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Forte hausse de l’endettement des entreprises liée à la crise du Covid-19

Créé le

18.05.2021

La croissance de l’encours de crédits aux sociétés non financières a nettement accéléré en 2020, +13,3 % en décembre, contre +5,1 % fin 2019. La croissance des crédits à l’investissement a été assez soutenue, 6,1 % en décembre et les crédits de trésorerie ont très fortement rebondi, +37,7 % en décembre (après -0,3 % fin 2019). Une dynamique du même ordre de l’endettement de marché, +12,5 % en décembre, conduit à une hausse de 13 % de l’endettement global. La tendance reste soutenue début 2021, avec en mars une hausse annuelle de 9,9 % pour les crédits et 10 % pour les titres de marché.

Cette forte accélération de la dette s’explique par les mesures de soutien au crédit prises face à la crise sanitaire, notamment le PGE (cf plus bas). Face à la chute de l’activité et aux fortes incertitudes économique et sanitaire, des mesures d‘urgence ont été déployées : prise en charge du chômage partiel, fonds de solidarité, report et exonération de cotisations sociales et d’impôts, etc. Mais la trésorerie restait fragile : chiffre d’affaires quasi nul dans certains secteurs, tensions sur les délais de paiement, financement des stocks, des loyers, de diverses charges. Les entreprises ont ainsi massivement recouru à la dette, du fait de ces tensions sur la trésorerie et surtout de manière préventive : elles ont constitué d’importantes réserves de cash face au risque de tensions à venir lorsque les mesures de soutien seront peu à peu retirées, aux besoins en fonds de roulement qui seront liés au redémarrage de l’activité, à la nécessité de rembourser les reports d’impôts et charges, etc.

D’où un recours marqué au Prêt garanti par l’État (PGE) mis en place en mars 2020. Jusqu’à fin 2021, les entreprises peuvent demander à leur banque un PGE pour soutenir leur trésorerie. L’enveloppe est de 300 milliards d’euros. Ce prêt peut représenter jusqu’à 3 mois du chiffre d'affaires de 2019. Aucun remboursement n’est exigé la première année et le remboursement du capital peut être décalé d’une année supplémentaire (où seuls les intérêts seront payés). L’entreprise peut ensuite choisir d’amortir le prêt sur une durée d’un à cinq ans (quatre si le début du remboursement a été repoussé de deux ans), la durée totale du crédit étant de six ans maximum. Fin avril 2021, les demandes de PGE accordées par les banques atteignaient 138 milliards d’euros. Ceci explique la hausse soutenue de l’encours des crédits de trésorerie.

Les crédits investissement ont bien résisté, en dépit du net repli des dépenses d’investissement. De même, l’encours de titres de marché a fortement progressé. Ce recours à la dette (hors PGE) s’explique en partie par un besoin de financement massif, les profits des entreprises subissant une baisse nettement plus marquée (-22 %) que celle des dépenses d’investissement (-8 %). De plus, compte tenu de conditions de financement attractives, les grandes entreprises ont continué à s’endetter sur les marchés, afin de renforcer leur trésorerie.

La forte hausse de l’endettement (crédits et titres), avec un flux net de 217 milliards d’euros en 2020, s’est traduite par une forte remontée des flux de dépôts, à 168 milliards d’euros. La dette nette (dette moins dépôts) a ainsi progressé en 2020, mais assez modérément, +3,7 %, et n’a pas accéléré par rapport à 2019.

La conjonction d’une forte hausse de la dette et d’une chute de la valeur ajoutée fragilise la structure financière des entreprises et conduit à une vive remontée du taux d’endettement. Rapporté à la valeur ajoutée, ce taux déjà très élevé fin 2019, 133 %, bondit à 165 % au T4 2020. Toutefois, en le rapportant aux fonds propres, ce ratio est plus modéré et affichait une tendance à la baisse avant la crise.

En 2021-2022, la croissance de l’encours de crédit serait ramenée à un rythme plus « habituel », de l’ordre de 4,4 % sur un an fin 2021 et 2 % fin 2022. Le processus de reprise et le redressement espéré des profits devraient modérer les tensions sur la trésorerie et le recours des entreprises à la dette. Le recours au PGE devrait être beaucoup plus mesuré. Et les dépôts accumulés devraient être peu à peu redépensés avec le redémarrage de l’activité et le remboursement des impôts et charges. Les remboursements des PGE devraient être très faibles en 2021, un peu plus marqués en 2022, le PGE pouvant être remboursé très graduellement. L’encours de crédit de trésorerie freinerait ainsi à +3 %, en 2021, et pourrait reculer d’environ 6 % en 2022.

La situation financière des entreprises va rester fragile, avec un haut niveau d’endettement et une reprise assez lente de l’activité. Une remontée des défauts de crédit est possible, mais sera limitée par plusieurs facteurs : amortissement sur plusieurs années des PGE ; important matelas de trésorerie ; mise en place pour les PME de prêts participatifs, partiellement garantis par l’État, et qui seront considérés comme des quasi-fonds propres, afin de les aider à réinvestir tout en renforçant leur structure financière.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº857