CNP investit dans des fonds de dettes

Les banques vous proposent-elles les portefeuilles de cr&eacute;dits qu'elles souhaitent c&eacute;der ? Nous sommes tr&egrave;s sollicit&eacute;s pour participer au mouvement de d&eacute;sengagement des banques de certaines activit&eacute;s de pr&ecirc;ts. Les portefeuilles qui nous sont propos&eacute;s concernent l&rsquo;immobilier commercial, les infrastructures, mais aussi les financements dans l&rsquo;a&eacute;ronautique. Dans une logique B&acirc;le III, les pr&ecirc;ts sont tr&egrave;s co&ucirc;teux en capital pour les banques et p&egrave;sent sur leurs nouveaux ratios de liquidit&eacute;. Les financements &agrave; long terme posent probl&egrave;me aux banques qui manquent de ressources longues pour les refinancer. Pour les assureurs, ces actifs offrent au contraire une bonne ad&eacute;quation avec certains de leurs passifs qui sont longs. De plus, ces actifs peu liquides procurent aujourd&rsquo;hui des r&eacute;mun&eacute;rations plus int&eacute;ressantes que par le pass&eacute; ; elles sont tr&egrave;s sup&eacute;rieures &agrave; ce qu&rsquo;offrent les actifs liquides comme les obligations, par exemple. Toutefois, face &agrave; ce ph&eacute;nom&egrave;ne, nous sommes vigilants. Dans ce type de transaction, la banque vend un actif qu&rsquo;elle conna&icirc;t parfaitement et dont elle &eacute;value tr&egrave;s bien le prix et surtout le risque. Par ailleurs, dans un sch&eacute;ma de cession classique, la banque conserve le servicing [1] ; donc si une difficult&eacute; survient avec un emprunteur, un contentieux par exemple, seule la banque sera en position de le g&eacute;rer. Ceci nous pose un probl&egrave;me, car il y a une importante asym&eacute;trie d&rsquo;information (en mati&egrave;re d&rsquo;&eacute;valuation du risque) et, en cas de contentieux, c&rsquo;est la banque qui g&eacute;rera le probl&egrave;me li&eacute; &agrave; l&rsquo;actif que nous sommes susceptibles d&rsquo;acqu&eacute;rir. Quelles pr&eacute;cautions prenez-vous pour &ecirc;tre autonome vis-&agrave;-vis des banques ? Nous &eacute;vitons de traiter en direct avec les banques sur des cr&eacute;dits existants. Nous pr&eacute;f&eacute;rons passer par l&rsquo;interm&eacute;diaire de soci&eacute;t&eacute;s de gestion qui ont un alignement d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t avec nous. Certaines ont cr&eacute;&eacute; des &eacute;quipes comp&eacute;tentes et exp&eacute;riment&eacute;es en mati&egrave;re d&rsquo;&eacute;valuation des cr&eacute;dits bancaires et de gestion des cr&eacute;ances. Ces asset managers font-ils eux-m&ecirc;mes le servicing ou contr&ocirc;lent-ils celui effectu&eacute; par la banque ? Ils sont impliqu&eacute;s dans les &eacute;ventuelles restructurations et dans la gestion des &eacute;v&eacute;nements de cr&eacute;dit. Pouvez-vous donner des exemples de fonds et de secteurs dans lesquels vous investissez ? AXA IM par exemple a cr&eacute;&eacute; depuis quelques ann&eacute;es un fonds de dettes dans lequel CNP Assurances a investi. L&rsquo;alignement d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;ts est bien meilleur entre un tel g&eacute;rant d&rsquo;actifs et CNP Assurances qu&rsquo;entre une banque et CNP Assurances. Nous avons donc investi en 2010 et courant 2011 sur l&rsquo;immobilier commercial, via un fonds de ce type. Nous regardons &eacute;galement le secteur des infrastructures, car il recouvre des actifs qui distribuent des cash flows r&eacute;guliers et sont donc bien adapt&eacute;s &agrave; un financement sous forme de dette. Et quand l&rsquo;infrastructure se trouve dans le domaine r&eacute;gul&eacute; comme les r&eacute;seaux de transport d'&eacute;nergie (gaz, &eacute;lectricit&eacute;), les cr&eacute;anciers sont assez prot&eacute;g&eacute;s du risque de d&eacute;faut. De plus, les rendements r&eacute;guliers &ndash; et m&ecirc;me parfois index&eacute;s sur l&rsquo;inflation &ndash; procur&eacute;s par ces actifs pr&eacute;sentent une bonne ad&eacute;quation avec nos passifs. Jusqu'&agrave; pr&eacute;sent, nous avions essentiellement investi au travers de fonds d&rsquo;infrastructures qui acqui&egrave;rent des parts de capital. Aujourd&rsquo;hui, des fonds investissent dans de la dette d&rsquo;infrastructure et cela nous int&eacute;resse. La condition est que l&rsquo;&eacute;quipe soit exp&eacute;riment&eacute;e, comme c'est le cas pour le fonds Harbourmaster, dont la soci&eacute;t&eacute; de gestion appartient &agrave; la galaxie Blackstone et qui d&eacute;marre son activit&eacute; &agrave; Londres. N&rsquo;empi&eacute;tez-vous pas sur le monopole bancaire ? Et en devenant propri&eacute;taire de ces pr&ecirc;ts, ne devenez-vous pas &eacute;tablissement de cr&eacute;dit et donc soumis &agrave; la r&eacute;glementation bancaire ? Le monopole de cr&eacute;dit bancaire porte seulement sur l&rsquo;origination des cr&eacute;dits. Il est donc impossible d&rsquo;accorder un pr&ecirc;t sans &ecirc;tre une banque, mais ce pr&ecirc;t peut &ecirc;tre c&eacute;d&eacute; &agrave; une entit&eacute; non bancaire. En achetant les pr&ecirc;ts, nous ne devenons pas &eacute;tablissement de cr&eacute;dit. Selon vous, ce mouvement de transfert des risques li&eacute;s au financement de l&rsquo;&eacute;conomie depuis les banques vers des acteurs non bancaires va-t-il prendre de l&rsquo;ampleur ? Il serait assez aberrant de voir les banques abandonner compl&egrave;tement un m&eacute;tier qu&rsquo;elles ma&icirc;trisent parfaitement et le transf&eacute;rer &agrave; d&rsquo;autres acteurs dont ce n&rsquo;est pas le r&ocirc;le traditionnel. Mais la r&eacute;glementation B&acirc;le III pousse pour le moment assez fortement vers l'all&eacute;gement des bilans bancaires. Que pensez-vous de la titrisation comme mode de transfert des risques ? En France, les structures qui permettent d'investir dans de la dette comme celles dont nous venons de parler sont souvent des fonds communs de titrisation (FCT). Ce sont les parts &eacute;mises par ceux-ci que les investisseurs ach&egrave;tent. Elles peuvent &ecirc;tre organis&eacute;es en diff&eacute;rents niveaux de s&eacute;niorit&eacute; (des plus subordonn&eacute;es aux plus privil&eacute;gi&eacute;es), mais aussi &ecirc;tre simplement toutes identiques et &laquo; pass through [2] &raquo;. Nous privil&eacute;gions ce dernier format qui assure que l'int&eacute;r&ecirc;t de tous les investisseurs est align&eacute;. Quelles sont vos r&eacute;serves vis-&agrave;-vis de la titrisation ? Le degr&eacute; apparent de s&eacute;curit&eacute; des parts privil&eacute;gi&eacute;es des titrisations donne l&rsquo;impression qu&rsquo;il est inutile d&rsquo;examiner attentivement les actifs sous-jacents. Avant la crise, les tranches not&eacute;es AAA rassuraient les investisseurs qui ne cherchaient donc pas &agrave; investiguer plus avant. On a vu que cela pouvait mener &agrave; de graves difficult&eacute;s. Je pr&eacute;f&egrave;re avoir une analyse approfondie des risques de l'actif et savoir qu'ils seront r&eacute;ellement g&eacute;r&eacute;s dans le temps par des &eacute;quipes comp&eacute;tentes que de m'en remettre &agrave; une note. Quand un assureur adopte le r&ocirc;le de pr&ecirc;teur par l&rsquo;interm&eacute;diaire d&rsquo;un fonds de dette, quel est l&rsquo;impact sur le co&ucirc;t du cr&eacute;dit ? Quand il s&rsquo;agit de pr&ecirc;ts anciens, cela n&rsquo;a aucun impact direct sur l&rsquo;emprunteur. Mais pour les cr&eacute;dits accord&eacute;s en ce moment et dans le futur, leur prix va tr&egrave;s probablement augmenter, que le pr&ecirc;teur soit une banque ou pas. Aujourd&rsquo;hui les banques se financent &agrave; des co&ucirc;ts assez &eacute;lev&eacute;s qu&rsquo;elles r&eacute;percutent. Et les banques incorporent aux taux qu&rsquo;elles facturent un co&ucirc;t du capital qui est &eacute;lev&eacute;, en raison de B&acirc;le III. S'agissant des assureurs et de Solvabilit&eacute; 2, la norme n'est pas encore d&eacute;finitive, mais le risque de cr&eacute;dit sera certainement tr&egrave;s charg&eacute; en capital si les actifs sont longs. Dans cette hypoth&egrave;se, nous exigerons un taux d'autant plus &eacute;lev&eacute; de la part des emprunteurs. Nous devrons r&eacute;percuter &eacute;galement les frais de gestion factur&eacute;s par le fonds de dettes. Certaines banques s&rsquo;orientent vers un mod&egrave;le de type &laquo; originate to distribute &raquo; et feront en sorte de ne mettre en place que des pr&ecirc;ts qui sont facilement vendables &agrave; des investisseurs comme vous. Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un pr&ecirc;t attractif &agrave; vos yeux ? Il n&rsquo;y a pas de r&eacute;ponse standard. Un pr&ecirc;t nous int&eacute;resse quand il offre des niveaux de s&eacute;curit&eacute; qui correspondent &agrave; nos crit&egrave;res de risque. Mais surtout, un mod&egrave;le dans lequel les banques origineraient les pr&ecirc;ts pour les c&eacute;der imm&eacute;diatement &agrave; d&rsquo;autres acteurs rappelle fortement les pr&eacute;mices de la crise de 2007. Les difficult&eacute;s li&eacute;es aux subprime sont n&eacute;es de tels m&eacute;canismes. Et si cette banque pr&eacute;voit de conserver 20 % des pr&ecirc;ts qu&rsquo;elle initie, cela vous rassure ? Ces 20 % conserv&eacute;s par la banque seraient en effet de nature &agrave; rassurer l&rsquo;investisseur final, mais pas suffisamment. En effet, s&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un pr&ecirc;t accord&eacute; &agrave; une entreprise, par exemple, il ne constitue qu&rsquo;un &eacute;l&eacute;ment parmi d&rsquo;autres dans une relation globale entre la banque et l&rsquo;entreprise. Cette relation comprend bien d&rsquo;autres services et produits, parmi lesquels la banque est susceptible d&rsquo;effectuer des arbitrages ; le pr&ecirc;t dont elle ne conservera que 20 % ne fera pas partie de ses priorit&eacute;s. Ces 20 % ne permettent donc pas d&rsquo;obtenir un alignement d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t total avec un investisseur comme CNP Assurances. Le mod&egrave;le originate to distribute ne vous inspire pas confiance ? En effet, dans un tel mod&egrave;le la banque exerce un m&eacute;tier de flux : chaque fois qu&rsquo;une op&eacute;ration est r&eacute;alis&eacute;e, elle g&eacute;n&egrave;re un profit engrang&eacute; &agrave; l&rsquo;instant t, sans lien avec l&rsquo;&eacute;volution future de l&rsquo;actif. Et comme elle c&egrave;de l&rsquo;essentiel du risque, rien ne garantit que la banque &eacute;value correctement ce risque. Les pr&ecirc;ts que vous avez achet&eacute;s &eacute;taient-ils d&eacute;j&agrave; anciens ? Oui, ils ont donc &eacute;t&eacute; octroy&eacute;s &agrave; une &eacute;poque o&ugrave; les banques pensaient les conserver &agrave; leur bilan. La dette repr&eacute;sente quelle part de vos investissements ? Le portefeuille d&rsquo;actifs de la CNP Assurances en France p&egrave;se 250 milliards d&rsquo;euros. Nos participations dans des fonds de dettes repr&eacute;sentent une part marginale et ne repr&eacute;senteront sans doute jamais plus que quelques pourcents de notre portefeuille. 1 Quand une banque vend un portefeuille de pr&ecirc;ts, elle conserve g&eacute;n&eacute;ralement le servicing, c&rsquo;est-&agrave;-dire la relation &agrave; l&rsquo;emprunteur (perception des int&eacute;r&ecirc;ts et du principal, &eacute;ventuelles n&eacute;gociations sur des modifications du contrat de pr&ecirc;t, gestion des contentieux&hellip;). 2 Les &laquo; cash flows &raquo; des pr&ecirc;ts sous-jacents sont transf&eacute;r&eacute;s tels quels aux investisseurs.

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