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Dette souveraine : les agences de notation, boucs émissaires ?

Créé le

22.11.2011

-

Mis à jour le

30.11.2011

> Rétrospective 2011 : accéder au dossier

 

L’annonce de la dégradation de la note de l’Italie, en octobre 2006, avait résonné aux oreilles de nombre d’observateurs comme un premier coup de semonce.

Cette annonce provoqua quelques remous en France où Thierry Breton, alors ministre de l'Économie, avait déjà sonné l’alerte : « Pour la première fois, en 2006, l’impôt sur le revenu payé par l’ensemble des ménages français ne servira pratiquement qu’à rembourser les intérêts de la dette publique », écrivait-il en juillet 2005 dans la lettre de mission confiant à Michel Pébereau la rédaction d’un rapport sur la dette.

Mais la campagne présidentielle française alors en cours balaya bien vite ces doutes : un discours de rigueur n’était pas de mise. Hervé Novelli, responsable du programme économique du candidat Sarkozy, déclara devant une assemblée de jeunes UMP sceptiques que la dégradation d'une note souveraine n'avait pas de conséquences particulières sur l'endettement…

En 2007, quand éclata la crise des subprime, les agences de notation furent désignées à la vindicte publique. On se rendit compte que leurs méthodologies étaient opaques, leurs règles de gouvernance parfois peu rigoureuses et que la conception des réglementations prudentielles reposait massivement sur ces fameuses notations dont personne ne s'était auparavant demandé si elles étaient fiables.

Désormais sommées de faire preuve de rigueur, les agences se sont exécutées. Avec l’explosion de la dette de plusieurs pays européens, elles ont multiplié les dégradations de notes en 2011. Les États membres ont peu goûté cet excès de zèle soudain, qui a bousculé le plan de sauvetage de la Grèce. La menace de dégradations « en domino » les contraints désormais à une grande orthodoxie budgétaire. Aussi, la troisième vague réglementaire qui touche les agences en Europe est venue encadrer plus durement le processus de notation souveraine : « Les agences de notation ont commis de graves erreurs par le passé. J'ai aussi été surpris du moment choisi pour noter certains emprunteurs souverains, par exemple au beau milieu de négociations sur l'octroi d'un programme d'aide internationale au pays. Nous ne pouvons laisser les notations exacerber la volatilité des marchés », a ainsi déclaré Michel Barnier, commissaire européen chargé du marché intérieur, le 15 novembre dernier.

Cependant, la Commission a résisté à la tentation de « l’arme absolue » et a pour le moment écarté la possibilité, évoquée un temps, de suspendre les notations des États en difficulté. A.M.

Ils ont dit

Améliorer la transparence des notations

« Nous améliorons sensiblement la transparence et la clarté sur la manière dont chacun des facteurs d’analyse participe à la note finale, à l’instar de ce que nous pratiquons pour d’autres secteurs d’activité économique. Ce chantier a été amorcé en interne début 2008, sous l’impulsion de la crise financière. Celle-ci a révélé un besoin de pédagogie, une nécessité de rappeler que nous apprécions le risque de crédit et non tout type de risque. Nous ne délivrons pas un label.

Avec cette méthodologie nouvelle, le rôle que nous donnons à l’analyse plus macroéconomique de l’industrie a pour objectif d’être à même de demeurer aussi proactifs que possible lorsque nous identifions des changements de comportement de marché. Cette “ancre” devrait nous permettre de ne pas attendre que ces modifications se traduisent dans les performances.

Enfin, mais ce n’est le moindre des arguments, nous obtenons par l’application de cette méthodologie une meilleure comparabilité pour toutes les notes que nous attribuons, quel que soit le pays d’origine des établissements bancaires. La notation est toujours un exercice de comparaison. »

Arnaud de Toytot, Managing Director, Standard & Poor’s Paris, Revue Banque n° 735, pp. 56-57.

La législation ne peut prendre le pas sur le bon sens

« La puissance publique ne peut pas substituer une règle précise à une certaine morale. Quel que soit le modèle économique retenu par les agences de notation, il existe un risque qu’elles puissent être influencées dans l’exercice de leur mission. Mais les conflits d’intérêts se résolvent par l’éthique, la régulation ne peut les empêcher de survenir.

La crise financière met en lumière la faillite des modèles mathématiques qui ont envahi notre monde et qui gouvernent une grande partie des prises de décision. Il faut pondérer l’utilisation de ces modèles mathématiques par davantage de sens commun. L’appréciation de la solidité des acteurs économiques ne peut plus reposer sur une seule approche, aussi rigoureuse soit-elle. Une évaluation multicritères est la seule alternative à la souveraineté actuelle de la notation dans l’appréciation par les investisseurs de tel ou tel émetteur. »

Jean-Paul Gauzès, député européen,  Revue Banque n° 736, p. 55.

Pour un contrôle accru des agences de notation

« La goutte d’eau de trop ? Déjà décriées au lendemain de la crise, les agences de notation (ANC) internationales s’attirent depuis plusieurs mois les foudres des autorités européennes par leurs dégradations répétées des notes des États européens les plus endettés.

La Commission planche sur un nouveau texte à vocation réglementaire visant à réformer le cadre législatif d’exercice des ANC en Europe. Il devrait paraître au cours du second semestre 2011.

Le 8 juin dernier, le Parlement a pris les devants. Les eurodéputés réunis en séance plénière ont adopté le rapport Klinz intitulé “Agences de notation de crédit : perspectives d'avenir”. Considérant que les trois grandes ANC (Moody’s, Fitch, Standard & Poor’s) jouissent d’une situation oligopolistique en Europe, ils souhaitent améliorer les conditions de la concurrence. Ils ont à ce titre missionné la Commission afin d’étudier les avantages d’une Fondation européenne de notation du crédit, dont la gouvernance et le financement lui assureraient une indépendance totale.

Rapporteur du premier règlement “post-crise” sur les agences de notation, l’eurodéputé Jean-Paul Gauzès considère que ce projet constitue le point le plus original du rapport Klinz, mais ne se prononce pas sur l’issue que la Commission donnera à ces propositions. “Ce rapport d’initiative a été largement voté, mais il n’a pas de portée législative. Il faut maintenant attendre de voir ce que la Commission en retirera.” »

Actualités, Revue Banque n° 738.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº742
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