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Brexit : assurer la continuité de la compensation en euros

Créé le

17.12.2018

-

Mis à jour le

21.12.2018

La Commission européenne a présenté le 13 novembre dernier les mesures d’urgence qui interviendront à compter du 29 mars 2019, pour les activités qui seraient sujettes à de fortes perturbations en cas de hard Brexit. Parmi ces activités figure la compensation des dérivés en euros, aujourd’hui traités majoritairement par LCH Clearnet à Londres. En effet, en cas de non-accord à la date effective du Brexit, cette chambre de compensation perdra de facto son autorisation consentie dans le cadre du règlement européen EMIR et les opérateurs ne pourront plus y compenser leurs instruments financiers en euros : « il semble qu’il puisse exister des risques pour la stabilité financière en cas d’absence d’accord, résultant d’une liquidation désordonnée des positions des membres compensateurs de l’UE au sein des contreparties centrales britanniques », constate la Commission, qui a donc adopté le 19 décembre « une décision d’équivalence temporaire et conditionnelle pour une période fixe et limitée à douze mois, afin de garantir qu’il n’y aura pas de perturbation immédiate dans la compensation centrale des produits dérivés ». Cela permet à l’ESMA d’accorder une reconnaissance temporaire aux infrastructures de compensation établies au Royaume-Uni, de façon à ce qu’elles puissent continuer à opérer pendant ce délai au sein l’Union européenne. « Ce qui laisse penser que cette question sera définitivement tranchée avant la fin de cette période temporaire, soit d’ici le 29 mars 2020 au plus tard en cas de hard Brexit » souligne Antoine Pertriaux, Associé chez Cognizant Consulting.

De fait, la proposition de règlement modifiant EMIR mise sur la table le 13 juin 2017 par la Commission européenne pour régler de façon pérenne la question des CCP de pays tiers a été entérinée début décembre par les chefs de gouvernement européens, après l’examen par le Parlement en mai dernier. Elle devrait désormais entrer en trilogue. Elle prévoit de renforcer le processus de surveillance des contreparties centrales de pays tiers d’importance systémique, en créant un nouveau mécanisme de surveillance au sein de l’ESMA, ainsi que la possibilité d’exiger la relocalisation au sein de l’UE des chambres de compensation des pays tiers dont l’importance systémique serait jugée particulièrement sensible pour l’euro. « C’est une proposition motivée par l’objectif crucial d’assurer la stabilité financière et la protection des marchés en cas de crise, souligne Antoine Pertriaux, en organisant une coopération entre la Bank of England et le régulateur européen pour permettre à ce dernier d’avoir un contrôle et un pouvoir d’action sur les CCP dites systémiques qui ne seraient pas dans sa juridiction directe ».

L’idée d’une compensation en euros localisée dans l’UE fait cependant son chemin « parce que cela fait sens, pour l’UE à 27, d’avoir ses propres infrastructures de compensation » reconnaît Antoine Pertriaux. L’offre de compensation des dérivés en UE reste pour le moment encore très limitée. La plateforme Eurex Clearing (groupe Deutsche Börse) a ainsi proposé en octobre 2017 un partage des bénéfices aux membres les plus actifs sur son service de compensation sur les dérivés de taux d’intérêt en euros. Eurex Clearing aurait ainsi réuni 30 membres compensateurs et une part de marché proche de 8 % sur le volume moyen de transactions compensées sur les dérivés OTC de taux d’intérêt libellés en euros. De son côté, LCH Clearnet n’a peut-être pas encore dit son dernier mot : le cas échéant, l’opérateur britannique pourrait sans doute migrer ses capacités technologiques chez LCH SA, filiale du même groupe LSE. Le rapatriement de la compensation en euros au sein de l’UE aurait toutefois des conséquences sur le coût des transactions causé par la fragmentation du marché : pour Antoine Pertriaux, « la centralisation de la compensation en un lieu unique, euros et autres devises confondues, permet en effet un meilleur netting des opérations et donc moins d’appels de marge pour les participants de marché ». E.C.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº827