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Bâle III et CRD 4 : les acteurs financiers se mettent en ordre de marche

Créé le

04.11.2011

-

Mis à jour le

30.11.2011

> Rétrospective 2011 : accéder au dossier

 

En décembre 2010, le Comité de Bâle rendait sa copie sur les nouvelles normes prudentielles applicables au secteur bancaire. Il renforçait les exigences sur la solvabilité des établissements bancaires, tant en quantité qu’en qualité, et introduisait deux ratios de liquidité et un ratio de levier, ainsi qu’un coussin dit « contracyclique ». Ces normes, toutefois, ne sont que des recommandations et n’ont pas force de loi. L’Union européenne a donc travaillé tout au long du premier semestre 2011 pour adapter ces exigences à son secteur bancaire, aboutissant à la publication par la Commission d’un projet de texte pour la CRD 4 (voir Encadré).

En 2011, les banques ont donc poursuivi leur lobbying pour tenter de corriger les imperfections du texte ou atténuer certaines dispositions. Parallèlement, elles ont entamé un travail d’adaptation de leur modèle économique pour répondre aux exigences de Bâle III, lointaines sur le papier (2018) mais réclamées dès aujourd’hui par les marchés, voire par les régulateurs européens, sous pression de la crise souveraine. Sur la sellette : les activités de marché (voir Encadré) mais aussi le financement des collectivités locales, le trade finance… Les ratios de liquidité, en particulier, vont bouleverser la donne, conduisant les banques à renforcer leur base de dépôts, au détriment de l’épargne collective. Les grandes manœuvres ne font que commencer. S.L.

Ils l'ont dit...

Une quête des dépôts en marche

« Un autre levier [pour satisfaire les ratios de liquidité] s’appuie sur des innovations marketing via la création de nouveaux produits, la mise en place de prime de fidélité ou la généralisation des comptes à vue rémunérés comme produit d’appel, notamment sur le segment des banques en ligne. Les nouveaux produits proposés rivalisent d’ingéniosité afin d’accélérer le processus de collecte et de renforcer sa stabilité dans le temps. Cette stratégie semble porter ses fruits puisque, par exemple, le nouveau Livret Épargne Plus de la Société Générale, qui accorde une bonification au-delà de 6 ​mois, a permis de collecter 1 milliard d’euros. D’autres réflexions abordent la « rénovation » de produits existants comme les comptes à terme (CAT). (…) Les « super ​livrets » proposant des taux supérieurs au taux du Livret A (des offres allant jusqu'à 5 % de rémunération sur trois mois sont présentes sur le marché) sont dorénavant monnaie courante ; ils visent à capter une épargne dormante ou disponible chez les concurrents. Le bilan de l’ensemble de ces manœuvres, incitant une collecte de masse et stable, est plutôt positif puisque la Banque de France a indiqué mi-mai 2011 que l’épargne placée sur les livrets non réglementés n’a cessé d’augmenter pour atteindre 165 milliards d’euros à fin mars 2011. »

Yves Grégoire et Benoît Menoni, Sia Conseil, Revue Banque n°737, daté de juin 2011, pp.33-35.

Hémorragie sur les fonds monétaires

« Ces véhicules sont menacés à la fois par Bâle III et par le Financial Stability Board (FSB). En effet, le ratio de liquidité de la réglementation prudentielle pousse les banques à inciter leurs clients à transférer leur épargne placée en assurance vie et en fonds monétaires vers des produits de court terme qui entrent dans les bilans bancaires : dépôts à terme, livrets, PEL. Les conséquences de la réglementation bâloise sont déjà visibles puisque les fonds monétaires ont perdu 100 milliards entre fin 2009 et début 2011. Certes, les taux bas expliquent une partie de cette hémorragie, mais la main des banques est visible ; en effet, ces 100 milliards se composent essentiellement des encours que les banques elles-mêmes et les particuliers détenaient en monétaire. Les entreprises et les institutionnels sont restés investis pour leur trésorerie car ils tiennent à ce produit. (…)Nous expliquons aux banques que l’attitude qu’elles ont adoptée n’est pas forcément la meilleure. En effet, les fonds monétaires sont investis en certificats de dépôt et constituent donc pour elles une source de financement. D’autre part, nous réfléchissons à la création d’un nouveau type de fonds. Il s’agira de produits de trésorerie adaptés à la réglementation prudentielle bancaire. »

Paul-Henri de la Porte du Theil, président, AFG, Revue Banque n° 738, daté de juillet-août2011, pp.22-24.

Un retour massif de la titrisation

« Il est très peu probable que les ménages allongent significativement la maturité de leur épargne. La fonction de transformation de l'épargne courte en emplois longs devra donc continuer à être réalisée. Si elle ne peut plus être opérée par les banques, il faudra qu'elle soit assurée par d'autres intermédiaires financiers. Le plus probable est un retour massif de la titrisation, avec des véhicules spécialisés réalisant les financements à long terme et se refinançant à court terme. »

Patrick Artus, directeur de la recherche et des études, Natixis, Revue Banque n°740, daté d'octobre 2011, p.8.

Le surcoût du capital-investissement

«Les PME et/ou celles dont l’activité est la plus risquée, et dont le niveau de collatéral ne sera pas suffisant à garantir les prêts octroyés, seront à l’avenir directement concernées par la diminution de l’offre de crédit. Or, ces entreprises, potentiellement parmi les plus pénalisées par les effets de Bâle III, sont par essence les cibles privilégiées des acteurs du capital-investissement. Cette contrainte supplémentaire du financement bancaire devrait encourager les entreprises à chercher d’autres modes de financement en s’ouvrant aux investisseurs en fonds propres, et exercer ainsi un effet positif sur l’activité du capital-investissement.

Cependant, cette mécanique trouve vite une limite dans les exigences imposées aux banques dès lors qu’elles souhaiteront investir dans le non coté. (…) Si ce recul des levées de fonds [du capital-investissement] auprès des banques s’expliquait en grande partie par les effets conjoncturels et par un ajustement sur le marché des LBO, on sait aujourd’hui qu’il résultait aussi de l’anticipation par le secteur bancaire de l’impact des nouvelles règles de Bâle ​III sur le (sur-)coût pour ces acteurs économiques d’investir dans le secteur du capital-investissement. »

Hervé Schricke, président, AFIC, Banque & Stratégie n°289,daté de février 2011, pp. 12-13.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº742