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Economie

Taux bas et prise de risque : les enseignements d’une expérience comportementale

Créé le

15.01.2020

Depuis que les banques centrales ont abaissé leurs taux à des plus bas historiques, l’impact de cet environnement sur les marchés financiers est devenu une préoccupation centrale des décideurs politiques et des régulateurs. Il est crucial de comprendre les conséquences de cet environnement sur la prise de risque des investisseurs et la stabilité du système financier. Plusieurs études ont identifié que les investisseurs institutionnels et les particuliers ont eu tendance à augmenter la part de leurs allocations en actifs risqués, dans un mouvement généralisé de recherche de rendement [1] .

À quoi ce mouvement est-il dû ? Si les contraintes liées aux conditions de financement ou au passif des institutions ont pu jouer pour les investisseurs institutionnels, d’autres effets sont en jeu pour les particuliers. Lian et al. (2019) [2] mettent en évidence l’existence d’un effet psychologique qui découle de la façon dont nous percevons les compromis entre rendement et risque dans différents environnements de taux d’intérêt. Les auteurs ont conduit une expérience randomisée.

Dans un premier groupe, les participants étaient invités à choisir entre un placement sans risque rapportant 5 % et un actif risqué avec des rendements moyens de 10 % et une volatilité de 18 %. Dans un second groupe, les participants devaient faire un choix analogue, mais le placement sans risque rapportait 1 % et l’actif risqué 6 %. La prime de risque (5 %) étant la même dans les deux cas, un cadre classique de gestion de portefeuille devrait conduire, pour un niveau d’aversion au risque donné, au même choix de placement. Or les individus à qui l’on a présenté des niveaux de rendement bas ont choisi d’investir beaucoup plus en actif risqué que ceux à qui l'on a présenté des perspectives de rendements plus élevés. L’expérience a été répétée avec différents niveaux de taux d’intérêt et les résultats sont instructifs.

Dans l’échantillon de répondants américains, l’allocation moyenne en actifs risqués est de 65 % quand le taux sans risque est de 1 % (et même à 78 % quand ce taux est de – 1 %), alors qu’elle est de 57 % lorsque ce taux est de 5 %. Elle reste stable et proche de 50 %, même quand les taux présentés sont considérablement plus élevés. Une expérience analogue menée aux Pays-Bas conclut aux mêmes résultats, quoiqu’avec des niveaux de prise de risque plus faibles en moyenne, d’environ 15 %. Ce « biais » comportemental peut s’expliquer par l’existence de points de référence implicites sur les rendements, basés sur l’expérience passée, ou par le fait que nous avons tendance à évaluer les opportunités en termes de proportion de rendements supplémentaires (6 % / 1 % = 6 vs 10 % / 5 % = 2) et non en termes de différences, un phénomène connu en psychologie sous le nom de « loi de Weber ».

 

1 Voir notre article dans Revue Banque n° 870, en mars 2019 xxxcorriger la notexxx.
2 C. Lian, Y. Ma et C. Wang (2019), « Low Interest Rates and Risk-Taking: Evidence from Individual Investment Decisions », The Review of Financial Studies n° 6, pp. 2107-2148.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº841
Notes :
1 Voir notre article dans Revue Banque n° 870, en mars 2019 xxxcorriger la notexxx.
2 C. Lian, Y. Ma et C. Wang (2019), « Low Interest Rates and Risk-Taking: Evidence from Individual Investment Decisions », The Review of Financial Studies n° 6, pp. 2107-2148.