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Intégration de MREL & TLAC : le point de vue de Mark Venus, head of RRP, Institutional Affairs, BNP Paribas

Créé le

13.02.2017

-

Mis à jour le

04.12.2017

La proposition législative de la Commission européenne, en ce qui concerne l’intégration de la TLAC et du MREL contient plusieurs avancées significatives et positives. Parmi ces avancées, on peut citer :

  • le passage à une assiette exprimée en actifs moyens pondérés ;
  • la décomposition des exigences de MREL en « requirement » et « guidance » ;
  • le positionnement des coussins réglementaires (conservation, G-SIIs, risque systémique et contracyclique) entre « requirement » et « guidance » ;
  • la nécessité d’une concertation entre banque et autorité de résolution sur tout supplément de MREL.
On peut aussi saluer l’approche prudente du SRB qui procède par étapes et entame un dialogue avec les banques en attente des textes définitifs.

Au-delà de ces améliorations incontestables, deux éléments permettraient de parfaire le tableau et d’aboutir à une situation compatible avec les réalités de marché.

Pour les G-SIIs européens, MREL et TLAC doivent être identiques.

Le groupe de travail FSB, qui incluait bien évidemment les superviseurs européens, a conduit ses travaux sur une assez longue période et, s’agissant de la calibration de l’exigence, s’est appuyé sur des analyses historiques de pertes bancaires en période de crise. Le FSB a conclu que les niveaux de 16 % (2019) et 18 % (2022), (auxquels s’ajoutent les coussins réglementaires) étaient appropriés pour les G-SII’s. Il n’y a donc pas de raison de « surtransposer » la TLAC ; il a été calibré pour les G-SIIs, et rien ne permet de soutenir que l’ensemble des G-SIIs européens devraient remplir des exigences supérieures. Si les autorités européennes décelaient des besoins particuliers chez certains G-SIIs, le nouveau concept de « MREL guidance » leur permettrait de gérer ces besoins.

Cette équivalence entre TLAC et MREL devra se traduire par des exigences en volume (16 %, 18 %) et en éligibilité (conditions de subordination, et préservation de « l’allocation MREL ») conformes au Term Sheet TLAC publié par le FSB.

Une telle architecture permettra de sauvegarder les conditions de concurrence des G-SIIs européens face à leurs confrères de juridictions non-UE. Une partie importante de ce chemin vers le « level playing field » a déjà été parcourue, et une stricte équivalence entre TLAC et MREL, pour les G-SIIs, est donc à portée de main.

Le MDA ne doit pas être activé en cas de non-respect du MREL.

Dans les propositions de la Commission européenne, l’utilisation des coussins réglementaires pour combler un manque de MREL, du fait d’une difficulté à émettre ou renouveler la dette éligible au MREL, conduit à la mise en œuvre de restrictions de distributions en vertu du mécanisme « MDA ». Les propositions de la Commission limitent quelque peu son application, en prévoyant en certaines circonstances un « délai de grâce » de 6 mois.

Mais cette disposition ne tient pas compte d’une différence fondamentale entre capital et dette, qui est que la dette a une échéance, à laquelle elle doit être remboursée. Le capital ne peut « disparaître » du bilan que par l’émergence de pertes, alors que la dette peut rencontrer des difficultés d’émission ou de renouvellement pour des raisons indépendantes de la performance économique de la banque, ou des banques en général. Un tel épisode s’est produit au premier trimestre 2016 en raison d’une incompréhension des règles de calcul du MDA.

Autant on peut comprendre que la limitation des distributions serve utilement à reconstituer le capital en cas de pertes, autant il faut admettre que la limitation des distributions apparaît parfaitement inadaptée dans le cas d’une banque qui a justement besoin d’émettre davantage de passifs méritant rémunération.

Dans le cas de banques cotées, des restrictions MDA, qu’elles soient immédiates ou à un horizon de 6 mois, peuvent se transformer en « baiser de la mort », précipitant par leur annonce obligatoire la crise de confiance qu’elles étaient censées éviter.

Il est donc essentiel que les autorités conservent une liberté d’action face à une banque qui ne respecterait pas son exigence de MREL, tout en continuant de respecter ses exigences en capital. Ceci ne veut nullement dire qu’un non-respect du MREL serait considéré comme anodin et non sanctionnable. Les autorités, que ce soit celles de supervision ou de résolution, disposent déjà de pouvoirs étendus d’intervention précoce et/ou de levée d’obstacles à la résolvabilité, qui pourraient être invoqués en fonction des circonstances. Ces pouvoirs incluent par ailleurs le pouvoir de limiter les distributions. Le même effet économique qu’une restriction de MDA peut ainsi être atteint. Mais l’absence de lien d’automaticité, immédiat ou à terme, entre limitation des distributions et non-respect du MREL donnerait aussi bien aux banques qu’aux autorités la capacité de gérer une situation de crise de manière appropriée.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº806