La Commission des sanctions de l’ACPR a déjà eu l’occasion, à quatre reprises, de se prononcer à l’encontre de manquements commis par des changeurs manuels en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Or, jusqu’ici, les sanctions infligées par le superviseur aux professionnels ont toujours été « modérées » :
un blâme et une sanction pécuniaire de 70 000
un blâme et une sanction pécuniaire de 20 000
un blâme et une sanction pécuniaire de 40 000
enfin, un blâme et une sanction pécuniaire de 80 000
Il en va différemment, en revanche, avec la décision rendue par la Commission des sanctions de l’ACPR le 8 avril 2019, cette dernière prononçant la radiation de l’établissement.
En l’espèce, la société mise en cause réalisait des opérations de change grâce à un guichet unique situé à son siège social, exclusivement sous forme d’échanges de devises en espèces. Elle avait fait l’objet, du 13 novembre au 20 décembre 2017, d’un contrôle sur place destiné à évaluer la conformité de son dispositif de LCB-FT. Or plusieurs manquements avaient été relevés par les agents de l’ACPR. Ces manquements fondent alors la décision de condamnation prononcée par la Commission des sanctions de l’Autorité.
Ainsi, au moment du contrôle, la société ne respectait pas ses obligations d’identification et de vérification de ses clients occasionnels, lorsque ceux-ci effectuaient des opérations supérieures à̀ 1 000 euros. De plus, plusieurs opérations portant sur des montants agrégés inhabituels pour ce changeur avaient été réalisées sans faire l’objet d’un examen renforcé, malgré la quasi-inexistence des éléments détenus au sujet du client et de l’opération. En outre, l’établissement n’avait pas mis en place de dispositif de gel des avoirs. Enfin, la société mise en cause avait communiqué des renseignements erronés à l’ACPR au sujet de l’état de son dispositif de LCB-FT.
Or, pour la Commission des sanctions, ces quatre manquements, « graves en eux-mêmes, révèlent une défaillance globale et persistante du dispositif de LCB-FT » de la société, qui exerce pourtant son activité de change depuis de nombreuses années. Il est encore noté que les actions correctrices présentées (notamment l’achat d’un logiciel devant permettre le respect des obligations en matière de gel des avoirs) paraissaient « à la fois tardives et insuffisantes au regard des défaillances constatées ». Dès lors, même lorsque ses moyens, notamment humains, sont limités, comme en l’espèce, il ne saurait être admis, pour le superviseur, qu’un changeur manuel qui exerce son activité depuis plusieurs années ne respecte pas certaines des obligations essentielles qui lui sont imposées et ne présente aucune mesure qui lui permettrait, à une échéance déterminée, de s’y conformer. La société est alors radiée de la liste mentionnée à l’article L. 612-21 du Code monétaire et financier.