La « transformation de Casablanca en hub financier international […] requiert […] la consolidation des règles de bonne gouvernance, la mise en place d'un cadre juridique approprié, la formation de ressources humaines hautement qualifiées et l'adoption de techniques et de méthodes de gestion
Dans une certaine mesure, avec la réforme de l’Instruction générale des opérations des changes (IGOC), l’Office des changes (OC) a pris les choses en main. Cette réforme de l’IGOC confirme la transformation entreprise par l’OC depuis 2010, sous la direction de Jaouad Hamri, et poursuivie par son successeur, Hassan Boulaknadal : Autorité de contrôle, certes, l’OC est aussi accompagnateur des investisseurs étrangers et marocains, et promoteur du Maroc en tant que Place commerciale et financière incontournable pour qui s’intéresse à l’Afrique.
Des mesures de libéralisation…
Pour rappel, l’IGOC est le texte qui consolide l’ensemble des circulaires de l’OC depuis 2011 et régit les opérations économiques entre le Maroc et l’étranger.
Parmi les mesures dites « de libéralisation » nées de cette réforme, citons :
- le droit pour les exportateurs marocains d’ouvrir des comptes à l’étranger ;
- la libéralisation de la rémunération versée par les filiales marocaines à leur maison mère étrangère, au titre de la mise à disposition de personnel étranger ;
- le droit pour l’emprunteur de rembourser par anticipation son prêt contracté à l’étranger ;
- le droit pour les opérateurs marocains d’emprunter à l’étranger pour financer des investissements à l’étranger.
- le transfert des recettes de chancelleries des représentations diplomatiques ;
- le transfert du produit des recettes en dirhams des organisations internationales, des dons à leur profit et des subventions d’organismes publics en faveur de ces dernières siégeant au Maroc ou qui y sont représentées.
- Mais c’est surtout en matière financière que cette réforme est remarquable.
…notamment en matière financière
La compensation des créances résultant de contrats financiers à terme est autorisée. L’interdiction de compensation était, à bien des égards, une anomalie : on pouvait tout d’abord douter de sa légalité, dans la mesure où, procédant d’obligations civiles ou commerciales, il revient, selon la Constitution du Royaume, au législateur d’en établir le régime ; ensuite, la compensation est le mode usuel d’extinction de dettes découlant de contrats financiers à terme. La compensation est même l’un des deux objets essentiels des conventions cadres de Place, dont la conclusion est préconisée par l’OC lui-même ; interdire la compensation apparaissait donc comme un paradoxe. L’autoriser permettra aux banques de limiter leur risque de contrepartie et de réduire ainsi la prime de risque supportée par les opérateurs marocains.
Les entreprises peuvent couvrir leurs stocks. Le droit de souscrire une couverture est élargi au risque de dépréciation des stocks, ce qui constitue une avancée majeure susceptible d’éviter des affaires ayant récemment défrayé la chronique, telle que celle de la
Le droit de couvrir tout type de risque. La conclusion d’une opération de couverture n’est plus, s’agissant des banques, compagnies d’assurances, OPCVM,
L’élargissement des placements à l’étranger pour les institutions financières marocaines. Il s’agit là d’une nouvelle disposition audacieuse de nature à favoriser la diversification des portefeuilles de certains investisseurs institutionnels marocains. Les banques, entreprises d’assurances, OPCVM, OPCC et FPCT pourront souscrire, à l’étranger, tout instrument ou contrat financier sous réserve de leur licéité au regard de la loi étrangère qui leur est applicable. Par conséquent, ces institutions pourront souscrire un contrat financier à terme (swaps de performance, total return swaps, etc.) dont l’objet ne sera pas de les couvrir contre un risque, mais de leur servir la performance d’un actif ou d’un indice sous-jacent.
Quel est le sort réservé aux entités CFC ?
Le vœu que l’on exprime en ce début d’année est de voir les entités
Une invitation à faire évoluer le droit
Ces avancées, pour ambitieuses qu’elles soient, anéantissent-elles tous les obstacles que le Royaume doit franchir pour accomplir son ambition de devenir une Place financière internationale, ou à tout le moins régionale ? Certainement pas :
- le fait que la compensation soit désormais autorisée par l’OC n’évacue pas le doute sur sa validité en cas de faillite de l’opérateur marocain ; certes, par un arrêt du 16 janvier 1968, la Cour Suprême a reconnu la validité de la compensation dans une telle situation entre créances connexes, ce que sont les créances résultant de contrats financiers régis par une convention cadre ; mais le Maroc ne peut se satisfaire d’un arrêt isolé pour assurer la sécurité juridique d’opérations financières dont la libre et valable conclusion est nécessaire pour accomplir son ambition ;
- le fait que l’OC ait autorisé, dans le passé, et élargisse aujourd’hui l’utilisation des contrats financiers à terme ne dispense pas le législateur de concevoir un cadre régissant ces instruments. Aujourd’hui, le doute est permis quant à la validité de certaines options au regard de l’article 1092 du Dahir des obligations et des contrats (« DOC ») et de celle de certains contrats à termes, au regard de l’article 1096 du DOC ; ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la loi 42-12, ayant pour objet de créer et régir un marché à terme réglementé, écarte expressément ces deux dispositions ; une telle exception à ces deux articles du DOC s’impose avec plus d’urgence encore s’agissant des contrats financiers à terme conclus de gré à gré ;
- le fait que les entités CFC échappent à la réglementation des changes – ce qui est une bonne nouvelle, qui reste cependant à confirmer sur le principe et les modalités – ne dissipe aucunement le sentiment confus que peut engendrer la cohabitation de la loi 58-90 sur la Place financière offshore de Tanger et la loi 44-10 sur CFC et ne contribue pas à donner du Royaume l’image d’une Place financière unitaire.