu que l&rsquo;on maintienne le principe de deux listes (l&rsquo;une grise, l&rsquo;autre noire) recensant les juridictions non coop&eacute;ratives. Onze pays (voir Encadr&eacute; 3) figurent toujours sur ces listes. La strat&eacute;gie du &laquo; name and shame &raquo; est un formidable outil de pression contre les r&eacute;calcitrants. La Suisse et le Liechtenstein, les deux pays de la liste grise, font toujours d&eacute;bat. Le G20 a &eacute;galement obtenu que soit mise en place une plate-forme multilat&eacute;rale d&rsquo;&eacute;change d&rsquo;informations fiscales, satisfaisant ainsi &agrave; la demande des pays en d&eacute;veloppement. En effet, du fait de leurs faibles moyens financiers, ces derniers se trouvaient dans l&rsquo;incapacit&eacute; de d&eacute;velopper leurs propres syst&egrave;mes. Que pouvez-vous dire concernant le passif de ce bilan ? En mati&egrave;re d&rsquo;&eacute;change d&rsquo;informations fiscales, le G20 de Londres avait conclu que la recherche d&rsquo;un d&eacute;lit ou d&rsquo;un crime devait primer sur le secret bancaire. Or ce n&rsquo;est toujours pas le cas. Le standard de l&rsquo;OCDE est toujours fond&eacute; sur un syst&egrave;me d&rsquo;&eacute;change d&rsquo;informations ponctuelles qui doivent &ecirc;tre motiv&eacute;es par l&rsquo;&Eacute;tat qui en fait la demande. Il est regrettable &eacute;galement que la question des trusts , fondations ou autres structures opaques, dans lesquels les investisseurs peuvent dissimuler leur identit&eacute;, ne soit m&ecirc;me pas mentionn&eacute;e dans le dernier communiqu&eacute; du G20. Transparence International a formul&eacute; une proposition sur laquelle le Forum mondial est actuellement en train de d&eacute;battre : il s&rsquo;agit, sur le mod&egrave;le du registre du commerce pour les soci&eacute;t&eacute;s, de demander aux &Eacute;tats d&rsquo;&eacute;tablir un registre des trusts et fondations, en r&eacute;pertoriant le nom des g&eacute;rants de ces structures et surtout celui des b&eacute;n&eacute;ficiaires ultimes. On nous oppose la complexit&eacute; du dispositif. Il s&rsquo;av&egrave;re que les banques suisses tiennent d&eacute;j&agrave; un registre d&eacute;taill&eacute; de ces structures. Il para&icirc;t donc tr&egrave;s simple de mettre en place un tel registre en Suisse, que les banques transmettraient au minist&egrave;re de la Justice. Y a-t-il eu des avanc&eacute;es sur le terrain de la lutte contre la fraude fiscale des soci&eacute;t&eacute;s multinationales ? Non, et on peut le regretter lorsque l&rsquo;on sait que le tiers environ des pertes de recettes fiscales &ndash; 100 milliards de dollars par an aux &Eacute;tats-Unis, 30 milliards d&rsquo;euros en Allemagne, 20 milliards d&rsquo;euros en France &ndash; sont imputables aux entreprises. Le communiqu&eacute; du G20 fait r&eacute;f&eacute;rence aux abus constat&eacute;s dans la pratique des prix de transfert et rappelle l&rsquo;objectif d&rsquo;une d&eacute;claration pays par pays des r&eacute;sultats r&eacute;alis&eacute;s et des imp&ocirc;ts pay&eacute;s par les multinationales, mais ces principes ne font l&rsquo;objet &agrave; ce jour d&rsquo;aucune application concr&egrave;te. Pourquoi ce dossier n&rsquo;a-t-il pas &eacute;t&eacute; trait&eacute; ? C&rsquo;est un enjeu important en termes de comp&eacute;titivit&eacute;. Tant que les &Eacute;tats-Unis n&rsquo;auront pas remis en cause l&rsquo;utilisation que font leurs grandes entreprises, en particulier celles du secteur de l&rsquo;&eacute;nergie, des centres offshore , il sera difficile pour les autres pays du G20 d&rsquo;agir dans ce domaine. Le G20 a &eacute;galement fait &eacute;tat des travaux du GAFI [1] . Quel est votre sentiment &agrave; ce sujet ? Nous avons &eacute;t&eacute; tr&egrave;s d&eacute;&ccedil;us par le r&eacute;sultat des travaux du GAFI. Nous regrettons l&rsquo;opacit&eacute; de ses m&eacute;thodes de travail, que nous trouvons dommageable : si la fraude fiscale constitue un d&eacute;lit, le blanchiment d&rsquo;argent est bien plus grave. Si l&rsquo;argent du crime n&rsquo;est pas &eacute;nergiquement pourchass&eacute;, c'est la mondialisation elle-m&ecirc;me qui est discr&eacute;dit&eacute;e. La m&ecirc;me critique pourrait &ecirc;tre formul&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;gard du FSB, &agrave; qui le G20 avait demand&eacute; une liste des pays non coop&eacute;ratifs. Dans ce cas, comme dans celui du GAFI, les m&eacute;thodes d&rsquo;analyse du FSB ne sont pas connues. Faut-il malgr&eacute; tout rester optimiste quant &agrave; l&rsquo;avancement des travaux du G20 dans ce domaine ? Le G20 n&rsquo;a fait &eacute;tat que de quelques avanc&eacute;es modestes, mais je reste confiant quant &agrave; la suite des &eacute;v&eacute;nements. En effet, je consid&egrave;re que nous avons gagn&eacute; la bataille de l&rsquo;opinion publique. Deux sujets ont retenu l&rsquo;attention des m&eacute;dias &agrave; Cannes : la crise europ&eacute;enne et les paradis fiscaux. En 2005-2006, seule une poign&eacute;e d&rsquo;ONG accordait de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t &agrave; ces centres offshore . Crise de la dette oblige, n&eacute;cessit&eacute; va faire loi. Compte tenu de l&rsquo;obligation de r&eacute;duire les d&eacute;ficits, aucun gouvernement ne pourra faire l&rsquo;impasse sur la fraude fiscale. Ce mouvement est appel&eacute; &agrave; se durcir ann&eacute;e apr&egrave;s ann&eacute;e, le fait que certains &eacute;chappent &agrave; l&rsquo;imp&ocirc;t en p&eacute;riode de rigueur budg&eacute;taire &eacute;tant intol&eacute;rable pour l&rsquo;immense majorit&eacute; de nos concitoyens. Sous la pression de la soci&eacute;t&eacute; civile et la contrainte des finances publiques, ce dossier ne pourra pas &ecirc;tre enterr&eacute;. 1 Groupe d'action financi&egrave;re.

RECHERCHEZ UN ARTICLE, UNE CHRONIQUE, PARMI L'ENSEMBLE DES PUBLICATIONS

RECHERCHEZ UN AUTEUR

Archive

Coopération internationale

Paradis fiscaux : un bilan modeste

Ambitieux, les objectifs du G20 de Londres d'avril 2009 sont loin d'avoir été atteints à ce jour. Néanmoins, crise oblige, la lutte contre les paradis fiscaux et la fraude fiscale sont descendues sur la place publique, poussant les politiques à agir.

À retrouver dans la revue

Paiements

Chahuté, Worldline se bouge

Macro-économie

Dette et déficit publics : comment éviter le précipice

Paiements

DeluPay, une appli alternative aux cartes de paiement

Services financiers spécialisés

Le leasing, notre meilleur atout pour une mobilité décarbonée

Archive

Panorama réglementaire des actifs numériques

Archive

Sberbank : une valeur anéantie à zéro en fonds de portefeuille

Archive

La transformation repose sur des directions responsables et des équipes pluridisciplinaires

Suivez-nous