« La Grèce n’est pas un sujet majeur »

Quels seront les enjeux essentiels de l'ann&eacute;e 2013 ? L'ann&eacute;e 2013 pourrait &ecirc;tre celle de la reprise de l'&eacute;conomie mondiale, mais il est tr&egrave;s difficile de l'affirmer. Si certains indicateurs incitent &agrave; l'optimisme, ils demeurent peu nombreux. Pour l'instant, toutes les zones de la plan&egrave;te connaissent une p&eacute;riode morose : les &Eacute;tats-Unis fonctionnent au ralenti ; l'Europe est m&ecirc;me en r&eacute;cession ; le Japon doit affronter la crise provoqu&eacute;e par Fukushima, alors qu'il conna&icirc;t des difficult&eacute;s depuis 20 ans ; la croissance des BRICS est molle et ces pays ne sont pas capables de jouer le r&ocirc;le de locomotive. Si la reprise arrive en 2013, elle viendra des &Eacute;tats-Unis. Et certains signes sont encourageants : la crise immobili&egrave;re touche &agrave; sa fin, or ce secteur constitue la cl&eacute; de la reprise, de m&ecirc;me qu'il a &eacute;t&eacute; le d&eacute;clencheur de la crise. Que peut faire la sph&egrave;re politique pour favoriser la reprise ? Elle doit &eacute;viter les parasites qui g&ecirc;neraient le retour de la croissance. Par exemple, si elle est appliqu&eacute;e trop rapidement, la r&eacute;gulation bancaire imagin&eacute;e au d&eacute;but de la crise aura sur l'&eacute;conomie l'effet d'une s&eacute;ance d'a&eacute;robic sur un homme qui vient de subir une crise cardiaque. Notre &eacute;conomie ayant fr&ocirc;l&eacute; le cataclysme, il semble pr&eacute;matur&eacute; d'appliquer aux banques des r&egrave;gles tr&egrave;s contraignantes comme celles de B&acirc;le III. Nous ne vivons pas actuellement une phase de bulle bancaire, sauf en Chine. Et dans ce pays, le probl&egrave;me est g&eacute;r&eacute; correctement, de fa&ccedil;on centralis&eacute;e. En Europe et aux &Eacute;tats-Unis, les banques m&eacute;ritent d'&ecirc;tre trait&eacute;es avec prudence. Leur rentabilit&eacute; est devenue tr&egrave;s faible. Le cas de l'Europe est particuli&egrave;rement sensible puisque ces &eacute;tablissements y assurent les deux tiers des financements. Pourtant, B&acirc;le III g&ecirc;ne les banques dans leur r&ocirc;le de financeur de l'&eacute;conomie, tout comme le rapport Liikanen les handicaperait s'il &eacute;tait mis en œuvre. Quant &agrave; Solvabilit&eacute; 2, cette directive emp&ecirc;che les assureurs d'investir dans des classes d'actifs essentielles &agrave; l'&eacute;conomie. Au total, la r&eacute;glementation est tr&egrave;s excessive, &agrave; l'heure o&ugrave; la mod&eacute;ration devrait s'imposer. Je salue tout de m&ecirc;me la prudence dont le gouvernement fran&ccedil;ais semble faire preuve sur le sujet de la s&eacute;paration des activit&eacute;s sp&eacute;culatives dans la loi bancaire. Mais certains espoirs sont permis puisque Solvabilit&eacute; 2 est encore susceptible d'&eacute;voluer ; de plus, apr&egrave;s le report de B&acirc;le III sine die par les &Eacute;tats-Unis, l'Europe va peut-&ecirc;tre elle aussi prendre une certaine distance avec cette r&eacute;glementation&hellip; Il est tr&egrave;s difficile d'anticiper ce qui va se passer dans le domaine r&eacute;glementaire : la dimension politique est importante et il s'agit de montrer &agrave; la population qu'une museli&egrave;re est impos&eacute;e aux banques. Or la reprise &eacute;conomique peut &ecirc;tre bris&eacute;e par une maladresse r&eacute;glementaire. Il est donc tr&egrave;s difficile de dire si nous sommes en train d'amorcer un cycle de reprise. Je donnerai un exemple de signal inqui&eacute;tant : aujourd'hui, le Return on Equity de la banque d'investissement est plus faible que celui de la Banque priv&eacute;e qui pr&eacute;sente beaucoup moins de risque. Mais la Banque d'investissement est n&eacute;cessaire &agrave; l'&eacute;conomie, surtout en Europe o&ugrave; le financement par les march&eacute;s n'est pas aussi mature qu'aux &Eacute;tats-Unis. Parmi vos motifs d'inqui&eacute;tude, quelle place l'&eacute;tat des finances publiques occupe-t-il ? C'est une pr&eacute;occupation majeure. L'intensit&eacute; du probl&egrave;me est identique des deux c&ocirc;t&eacute;s de l'Atlantique. Les situations de blocage que nous connaissons dans la zone euro &agrave; 17 ont leur &eacute;quivalent aux &Eacute;tats-Unis, avec la menace de &laquo; fiscal cliff [1] &raquo; g&eacute;n&eacute;r&eacute;e par le clivage entre Obama et la Chambre des repr&eacute;sentants. Pourtant l'Europe semble davantage montr&eacute;e du doigt, par le FMI par exemple. Elle serait la principale menace pour l'&eacute;conomie mondiale&hellip; L'Europe est sur la sellette, car si la zone euro &eacute;clatait &ndash; sc&eacute;nario r&eacute;guli&egrave;rement &eacute;voqu&eacute; &ndash;, un cataclysme plan&eacute;taire s'ensuivrait. M&ecirc;me si seule la Gr&egrave;ce quittait l'euro ? La Gr&egrave;ce n'est pas un sujet majeur. Elle constitue un laboratoire pour la maladie de l'euro &ndash; avoir une monnaie unique sans budget unique. Mais la faillite de la Gr&egrave;ce d'une part et son &eacute;ventuelle sortie de l'euro d'autre part sont deux sujets distincts. C'est une erreur de penser que le retour &agrave; la drachme sauverait la Gr&egrave;ce. Il aurait certes l'effet d'une d&eacute;valuation, mais celle-ci ne pr&eacute;senterait aucun int&eacute;r&ecirc;t car ce pays importe beaucoup plus qu'il n'exporte et ses importations sont in&eacute;vitables, &laquo; in&eacute;lastiques au prix &raquo; disent les &eacute;conomistes. Baisser le prix des olives ou des s&eacute;jours dans l'&icirc;le de Mykonos, qui ne peut gu&egrave;re recevoir davantage de touristes, ne procurera aucun bienfait &agrave; la Gr&egrave;ce. De plus, elle ne pourrait sans doute pas du tout rembourser sa dette en drachme. M&ecirc;me sans sortir de l'euro, la Gr&egrave;ce est d'ores et d&eacute;j&agrave; dans une situation de d&eacute;faut, tout comme la Californie, dont personne n'imagine pourtant qu'elle va abandonner le dollar ! Si la Gr&egrave;ce se maintient dans la zone euro, comment voyez-vous l'avenir ? La restructuration de sa dette est &eacute;tal&eacute;e dans le temps, ce qui est pr&eacute;f&eacute;rable pour les cr&eacute;anciers et pour maintenir une pression sur le pays. Il ne faut pas s'impatienter. La lev&eacute;e de l'imp&ocirc;t pose des difficult&eacute;s depuis longtemps dans ce pays ; pour le remettre sur la bonne voie, cela prend du temps et il faut l'admettre. Aller trop vite risque de d&eacute;truire le corps social grec. En attendant que ce pays se redresse, les autres doivent faire preuve de solidarit&eacute; financi&egrave;re. C'est difficile &agrave; admettre, mais il n'y a pas d'autre solution. Le sujet de l'Italie &eacute;tait bien plus pr&eacute;occupant, quand elle empruntait &agrave; 7 % sur les march&eacute;s. Mais l'action de Mario Monti est remarquable, la population accepte les efforts et la derni&egrave;re &eacute;mission s'est vendue &agrave; 4,45 %. Quant &agrave; l'Espagne, elle est plus loin du compte mais sur la bonne voie. Si l'on ajoute &agrave; cela l' OMT [2] de la BCE, on obtient une p&eacute;riode de r&eacute;pit dont il ne faut pas profiter pour s'endormir. Et le vrai probl&egrave;me en Europe, c'est la France. Vous voulez dire que la survie de l'euro d&eacute;pend de la France ? En effet, la survie de l'euro d&eacute;pend de la France et de la convergence franco-allemande. L'Hexagone ne peut pas convaincre les march&eacute;s en matraquant fiscalement ses contribuables pour tenter de r&eacute;duire le d&eacute;ficit public. La th&eacute;orie &eacute;conomique montre qu'au-del&agrave; d'un certain niveau de taxation, les comportements s'adaptent et la base taxable diminue. La France est dans cette situation de rendement fortement d&eacute;croissant de l'imp&ocirc;t. Quant &agrave; la baisse du d&eacute;ficit budg&eacute;taire, quand elle s'op&egrave;re de concert dans tous les autres pays d'une m&ecirc;me zone, l'effet r&eacute;cessif est garanti. Pour le gouvernement, la priorit&eacute; doit &ecirc;tre de prolonger le r&eacute;pit que les march&eacute;s offrent &agrave; la France. Pour cela, il doit permettre aux entreprises de retrouver leur comp&eacute;titivit&eacute;. Le Pacte de comp&eacute;titivit&eacute; n'est-il pas suffisant ? C'est une bonne initiative, mais le Pacte de comp&eacute;titivit&eacute; se contente de rendre aux entreprises ce qui leur a &eacute;t&eacute; pris l'an dernier. En 2012, 30 milliards d'imp&ocirc;ts et taxes suppl&eacute;mentaires ont &eacute;t&eacute; pr&eacute;lev&eacute;s par l'actuelle et l'ancienne majorit&eacute;. Avec le pacte de comp&eacute;titivit&eacute;, 20 milliards leur seront rendus sur trois ans. Comme cette somme s'entend avant imp&ocirc;t, elle &eacute;quivaut &agrave; 30 milliards apr&egrave;s imp&ocirc;ts. C'est une bonne mesure, mais il faut aller plus loin. La marge des entreprises est au plus bas depuis 30 ans. Elles ont beaucoup souffert de l'instauration des 35 heures, qui s'est traduite par une augmentation de 11,5 % des co&ucirc;ts salariaux. Aujourd'hui, le choc de non-comp&eacute;titivit&eacute; des 35 heures demeure. La France doit attirer les investisseurs et donc leur faire miroiter des marges int&eacute;ressantes. Si le vent de la croissance se l&egrave;ve fin 2013, comme certains le pensent, les voiles des entreprises doivent &ecirc;tre tendues, c'est-&agrave;-dire comp&eacute;titives. Sinon, le bateau de l'&eacute;conomie fran&ccedil;aise restera sur place. Pour ces raisons, il me semble que la comp&eacute;titivit&eacute; est la premi&egrave;re priorit&eacute; au regard du jugement des march&eacute;s, avant m&ecirc;me la ma&icirc;trise des d&eacute;penses publiques. 1 En fran&ccedil;ais, &laquo; falaise budg&eacute;taire &raquo;. Cette image est utilis&eacute;e pour d&eacute;crire l&rsquo;ampleur des efforts &agrave; fournir si le gigantesque endettement am&eacute;ricain devait &ecirc;tre r&eacute;duit brutalement. R&eacute;guli&egrave;rement, le pr&eacute;sident des &Eacute;tats-Unis doit obtenir une augmentation du plafond d&rsquo;endettement autoris&eacute;. La t&acirc;che est ardue pour le pr&eacute;sident Obama, car la Chambre des repr&eacute;sentants est &agrave; majorit&eacute; r&eacute;publicaine. 2 Programme &laquo; Outright Monetary Transactions &raquo;.

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