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Le billet

Paroles, paroles, paroles…

Créé le

21.02.2022

Plus de 1 000 fonds présentés comme durables par leurs promoteurs européens ont été délistés de la catégorie durable par Morningstar. 1 200 milliards d’euros y étaient investis ! La principale base de données de fonds mondiale a décidé de faire le ménage dans un marché dominé par l’auto-déclaration. Suivant la méthodologie appliquée par Novethic pour sa base de données de fonds durables Market Data, Morningstar a décidé de ne classer sous cette bannière que les fonds avec des objectifs d’investissement durable et/ou utilisant des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) pour construire des portefeuilles différents de ceux calqués sur les indices traditionnels. Sont ainsi écartés les fonds se limitant à exclure une activité, comme le tabac, les jeux ou l’armement, de même que les produits avec une vague analyse ESG à l’impact imperceptible. Les fonds monétaires ISR, qui représentent près d’un tiers du marché français, ont perdu eux aussi l’étiquette durable.

À quelle promesse durable se fier ? La question est d’actualité puisqu’en 2022, les promoteurs d'assurance vie vont devoir offrir à leurs clients au moins une unité de compte pour chacun des trois labels de finance durable français. Tous trois répondent à des critères différents. Attribué aux deux tiers du marché des fonds durables en France, le label ISR souffre de deux handicaps : sa faible notoriété et son focus sur les processus de gestion. Selon Novethic Market Data, 582 fonds labellisés ISR appliquent des modes de sélection ESG insuffisamment discriminants pour que des entreprises controversées, comme Orpéa sur le social ou TotalEnergies sur l’environnement, en soient forcément absentes. Les deux autres labels, Greenfin pour les fonds verts, dont Novethic est auditeur, et le label Finansol pour ceux qui ont une vocation sociale, répondent à des référentiels plus orientés sur leurs qualités respectives. Mais chacun d’eux n’est attribué qu’à une trentaine de fonds.

Les labels n’incitent pas les clients

Selon le baromètre sur l’investissement responsable de CPR AM, 51 % des épargnants disent que les labels ne sont pas de nature à les inciter à placer leur argent dans la finance durable, alors que les conseillers financiers les plébiscitent à 83 %. Un peu comme une bouée leur permettant de flotter dans l’océan des fonds durables ?

En 2022, pour la première fois, les conseillers financiers seront, en principe, obligés de demander à leurs clients leurs « préférences » ESG. Cette nouvelle réglementation européenne va permettre de confronter l’offre des sociétés de gestion à la demande des épargnants. Et de constater que la première ne répond pas forcément à la seconde ? L’offre est abondante. Elle n’a cessé de s’étoffer pour atteindre, selon Novethic Market Data, près de 900 milliards d’euros et 1 186 fonds fin 2021. En revanche, les fonds durables permettant de « contribuer positivement à l’évolution de la société », demande formulée par 69 % des épargnants interrogés par CPR AM, sont beaucoup plus rares.

Quel bilan depuis 2015 pour la transformation écologique ?

Historiquement, les fonds durables utilisent pour cela une notation ESG dont la plupart des grandes entreprises cotées maîtrisent parfaitement les codes. En revanche, pour évaluer le solde entre impacts positifs et négatifs des activités de ces entreprises, il va falloir changer de modèle d’évaluation ESG et pouvoir vérifier la crédibilité et la pertinence des données fournies par les entreprises en portefeuilles. La crédibilité et l’attractivité de toute l’offre durable sont à ce prix. Si l’étiquette devient le prétexte à inertie d’un marché bien en peine de se réinventer, la promesse de la finance durable ne sera pas tenue. Depuis 2015, elle s’est engagée à financer une transformation écologique… qui n’a pas vraiment commencé !

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº866