Il n’y a pas que la banque qui se transforme sous l’effet de la révolution digitale. L’assurance aussi. Et elle pourrait être davantage impactée que le secteur bancaire par ce que permettent les nouvelles technologies, dans ses offres et dans son modèle économique. « Un choc structurel majeur » : c’est ainsi que les assureurs français sondés par l’ACPR [1] qualifient la révolution numérique.
À la demande, à l’usage, à la carte, personnalisée, ponctuelle, modulable, contextuelle, paramétrique, comportementale, affinitaire, collaborative… l’assurance change quand elle introduit du digital dans ses offres et la façon dont les assurés y ont accès. L’utilisation d’objets connectés permet de recueillir des données qui peuvent être utilisées pour calculer un tarif au plus près de la réalité d’un risque mesuré individuellement.
Le domaine le plus concerné à ce jour en France est l’assurance auto, avec quelques offres de Pay As You Drive (tarification au kilomètre), voire de Pay How You Drive (selon la qualité de la conduite). En plus d’un forfait fixe, une prime est évaluée chaque mois à partir des données collectées par un boitier embarqué dans la voiture. En assurance habitation, en dépendance et en santé, capteurs et objets connectés peuvent aussi aider à prévenir le risque, voire à limiter les sinistres, objectif affiché des services proposés.
L’assurance sera aussi bouleversée par les transformations des secteurs qu’elle assure, indépendamment de sa volonté de se digitaliser. L’exemple majeur reste celui de l’automobile. La voiture individuelle, outre qu’elle laissera en partie la place à d’autres formes de mobilités plus partagées, va être de plus en plus connectée, jusqu’à devenir autonome. Les assureurs s’interrogent déjà sur les conséquences de cette révolution. Qui portera la responsabilité en cas d’accident ? Qui vendra les assurances ? Les assureurs, les constructeurs automobiles, les géants du net qui expérimentent actuellement ces véhicules… ?
Principe de mutualisation
Les offres d’assurance digitale, encore très peu nombreuses en France, interrogent l’évolution du modèle de l’assurance. Elles permettent déjà de renouveler la relation avec les clients. Classiquement, un assuré entre en contact avec un assureur au moment de la souscription, du versement de la prime puis en cas de prise en charge de sinistre. La nouvelle génération d’offres connectées, proposées notamment par de jeunes AssurTechs* mais aussi par de grands assureurs, permet, outre la digitalisation des modes de relation (souscription voire déclaration de sinistre sur smartphone), de créer davantage d’occasions de contacts.
L’individualisation du risque, évalué au cas par cas à partir de données captées, et la segmentation des tarifs, sous l’effet de cette évaluation ou des nouvelles attentes de contrats sur mesure ou affinitaires, ne risquent-ils pas de remettre en cause les principes de solidarité et de mutualisation ? Les méthodes de calcul classiques des actuaires basées sur des statistiques observées sont bousculées par l’analyse de données en nombre et en temps réel.
Si, enfin, la sinistralité diminue, quelle sera l’équation économique pour l’assurance ? Elle pourrait passer d’un modèle prime-indemnisation à un modèle plus diversifié basé sur la prévention, avec des offres et des services d’accompagnement.
Et les interrogations posées par l’usage de ces données collectées ne font que commencer, de leur traitement via l’intelligence artificielle aux sujets éthiques, jusqu’à l’incontournable question de la cybersécurité.