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Itinéraire d'un banquier discret

Créé le

15.12.2014

-

Mis à jour le

05.01.2015

Philippe Bassouls peut être heureux : guichetier à 19 ans, il est aujourd'hui l'un des dirigeants de Hottinguer Corporate Finance. Ses recettes : la volonté de se former, l'acquisition d'une double compétence financière et organisationnelle, et la capacité à prendre des risques (maîtrisés).

Banquier par passion ou par défaut ?

Après mon bac, j’étais plutôt interessé par le rock’n’roll et la moto… Mais à 19 ans, je suis entré en tant que guichetier dans la banque, aidé par mon père, officier de police amené à collaborer avec la Société Générale sur les problématiques de hold-up et qui connaissait bien le directeur adjoint de l’agence locale.

Les diplômes sont venus après ?

Oui, avec le CESB, obtenu en 1990. C’est un cycle très prenant, plus adapté aux matheux. Puis en 1999, l’Executive Program de la Chicago Northwestern University Kellogg Business School.

Une envie tardive de faire des études ?

Une semaine de guichet suffit pour avoir envie de revenir aux études : on n’imagine pas à quel point cette présence en première ligne peut être stressante ! Ensuite, mon service militaire à l’école d’officier de réserve m’a donné une première expérience de management. J’ai découvert alors, un peu tard, que j’aimais apprendre.

L’armée, école de management ?

C’est une excellente école de gestion, mais insoupçonnée.

Vos modes de management ?

Déléguer. C’est une méthode infaillible pour gagner du temps. Je laisse mes collaborateurs aller jusqu’au bout, mais cela ne veut pas dire se défausser : s’il faut mettre les mains dans le cambouis, je le fais.

Vos modes de fonctionnement ?

Rester humain. C’est l’avantage des sociétés familiales comme la nôtre. Il n’est pas toujours facile de négocier une restructuration, pour ne pas donner de faux espoirs, ni susciter de fausses angoisses. Il faut prendre le temps de discuter avec chacun, éviter à tout prix le mode « nothing personal, it’s just business ».

Star-system ?

Notre modèle est plus calqué sur le rugby que sur le foot. Nous n’avons pas Zlatan, mais une première ligne qui pousse fort… et des ailiers qui courent vite.

Une étape déterminante dans votre parcours ?

Mon arrivée à la direction des risques de la Société Générale pour créer l’activité LBO et financements d’acquisition. Le patron des financements structurés a compris d’emblée que je n’y connaissais rien... mais il avait besoin de moi, car les décisions d’octroi de crédit se prennent à deux : lui côté commercial, moi côté risques. Mais je me suis formé, il m’a aidé, et plus tard, il m’a recruté dans la partie commerciale.

Pourquoi un néophyte dans ce métier d’expertise ?

J’avais une double compétence, financière et organisationnelle. En outre, dans les années 1990, les postes à la direction des risques restaient encore confidentiels et peu demandés.

Un plan de carrière ?

J’essaie d’avoir une vision de mon environnement à moyen terme et de me positionner en conséquence. Quand j’ai quitté mon poste dans les LBO à la Société Générale, j’avais le sentiment, qui s'est depuis confirmé, qu’il n’y aurait plus de place dans ce métier pour les collaborateurs qui avaient mon profil d’ici 5 à 10 ​ans.

Pourquoi ?

Dans une activité qui démarre, il n’y a pas de concurrence avec le top académique : celui-ci, surtout en France, ne promeut pas la prise de risque. En revanche, dans les postes à visibilité sur des activités déjà installées, personne n’attend un gars qui a commencé au guichet et fait le CESB en cours du soir ; ce sont les polytechniciens ou les énarques qui sont recherchés.

Des échecs ?

Tout échec doit être source d’apprentissage. Et il vaut mieux le voir de cette façon, car dans notre métier, le taux de réussite sur nos présentations commerciales (pitchs) est de l'ordre de 15 %. L’échec fait partie de notre quotidien.

Homme de réseau ?

Inscrit sur linkedin avec 1 200 contacts ! Le réseau est primordial dans des métiers commerciaux comme le mien. Il permet de maintenir un courant de veille avec les personnes que nous ne voyons pas ou plus très souvent, d’anciens collaborateurs par exemple…

Vacances connectées ou déconnectées ?

Je reste en général joignable via Internet, sauf quand je fais un tour dans le Sahara en moto...

Sportif ?

Je m’oblige à une heure de sport quotidienne, joue au golf et pratique la moto...

Des modèles dans votre vie ?

J’admire certaines personnes, sans pour autant qu’ils soient des modèles de vie : Gorbatchev, par exemple (mais cela ne m’a pas rendu communiste !) ou Frederik De Klerk. J’ai une grande admiration pour les gens capables de renoncer à leur pouvoir pour faire bouger les lignes.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº779