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Paiement

Un projet de scheme européen est à l’étude

Créé le

25.11.2019

Lors du colloque organisé par Revue Banque le 5 novembre dernier, Carlo Bovero, responsable monde cartes et moyens de paiements innovants chez BNP Paribas, a confirmé que le groupe « participe à un projet sur la création d’un scheme paneuropéen des paiements ». Ce projet, dénommé PEPSI (Pan European Payment System Initiative), a été initié il y a quelques mois par une vingtaine de banques européennes. L’idée générale est, que quel que soit le moyen de paiement utilisé pour initier une transaction – carte de paiement, SDD, SCT –, celle-ci pourrait être convertie en virement instantané, et compensée via l’infrastructure européenne TIPS (Target Instant Payment Settlement) lancée en novembre 2018. Le projet s’appuierait ainsi à la fois sur l’utilisation d’une infrastructure déjà existante, qui organise une interbancarité à l’échelle européenne, et sur le potentiel important que les professionnels voient dans le paiement instantané.

« Ce projet devra cependant surmonter certaines complexités, explique Régis Bouyala, associé gérant de Pémance. Les banques à la manœuvre devront se mettre d’accord sur un modèle économique viable. Modèle qui devra ensuite être également validée par les autres parties prenantes aux transactions de paiement, qu’il s’agisse des établissements bancaires ou des commerçants. » Le projet comporte également des difficultés techniques : il existe dans les pays européens une grande diversité de moyens de paiement, parfois très spécifiques ou anciens comme le chèque : jusqu’où aller dans la prise en compte de l’ensemble de ces moyens de paiement et la capacité de les convertir en virement instantané ? De plus, il faudra composer avec certains enjeux stratégiques : « le projet est politique avant d’être technique, souligne Régis Bouyala. Il vise en premier lieu à s’affranchir dans l’Union européenne des schemes américains, Visa et Master Card. » De fait, s’il existe dans certains pays européens – dont la France – des schémas de paiement nationaux qui ne dépendent pas d’acteurs étrangers, les paiements par carte transfrontières entre deux pays de l’Union européenne passent aujourd’hui par Visa ou Mastercard. Selon Nathalie Aufauvre, présidente du CNPS, directrice générale de la Direction générale de la stabilité financière et des opérations à la Banque de France, qui intervenait lors du même colloque de Revue Banque, il existe « un enjeu de souveraineté ou du moins d’indépendance vis-à-vis de grands acteurs étrangers qui pour des raisons de nature diverse peuvent soit supprimer l’accès [aux paiements], soit l’influencer ». Cette préoccupation liée à la position dominante des schemes américains en Europe est partagée par les banques européennes, la Commission européenne et la BCE. Mais si les schemes internationaux sont écartés des paiements intra-européens, comment vont-ils réagir pour assurer les paiements par carte impliquant un pays non européen ?

Rappelons qu’avant la reprise en main depuis les États-Unis, tant MasterCard que Visa avaient une solution propre à l’Europe. Ainsi Europay International – le E de EMV – était une entité issue de la fusion entre Eurocard International et Eurocheque International qui disposait de la licence MasterCard et Maestro pour l’Europe, jusqu’à son rachat et son intégration dans MasterCard en 2002. Quant à Visa, l’entité Visa Europe fut indépendante du réseau américain de 2004 à 2015, en ayant même acheté en 2010 le groupement Carte Bleue. Cette nouvelle initiative s’inscrit donc dans une volonté renouvelée d’indépendance.

L’idée de relancer un scheme européen n’est pas tout à fait nouvelle non plus. La création d’un scheme européen de paiement par carte, baptisé Monet, avait été envisagée par 24 banques européennes en 2011, mais avait finalement achoppé sur le modèle économique, compte tenu de l’évolution de la réglementation des commissions d’interchange alors décidée par la Commission européenne. Un ré-examen du règlement sur les interchanges est d’ailleurs en cours au niveau européen dont les résultats devraient être connus en juin 2020. Selon Éric Ducoulombier, chef d’unité à la DG FISMA de la Commission européenne, « tout le monde connaît les enjeux économiques mais aussi dans un cadre politique, des interchanges. […] On verra bien quel sera le niveau choisi des interchanges suite à ce ré-examen. » La crainte des professionnels est de voir le niveau des interchange encore réduit, voire supprimé.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº838