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Droit & Croissance : 3 questions à ... Sophie Vermeille, directrice

Créé le

20.06.2013

-

Mis à jour le

26.06.2013

Quel est l’objet du think tank Droit & Croissance ?

Droit & Croissance a deux objets : essayer d’améliorer la norme au service du financement de l’économie, faire en sorte qu’elle soit plus efficace d’un point de vue économique ; attirer l’attention des Pouvoirs publics sur le fait que la multiplication des réformes portant sur les mêmes textes de loi s’explique avant tout par un problème au niveau de la conception initiale des lois et spécifiquement au niveau de la recherche prospective. L’Europe et particulièrement la France se distinguent par la faiblesse de la recherche universitaire en économie du droit. Il manque un socle intellectuel indépendant, servant d’aide à la prise de décision des pouvoirs publics.

Qu’est-ce que l’économie du droit ?

L’économie du droit consiste à analyser, à l'aide des outils de l’économie, la production et les conditions d'efficacité des règles de droit. L’efficacité économique se mesure à travers d’analyses coût/bénéfice de la  règle : la loi doit être conçue de manière à ce que son bénéfice total pour la collectivité soit supérieur au coût que peuvent supporter certaines parties.

Certes, toute loi ne peut être considérée à l’aune de sa seule efficacité économique. On pourrait sinon aboutir à des résultats choquants : par exemple, en raisonnant uniquement en termes d’efficacité économique, on accepterait l’idée qu'une entreprise ayant les moyens d’indemniser dans des propositions suffisantes pour réparer le préjudice causé puisse sciemment polluer l'environnement, alors qu’elle pourrait aisément procéder différemment. Il faut parfois intégrer des considérations d’ordre éthique et moral.

Le problème français est que ceux qui conçoivent les lois ne mènent pas de réflexion en termes d’efficacité. En conséquence, dans de nombreux domaines, les lois ont des effets pervers. Malheureusement, lorsqu’il convient de corriger les problèmes, au lieu de les traiter à la source, le législateur préfère, par méconnaissance du problème, ou simplement par paresse, voter des « rustines » qui créent elles-mêmes leurs propres effets induits. D’où ce phénomène d’empilement des textes conduisant à une complexité croissante de notre système juridique. Cette situation crée un sentiment d’insécurité juridique pour les investisseurs et les différents acteurs du monde économique.

Le droit des procédures collectives est un exemple très significatif de ce biais : il se fixe comme objectif principal la préservation de l’emploi et ne se préoccupe pas des conséquences nocives issues de l’immixtion excessive de la loi dans les rapports entre les différentes parties en présence (dirigeant du débiteur, actionnaires et créanciers). Or on a pu observer que l’immixtion de la loi peut, au contraire, entraîner davantage de destructions d’emploi. Nos économistes préconisent au contraire de fixer au départ un objectif de maximisation de la valeur des actifs de l’entreprise, qui profitera globalement à tout le monde (salariés compris). L’effet intrusif de la loi dans les rapports contractuels est alors beaucoup plus mesuré.

Quels sont vos autres sujets d’étude ?

Nous avons par exemple un projet concernant le venture capital : en effet, notre droit des sociétés est le même pour les start-up et les sociétés cotées. Nous remettons en cause la pertinence de certaines de ses dispositions qui protègent de manière générale l’actionnaire existant. Or, dans une opération de venture capital, et contrairement à une opération de marché, rien ne justifie que le législateur favorise plus l’actionnaire existant que les nouveaux investisseurs. Si personne ne s’interroge de manière générale sur la pertinence du maintien de telle ou telle loi, il n’est pas surprenant que nos codes grossissent.

Mais nous avançons doucement, car la communauté juridique n’est pas encore habituée à cette double approche juridique et économique. Contrairement à ce que l'on constate aux États-Unis ou enIsraël, la discipline d’économie du droit est encore peu répandue en France.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº762