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Dialogue social

Le CDI d’opération cristallise les tensions

Créé le

23.05.2019

-

Mis à jour le

28.05.2019

La CFDT, la CFTC, la CGT et FO ont bloqué l’accord portant sur la création du CDI d’opération, proposé par l’AFB et signé par le seul SNB CFE-CGC.

« L’AFB et le SNB-CGC organisent la précarisation des salariés ! » Le 16 avril dernier, un communiqué de la CFDT Banques et Assurances dénonçait en ces termes l'accord de branche portant sur la création du CDI d’opération et l’aménagement des règles du CDD, proposé par l’Association française des banques (AFB), et signé par le seul SNB CFE-CGC, première organisation syndicale du secteur bancaire avec une représentativité de 34 %. Dix jours plus tard, la CFDT, cette fois-ci aux côtés de la CFTC, de la CGT et de FO, se félicitait d’avoir réussi le blocage de l’accord.

En réunissant ensemble 66,02 % des suffrages au sein de la branche AFB, les quatre organisations ont pu faire jouer leur droit d'opposition. Le CDI d’opération ne sera donc pas mis en œuvre au sein de la branche AFB. « La branche des caisses régionales du Crédit Agricole a toutefois signé un accord pour le CDI d’opération », signale Luc Mathieu, secrétaire général de la fédération CFDT Banques et Assurances.

Un contrat pour la durée d’un projet

Issu des ordonnances Macron, le CDI d'opération a pour particularité d’être conclu pour la durée d'un projet précis, à l’issue duquel il peut être rompu par un licenciement. « Dans la branche professionnelle de l’AFB, où plus de 98 % des salariés sont en CDI, la création de ce nouveau contrat allait forcément mordre sur la part de CDI, et accroître mécaniquement la précarité », estime Luc Mathieu. « Aujourd’hui, lorsqu’un projet se termine, l’entreprise est responsable de la reconversion du salarié. Le CDI d’opération reporte cette obligation sur le salarié lui-même ». L’accord apportait également des aménagements au CDD, « dans le sens d’une plus grande flexibilisation des contrats », insiste Luc Mathieu. « Par construction, cet accord augmente la précarité dans le secteur. »

Régis Dos Santos, président national du SNB CFE-CGC, assure quant à lui que le CDI d'opération apportait une réponse adaptée aux besoins de certains collaborateurs. « Il devait être circonscrit aux activités non bancaires : missions en informatique, conseil, réglementation, déontologie ou préparation du Brexit… Il répondait à une vraie demande des jeunes générations, intéressées par ces missions longues, assorties de primes plus importantes que celles du CDD. Il leur permettait en outre d’obtenir les avantages de la convention collective de la banque. Il était par ailleurs bien cadré, concernant exclusivement des chantiers limités dans le temps. Les critères de la fin de la mission devaient être parfaitement définis à l’avance. Au niveau de la branche, une commission de suivi devait surveiller son utilisation, et dans chaque entreprise, le comité social et économique (CSE) devait communiquer aux représentants du personnel une information-consultation sur le nombre de ces contrats, leur durée et les missions concernées. Enfin, son lancement devait faire l’objet d’une expérimentation limitée à trois ans. »

Les dessous d’un blocage

Régis Dos Santos, qui quittera ses fonctions le 5 juin prochain, après douze années de présidence, pour faire valoir ses droits à la retraite, attribue le coup d’éclat des organisations concurrentes à des motivations politiques. « Cette coalition fut une surprise. La négociation avait eu lieu très normalement entre la délégation patronale de l’AFB et les cinq organisations syndicales. J’ai signé l’accord le premier : cela arrive, et je ne m’en suis pas inquiété. La démarche de la CFDT, la CFTC, de la CGT et de FO tient davantage du règlement de compte politique que de préoccupations des intérêts des salariés. La CFDT n’est plus la première organisation syndicale dans la banque. Chez BNP Paribas, FO et la CGT ont disparu du paysage lors des dernières élections professionnelles. » Le président national SNB CFE-CGC assure avoir tiré les leçons de cet épisode. « Nous serons désormais beaucoup plus attentifs aux jeux politiques avant d’apposer notre signature. Mais si demain il faut signer un accord que nous jugeons bon pour les salariés et bon pour l’entreprise, nous le ferons, même si nous sommes seuls. »

L'accord en valait-il la peine ?

Le Secrétaire général de la fédération CFDT Banques et Assurances dément, quant à lui, toute manœuvre politique. « Cette alliance entre syndicats est inédite, c’est vrai. C’est la première fois qu'une organisation a la possibilité de signer seule un accord et que les autres organisations syndicales font jouer ensemble leur droit d’opposition. Mais nous étions contre le contenu de cet accord. » Avant de conclure : « Il ne faut pas accorder à cet événement plus d’importance qu’il n’en a. »

Régis Dos Santos rappelle pour sa part que les représentants de toutes les organisations syndicales avaient signé voilà dix ans, l’accord relatif à la mise en place d'un contrat à durée déterminée « à objet défini », déjà appelé « CDD de mission ». « Celui-ci n’a jamais été utilisé. Nous devrions arrêter de négocier des accords dont on ne se sert pas. »

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº833