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Change & Taux

La BCE frappe fort face au risque déflationniste

Créé le

26.01.2015

-

Mis à jour le

29.01.2015

Comme largement anticipé, la BCE a annoncé le 22 janvier 2015 un programme d’assouplissement quantitatif avec achat de titres d’État. Ce qui était moins anticipé était sa taille : 60 milliards d’euros par mois au total, de mars 2015 à septembre 2016 au moins, et, plus important encore, jusqu’à ce que l’on observe un « ajustement soutenu » de la trajectoire de l’inflation – en clair, la BCE est prête à acheter « tout ce qui sera nécessaire », pour reprendre une formulation chère à M. Draghi. Le caractère potentiellement illimité des interventions est en tout cas bien plus important que les restrictions apportées au partage des pertes éventuelles. À lui seul, ce signal devrait avoir un impact, notamment en influant sur les anticipations d’inflation.

Les effets mécaniques seront de divers ordres : ces achats vont faire baisser encore tous les taux concernés, certes déjà souvent très bas, mais, en période de risque déflationniste et de faible croissance, on a besoin de taux réels négatifs. La réallocation de portefeuille à laquelle les vendeurs de titres devront procéder pourrait cependant être le principal effet. Il leur faudra acheter d’autres actifs plus risqués, ou prêter, voire acheter des actifs étrangers : dans les deux premiers cas, cela facilitera le financement de l’économie réelle, et dans le troisième, cela fera baisser encore l’euro. Certes, ce dernier n’est sans doute plus surévalué – la zone euro dégage d’ailleurs un excédent commercial – ; mais en période de stagnation, il est tout à fait pertinent de faire baisser sa devise. Au total, avec une baisse des taux réels (et, compte tenu de la durée du programme, la réaffirmation qu’ils resteront bas longtemps), l’assouplissement des conditions de crédit, la baisse de la devise et sans doute une remontée des anticipations d’inflation, la BCE, comme elle le dit, crée les conditions pour un redémarrage de l’activité. Il est difficile d’imaginer ce qu’elle peut faire de plus dans le cadre institutionnel actuel, sauf à distribuer directement de l’argent aux particuliers, comme certains l’ont envisagé… Il reste que cela ne suffira pas forcément, en soi, à assurer la reprise économique, pour laquelle, comme l’a rappelé M. Draghi, la confiance des agents économiques est nécessaire. Que cette confiance dépende essentiellement des réformes structurelles, comme il l’a affirmé, reste à prouver, mais en tout cas la BCE a apporté sa pierre à l’édifice, très au-delà de ce qu’on aurait pu imaginer il y a quelques années, compte tenu de la rigidité de ses statuts et de sa mission.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº781