Le 4 décembre 2018, après de longs mois de discussion, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement sont enfin parvenus à un accord sur les principaux points du paquet bancaire, notamment les exigences MREL (Minimum Requirements for Own Funds and Eligible Liabilities) sous la directive BRRD 2 (Bank Recovery and Resolution Directive). Cet accord reflète largement la position originelle du Conseil en particulier s’agissant des exigences de
Le développement des exigences MREL applicables aux banques européennes manque parfois de lisibilité. Cette confusion provient certainement de la publication concomitante du compromis de BRRD 2 et des politiques de MREL pour 2019 publiées par le SRB (Single Resolution Board), qui continue d’appliquer les règles de BRRD 1.
Cet article est ainsi l’occasion de démêler les enjeux du MREL à venir pour les banques, en détaillant les exigences prévues par BRRD 2 ainsi que les principaux points de la politique du SRB pour le MREL 2019, et en rappelant les contraintes des agences de notation.
Dans cet environnement, les banques européennes continueront d’être très actives sur les marchés primaires, en particulier les banques françaises qui devraient générer la majorité des volumes de dettes senior non préférées.
BRRD 2 : Un cadre complexe, qui laisse une certaine marge de manœuvre aux autorités de résolution
Selon l’accord, le montant total de MREL sera déterminé comme le maximum entre, d’une part, 2 x (P1 + P2R) +
Par ailleurs, le texte introduit une exigence formelle de subordination pour les GSIB et les banques qualifiées de top tier (total de bilan supérieur à 100 milliards d’euros), ainsi que les banques jugées systémiques par les autorités de résolution (bien qu’ayant un total de bilan inférieur à 100 milliards d’euros, ces banques pourront également être traitées sous le régime des établissements top tier). Ces banques devront donc disposer d’un montant minimum de passifs formé exclusivement de fonds propres, dettes subordonnées ou non préférées (ou émises par une société holding). Le thème de la subordination a largement concentré l’attention des établissements bancaires et des investisseurs. Il s’agit en effet d’une différence majeure par rapport à BRRD1 qui pourrait avoir un impact important sur les plans d’émissions.
Cette exigence de subordination s’articule ainsi :
- s’agissant des GSIB, le plancher de subordination s’établit à 14,5 % des actifs pondérés ou 6 % du ratio de levier ;
- pour les banques top tier le plancher de subordination s’établit à 13,5 % des actifs pondérés ou 5 % du ratio de levier ;
- de plus, le minimum de subordination est fixé à 8 % du total des passifs et des fonds propres (Total Liabilities and Own Funds – TLOF), ce montant pouvant être réduit à hauteur de la dérogation des 3,5 % pour le senior préféré. Les banques top tier bénéficient quant à elles d’un plafonnement de subordination égal à 27 % des actifs pondérés ;
- sous certaines conditions, l’autorité de résolution dispose de la faculté d’augmenter l’exigence de subordination à 2 x (P1 + P2R) + CBR, mais pour seulement 30 % des banques dans son périmètre de supervision.
Au-delà des besoins de subordination, le senior préféré continuera de jouer un rôle dans la structure globale des passifs utilisés pour couvrir les exigences du MREL. L’utilisation de cette classe de passifs reste cependant sujette à la règle du No Creditor Worse Off selon laquelle aucun créancier ne pourrait supporter des pertes supérieures à celles qu’il aurait subies si l’établissement avait été mis en faillite. Dans certains cas, en particulier lorsque le volume des passifs exclus du bail-in au sein de la classe des passifs considérée est supérieur à 10 %, l’autorité de résolution sera fondée à accroître l’exigence de subordination.
Le SRB continue de dérouler ses politiques de MREL…
BRRD 2 sera applicable en 2020 et les exigences MREL devront être respectées au 1er janvier 2024, avec une cible intermédiaire en 2022. Avant cela, les banques restent bien entendu soumises à la directive BRRD 1 telle qu’appliquée par le SRB pour définir les cibles actuelles de MREL.
Le SRB a publié en ce sens les politiques MREL 2019 sous la forme de deux vagues. Selon la nature de leurs activités, les banques seront traitées sous la 1re ou la 2e vague. Ainsi, les banques les plus complexes (en particulier les plus grandes banques européennes), celles qui disposent d’un collège de résolution pour aborder le processus de résolution en dehors de l’union bancaire, verront leurs cibles de MREL définies dans le cadre de la 2e vague. Cette politique 2019 introduit plusieurs nouveautés s’agissant de la définition des cibles de MREL, en particulier une exigence formelle de subordination, l’éligibilité au MREL seulement pour les obligations émises par l’entité de résolution, et une attention particulière sur les aspects liés au Brexit. Sur ce dernier point, le SRB incite ainsi les banques à émettre leurs obligations sous un droit de « l’EU27 » afin de réduire les risques de litige potentiels sur les dettes sous droit anglais dans un contexte de Brexit.
…et les contraintes des agences de rating demeurent
Pour la plupart des émetteurs, les ratios cibles des agences de rating doivent aussi être surveillés et ils exercent une contrainte tout aussi importante sur le pilotage de la position en capital des établissements. En effet, ces des dernières années, les agences de notation ont développé des méthodologies de notation pour prendre en compte les règles de la directive BRRD, en particulier le bail-in, dans les notations bancaires. Ainsi, les agences évaluent, selon leurs propres critères, le montant des passifs éligibles et disponibles pour rehausser la notation des dettes seniors. Au-delà des exigences MREL, le développement d’une couche senior non préférée peut avoir un effet positif sur la notation senior long terme. A contrario, l’absence d’une telle couche peut se traduire par une dégradation des notations.
Les banques françaises devraient continuer à générer la majorité des volumes de senior non préférés
En fonction des scénarios de subordination, les volumes d’émission attendus varient sensiblement. Nos estimations montrent que les besoins s’expliquent largement par le MREL et que les exigences TLAC ne sont plus la contrainte majeure. Les banques allemandes n’ont pas de besoin particulier, car elles bénéficient de la pleine éligibilité du stock historique des dettes seniors qui avaient été rétrogradées dans la hiérarchie des créanciers pour effectivement devenir une catégorie de passifs non préférés. Les banques françaises, en raison de la taille des banques, devraient être à l’origine de la majorité des volumes ces prochaines années.