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Actualités jurisprudentielles

Devoir de mise en garde – Instruments financiers – charge de la preuve de l’exécution de l’obligation.

Créé le

31.05.2012

C’est à celui qui est contractuellement tenu d’une obligation particulière de conseil de rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation.

 

Il aura fallu attendre 2011 pour le droit de la preuve en matière d’opérations de bourse rejoigne le droit commun. Jusque là, il revenait à l’investisseur qui estimait que son intermédiaire avait manqué à son devoir d’information ou de mise en garde de prouver la faute de celui-ci, y compris le cas échéant par l’absence de couverture. Avec cette décision, c’est un renversement de charge de la preuve qui s’opère dans le cadre des opérations de bourse. En l’espèce, une personne physique avait signé une convention de compte de dépôt et de transmission d’ordres de bourses avec la Banque Privée 1818 et avait effectué de nombreuses opérations sur le marché à règlement mensuel, ce qui pouvait laisser supposer qu’il s’agissait d’un client averti des risques propres aux marchés financiers, en particulier sur les marchés à terme, et donc, au regard de la jurisprudence Buon, se voir écartée le bénéfice de la protection de l’investisseur profane. Dans la convention de compte, il était expressément indiqué que si la Banque Privée 1818 donnait des conseils, contre rémunération, à son client, celui-ci restait pleinement maitre du choix des opérations de placement. Le client reconnaissait même avoir été informé des risques inhérents à certaines opérations et marchés, tels les marchés à effet de levier.  La question posée consistait à savoir d’une part si l’étendue de l’obligation de conseil et de mise en garde est fonction de la qualité et de la compétence du client, et d’autre part, de savoir comment s’apprécie la réalisation effective de cette obligation. Le juge du fond avait débouté la requérante estimant que celle-ci ne précisait pas les opérations pour lesquelles l’intermédiaire aurait failli à son obligation, de sorte qu’il était impossible de déterminer, opération par opération, le défaut supposé. Le juge du fond ne retient pas non plus le défaut de mise en garde au titre de la faute lourde. Ecartant le pourvoi fondé sur l’article 1147, la cour de Cassation retient celui fondé sur la charge de preuve en visant sa décision l’article 1315 du code civil : « attendu que pour statuer comme il le fait, l’arrêt retient que Mme X.. ne précise pas les opérations pour lesquelles la [banque] aurait failli à son obligation d’information et de conseil, telle que cette obligation résulte du contrat signé entre les parties mettant ainsi la cour dans l’impossibilité de déterminer, opération par opération, le défaut de conseil ou d’information ou de mise en garde de la [banque] ou sa non réponse (…). Attendu qu’en statuant ainsi, alors que c’est à celui qui est contractuellement tenu d’une obligation particulière de conseil de rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». Il convient d’approuver sans réserve cette décision, qui distingue clairement les règles de preuve de celle de l’exécution du contrat. Ainsi, quelque soit la qualité de l’investisseur, profane ou averti, c’est à l’intermédiaire financier de prouver qu’il a rempli son obligation d’information, de conseil ou de mise en garde. Il est vrai, que lorsque la charge de la preuve pesait sur l’investisseur, celle-ci était le plus souvent extrêmement difficile à rapporter. Le plus souvent, les investisseurs utilisaient le défaut de constitution de couverture, dont on sait maintenant qu’il vise tant à protéger le client que le marché, pour relever le défaut d’obligation d’information. Ils pourront dorénavant évoquer plus largement la non exécution ou le défaut d’exécution des obligations d’information pour demander la réparation de leur préjudice. Ce qui va clairement dans la direction d’une meilleure protection de la clientèle. Reste alors la question de l’indemnisation du préjudice et la lancinante question de la pertinence de la notion de perte de chance. Mais c’est là un autre débat [1] .

1 D. Ledouble, « Perte de chance : pour sortir des formules creuses », RTDF n 1/2 mai 2011, p. 87

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº137
Notes :
1 D. Ledouble, « Perte de chance : pour sortir des formules creuses », RTDF n 1/2 mai 2011, p. 87
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