Harmoniser… mais pas à tout prix

Le secteur financier mondial est globalement assaini apr&egrave;s la crise de 2007 des cr&eacute;dits&middot; subprime . Les chiffres de l&rsquo;endettement du secteur financier mondial l&rsquo;attestent : l&rsquo;endettement total est pass&eacute; de 115 % du PIB en 2008 &agrave; 92 % aujourd&rsquo;hui. Pour autant, des zones de vuln&eacute;rabilit&eacute; persistent dans certains pays comme la Gr&egrave;ce ou l&rsquo;Italie pour ne citer que les plus embl&eacute;matiques. Comment &eacute;viter une nouvelle crise ? Telle est toujours la pr&eacute;occupation des r&eacute;gulateurs qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de la Banque des R&egrave;glements Internationaux (BRI) &agrave; travers le Comit&eacute; de B&acirc;le, de la BCE, de l&rsquo;Autorit&eacute; bancaire europ&eacute;enne (EBA) ou du Conseil de stabilit&eacute; financi&egrave;re (FSB). La r&eacute;forme de B&acirc;le III s&rsquo;inscrit dans cette approche en mettant en place des exigences de liquidit&eacute; (ratios de liquidit&eacute; &agrave; court terme et &agrave; long terme) et de renforcement des fonds propres (ratio de solvabilit&eacute; Common Equity Tier One ) et une ma&icirc;trise des actifs pond&eacute;r&eacute;s (ratio de levier). L&rsquo;ensemble des banques assujetties &agrave; B&acirc;le III dans son int&eacute;gralit&eacute; (l&rsquo;Europe continentale [1] , le Japon, le Canada, l&rsquo;Australie pour r&eacute;sumer) se sont mises en conformit&eacute; pour respecter ces normes prudentielles au prix d&rsquo;efforts consid&eacute;rables, tout en all&eacute;geant leur bilan ( deleveraging ) et en sortant des activit&eacute;s &agrave; risque. &Agrave; titre d&rsquo;exemple, les banques fran&ccedil;aises ont toutes publi&eacute;, lors de leurs r&eacute;sultats annuels 2015, des ratios de solvabilit&eacute; Common Equity Tier One proches de 11 %. En revanche, la FED n&rsquo;a cess&eacute; de retarder l&rsquo;adoption de B&acirc;le III et se limite &agrave; ses dispositions sur la solvabilit&eacute; comme le ratio Common Equity Tier One et le ratio de levier. Elle exclut pour l&rsquo;instant tout ratio de liquidit&eacute; &agrave; long terme. Une harmonisation bienvenue Les deux axes en cours de la r&eacute;gulation du Comit&eacute; de B&acirc;le portent sur l&rsquo;harmonisation du risque de cr&eacute;dit et un contr&ocirc;le accru du risque de march&eacute;. D&rsquo;une fa&ccedil;on g&eacute;n&eacute;rale, ces r&eacute;formes appellent plusieurs constats de la part de l&rsquo;analyste financier. Tout d&rsquo;abord, &eacute;voquons les facteurs positifs pour le secteur bancaire. En premier lieu, la liquidit&eacute; et le capital ne sont plus un probl&egrave;me. Les actions des banques pour maintenir leurs fonds propres ont permis d&rsquo;assurer un meilleur &eacute;quilibre entre l&rsquo;actif d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; (les cr&eacute;dits) et de l&rsquo;autre le passif (les d&eacute;p&ocirc;ts). Le ratio cr&eacute;dits/d&eacute;p&ocirc;ts baisse pour se rapprocher de 100 % (donn&eacute;es EBA). Le retour &agrave; une titrisation simple et standardis&eacute;e est un facteur de stabilit&eacute; du syst&egrave;me financier en offrant une plus grande transparence aux investisseurs. La convergence de la mesure du risque de cr&eacute;dit se traduit par une tentative d&rsquo;harmonisation des actifs pond&eacute;r&eacute;s ou Risk-Weighted Assets (RWA) avec un mod&egrave;le unifi&eacute; de pond&eacute;ration des risques de cr&eacute;dit des banques, des entreprises et des pr&ecirc;ts immobiliers (la pond&eacute;ration du risque souverain en est pour l&rsquo;instant exclue). Pouvoir comparer le risque de cr&eacute;dit &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle europ&eacute;enne serait un vrai atout pour l&rsquo;analyste puisqu&rsquo;il contribue pour l&rsquo;essentiel &agrave; la variabilit&eacute; des actifs pond&eacute;r&eacute;s. Par ailleurs, la distinction plus nette entre le portefeuille de cr&eacute;dit et le portefeuille de n&eacute;gociation contribue &agrave; r&eacute;duire les activit&eacute;s de trading et, partant, l&rsquo;exposition des banques aux activit&eacute;s &agrave; risque. Un ratio de levier : une interpr&eacute;tation contestable Pour autant, les critiques soulev&eacute;es sont nombreuses. La g&eacute;n&eacute;ralisation actuelle du ratio de levier (capital rapport&eacute; aux engagements au bilan et quelques &eacute;l&eacute;ments du hors-bilan) pr&eacute;vu par B&acirc;le III aboutit &agrave; sortir les risques des bilans bancaires et &agrave; les transf&eacute;rer vers les investisseurs en diss&eacute;minant le risque. En effet, la tentation est grande pour les &eacute;tablissements financiers de recourir &agrave; la titrisation pour r&eacute;duire la taille de leur bilan. Ce mod&egrave;le &laquo; originate to distribute &raquo; renforce la d&eacute;sinterm&eacute;diation, ce qui pose le probl&egrave;me de la relation de cr&eacute;dit. Surtout, il accro&icirc;t les transferts de dettes et peut donc inciter &agrave; augmenter le niveau de l&rsquo;endettement global. Enfin, ce mod&egrave;le de financement d&eacute;place le risque vers des acteurs non r&eacute;gul&eacute;s et contribue indirectement &agrave; l&rsquo;essor du shadow banking . Tous les ingr&eacute;dients d&rsquo;une nouvelle crise financi&egrave;re ne sont pas &eacute;radiqu&eacute;s, loin s&rsquo;en faut. D&rsquo;autre part, l&rsquo;approche du ratio de levier est une approche r&eacute;ductrice (bilan non pond&eacute;r&eacute; du risque de cr&eacute;dit) contrairement &agrave; celle des actifs pond&eacute;r&eacute;s qui par d&eacute;finition calibre le risque selon sa nature. Elle concourt aussi un syst&egrave;me &agrave; deux vitesses : les engagements ne se calculent pas de mani&egrave;re homog&egrave;ne en Europe et aux &Eacute;tats-Unis pour des raisons de m&eacute;thodologie comptable (recours sup&eacute;rieur &agrave; des op&eacute;rations de compensation de produits d&eacute;riv&eacute;s) aboutissant &agrave; des &eacute;carts de 1 &agrave; 2 entre les ratios de levier. L&rsquo;utilisation du ratio de levier peut paradoxalement conduire &agrave; conclure que le syst&egrave;me bancaire europ&eacute;en est sous-capitalis&eacute; compar&eacute; &agrave; celui des &Eacute;tats-Unis, alors que tel n&rsquo;est pas le cas. Le poids des mod&egrave;les internes r&eacute;duit D&rsquo;une fa&ccedil;on plus globale, le calcul du risque est remis en cause par le Comit&eacute; de B&acirc;le. En effet, les mod&egrave;les d&rsquo;&eacute;valuation du risque sont compl&egrave;tement revus. Les mod&egrave;les dits &laquo; standard &raquo; tendent &agrave; s&rsquo;imposer au d&eacute;triment des mod&egrave;les internes. L&rsquo;approche &laquo; standard &raquo; est certes plus transparente, mais n&rsquo;est pas toujours adapt&eacute;e &agrave; chaque banque qui a besoin de conserver sa marge de manœuvre d&rsquo;appr&eacute;ciation du risque. De surcro&icirc;t, les mod&egrave;les internes des banques, pour imparfaits qu&rsquo;ils soient, sont finalement relativement conservateurs et homog&egrave;nes par pays. C&rsquo;est notamment le cas dans le calcul de la pond&eacute;ration du cr&eacute;dit aux entreprises des banques fran&ccedil;aises selon des &eacute;tudes men&eacute;es par l&rsquo;Autorit&eacute; de contr&ocirc;le prudentiel et de r&eacute;solution (ACPR) en 2015 [2] . Les banques, depuis la mise en place de B&acirc;le II, ma&icirc;trisent mieux leurs outils. Le risque op&eacute;rationnel est aussi revu pour &ecirc;tre compl&egrave;tement standardis&eacute;. Or ce risque, qui recouvre les d&eacute;faillances de personnel aussi bien que les fraudes ou les perturbations informatiques, doit &ecirc;tre diff&eacute;renci&eacute; selon les activit&eacute;s banque par banque. L&rsquo;indicateur n&rsquo;est plus li&eacute; au PNB, jug&eacute; trop cyclique, mais le cadre global n&rsquo;est pas encore stabilis&eacute;. Dans la banque de financement et d&rsquo;investissement, le mod&egrave;le d&rsquo;&eacute;valuation des risques est s&eacute;rieusement remis en question. La revue du risque de march&eacute; selon un mod&egrave;le standard &ndash; Expected Shortfall au d&eacute;triment de la VaR &ndash; pourrait aboutir &agrave; un rench&eacute;rissement des exigences en fonds propres de 40 % allou&eacute;s selon les estimations du Comit&eacute; de B&acirc;le. D&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave;, les banques sont sorties des activit&eacute;s &agrave; risque comme certains d&eacute;riv&eacute;s complexes. Elles privil&eacute;gient &agrave; titre d&rsquo;exemple les activit&eacute;s de fusions-acquisitions moins consommatrices de fonds propres. De tels arbitrages r&eacute;duisent la part de la banque de march&eacute; &agrave; une portion congrue. Des exigences qui se cumulent Les dispositions en cours de consultation du Comit&eacute; de B&acirc;le marquent les limites en termes d&rsquo;exigence du capital. Si l&rsquo;on ajoute le ratio Total Loss Absorbing Capacity (TLAC) &eacute;labor&eacute; par le Conseil de stabilit&eacute; financi&egrave;re &ndash; qui impose aux banques une quantit&eacute; minimale de passifs destin&eacute;s &agrave; absorber les pertes en cas de r&eacute;solution entre 16 et 20 % des risques pond&eacute;r&eacute;s &ndash; l&rsquo;accumulation des fonds propres devient une fin en soi. Dans un tel contexte de priorit&eacute; donn&eacute;e &agrave; la solvabilit&eacute;, comment financer l&rsquo;&eacute;conomie ? Le risque est grand d&rsquo;une restriction de cr&eacute;dit par les banques europ&eacute;ennes qui compromette la sortie de crise. Enfin, toutes les banques ne sont pas soumises &agrave; B&acirc;le III. Les &Eacute;tats-Unis refusent toujours l&rsquo;application de B&acirc;le II et certaines dispositions de B&acirc;le III &ndash; en dehors des mesures de solvabilit&eacute; &ndash; et de nombreux pays &eacute;mergents &ndash; &agrave; l&rsquo;exception de l&rsquo;Inde, de la Chine et du Br&eacute;sil en cours de mise en conformit&eacute; &ndash; n&rsquo;appliquent pas de contraintes prudentielles. Il y a par cons&eacute;quent une r&eacute;elle distorsion de concurrence entre banques &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle mondiale alors que les besoins de financement sont immenses. 1 L&rsquo;Union europ&eacute;enne a adopt&eacute; &agrave; cet effet la Directive CRD 4, entr&eacute;e en vigueur en janvier 2014. Le Royaume-Uni a obtenu des marges de manœuvre sp&eacute;cifiques, en particulier en termes de ratios de solvabilit&eacute;. 2 &Eacute;tude ACPR, &laquo; Comment les pond&eacute;rations de risque diff&egrave;rent-elles parmi les banques ? &Eacute;tude compar&eacute;e sur les portefeuilles entreprises des banques fran&ccedil;aises &raquo;, mars 2015.

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