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Le shadow banking bientôt mieux régulé ?

Créé le

13.12.2012

-

Mis à jour le

21.12.2012

Rétrospective 2012 > Sommaire

 

Un temps freinée par la crise, la progression du système bancaire parallèle poursuit sa croissance. D'après le Financial Stability Board, les actifs cumulés du secteur représenteraient en 2011 111 % du PIB agrégé des pays du G20 et 25 % des actifs du secteur financier, soit 67 000 milliards de dollars [1] (62 000 milliards en 2007). Les États-Unis, la zone euro et le Royaume-Uni détiennent à eux trois 81 % de ces actifs non-bancaires. Le rapport souligne également la forte croissance de certaines activités relevant du shadow banking dans des pays émergents, tels que la Chine, l'Indonésie et la Russie (voir « Répartition par pays »).

Bien que ce terme recouvre des réalités, et donc des risques, très différents en fonction des pays, la question de la réglementation du shadow banking se pose avec autant d'acuité qu'au début de la crise. De nombreux observateurs ont pu craindre que les réformes ne marquent un coup d'arrêt, lié à la situation de blocage aux États-Unis, et redouter l'abandon des travaux de la SEC sur la réglementation des fonds monétaires à valeur liquidative constante [2] .

Il n'en a rien été. Le 18 novembre, le Financial Stability Board a lancé une consultation en vue de publier des recommandations finales au 4e trimestre 2013 ; l'Union européenne a poursuivi ses travaux, dans la foulée du livre vert publié par la Commission en mars 2012. Le 20 novembre, le Parlement a ainsi voté une résolution visant à améliorer la régulation du shadow banking. Les parlementaires se sont prononcés pour une adaptation des textes existants, notamment en termes de collecte de données. Ils reconnaissent cependant la nécessité de modifier les règles applicables aux ETF et aux fonds monétaires à valeur liquidative constante dans le cadre de la révision de la directive OPCVM.

Dans le même temps, le FSOC américain a publié des " proposed recommendations " sur la réglementation des fonds monétaires, démontrant par là même la volonté des régulateurs de réformer le modèle, prédominant aux États-Unis, des fonds monétaires à valeur liquidative constante.

A.M.

 

Ils l'ont dit

Des activités utiles à l'économie

« L’abondante littérature parue sur la question depuis deux ans a permis de mieux appréhender la physionomie du shadow banking, ou “finance de l’ombre”. Deux vérités se dégagent de ces études.

Premièrement, l’essentiel des activités relevant du shadow banking répond dans les faits à des besoins de financement bien réels, même si des dysfonctionnements ont provoqué des chocs systémiques. Pour Thierry Varène, de BNP Paribas [Table ronde organisée par le Sénat le 20 juin 2012], “on constate un déséquilibre entre le financement long à l'économie, qui atteint 19 000 milliards d'euros, et l'épargne longue, qui n'en est qu'à 9 000. Le marché ne peut faire face à un tel écart. Le secteur parallèle peut donc jouer un rôle utile, à condition d'être régulé pour protéger les intérêts des consommateurs et d'être plus transparent”.

Deuxièmement, une même réglementation sera difficilement imposable sur le plan international, car le système bancaire parallèle recouvre des réalités différentes. “Le système financier est très éclaté et complexe. Nous parlons de choses non régulées, comme le shadow banking, qui était surtout un phénomène américain avant la crise: en Europe occidentale, il était peu développé, car le périmètre de la régulation y est beaucoup plus large qu'aux États-Unis, où certaines activités n'étaient pas régulées du tout”, a déclaré Édouard Vieillefond, de l'AMF [Table ronde organisée par le Sénat le 20 juin 2012].

Un ensemble de constats qui a fait conclure au sénateur Marini que “le système bancaire parallèle ne mérite aucun opprobre, [qu']il répond à une fonction économique nécessaire, mais [qu']il y a un besoin de transparence et de régulation à satisfaire”. »

Annick Masounave, Revue Banque n° 752, octobre 2012, p. 22.

 

Fonds monétaires à VL constante : pourquoi font-ils peur ?

« Le danger souligné par les régulateurs est que, à la différence des fonds à VL variable, les fonds à VL constante donnent ce que l'on appelle un “avantage au premier sortant” : si un investisseur doute de la capacité d’un fonds à maintenir sa VL, il va chercher à sortir avant les autres.

Une autre problématique et que le mode de valorisation des fonds à VL constante semble induire une sorte de garantie implicite, tandis que dans le cas des fonds à VL variable, les investisseurs savent bien que le risque de baisse des actifs sous-jacents ne peut être écarté.

Dans ces conditions, le comportement des investisseurs n’est pas le même, puisqu'un investisseur institutionnel français disposera d’analyses et de procédures de due diligence pour choisir dans quels fonds investir, alors qu’à l'inverse, l'investisseur dans des fonds à VL constante regardera surtout la sécurité qu'il estime recevoir grâce à la notation dont la plupart des fonds bénéficient. »

Adina Gurau-Audibert, Éric Pagniez, AFG, Revue Banque n° 752, octobre 2012, p. 35.

 

La CRD 4 inquiète les établissements de crédit spécialisés

« Le régulateur français est en train de plancher sur un statut intermédiaire de financial institutions qui resterait supervisé par l’ACP, soumis à une CRD 4 aménagée, mais qui ne serait plus établissement de crédit. L’ACP privilégie quoi qu’il en soit une transition en douceur : les ECS français resteraient établissements de crédit dans un premier temps, pour garantir la stabilité juridique de leurs opérations ; dans un second temps, ils devront décider si leur modèle économique est durablement compatible avec le statut de credit institution et les exigences de la CRD 4. Une évaluation très difficile à établir étant donné le peu d’informations disponibles sur le ratio de liquidité, répliquent les ECS. À défaut de s’accorder sur un régime adapté, ces sociétés financières pourraient tomber dans le champ du shadow banking. »

Séverine Leboucher, Revue Banque n° 751, septembre 2012, p. 13.

 

Des contraintes réglementaires différentes

« Le système bancaire classique (SBC) est largement encadré et soumis à des garanties publiques sur les dépôts et une régulation stricte. […] L’existence de ces garanties publiques a justifié en retour la mise en œuvre d’une régulation prudentielle stricte pour les banques en bénéficiant, afin d’éviter que ces garanties ne constituent un cas d’aléa moral et n’encouragent des prises de risque excessives […]. Les entités du système bancaire parallèle (SFP) ne bénéficient pas de ces garanties publiques, et échappent, par conséquent, à la régulation bancaire classique. Il faut rappeler que le développement du SFP est relativement récent et qu’il y a encore quelques décennies, le système bancaire classique assurait l’essentiel du financement de l’économie. La portée systémique du SFP a ainsi été très largement ignorée avant la crise. Par ailleurs, l’intermédiation de crédit mise en œuvre par les banques de dépôts classiques conserve une spécificité qui lui est propre. La transformation des dépôts en crédits à l’économie implique la création monétaire, et expose en cela les banques de dépôts à un risque qui leur est propre. Enfin, les liens entre SFP et SBC ont été largement sous-estimés. »

Jean-François Pons, Cyrille Causse, FBF, Banque & Stratégie n° 301, mars 2012, p. 59.

 

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1 Source: Global Shadow Banking Monitoring Report 2012, Financial Stability Board, 18 novembre 2012. 2 Au mois d'août 2012, la majorité des commissaires de la SEC avaient en effet marqué leur opposition au projet de réglementation sur les fonds monétaires à valeur liquidative constante, avec pour conséquence la reprise des travaux par la FSOC. Voir à ce sujet l'article du dossier paru dans Revue Banque n°752, octobre 2012, consacré au shadow banking.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº755
Notes :
1 Source: Global Shadow Banking Monitoring Report 2012, Financial Stability Board, 18 novembre 2012.
2 Au mois d'août 2012, la majorité des commissaires de la SEC avaient en effet marqué leur opposition au projet de réglementation sur les fonds monétaires à valeur liquidative constante, avec pour conséquence la reprise des travaux par la FSOC. Voir à ce sujet l'article du dossier paru dans Revue Banque n°752, octobre 2012, consacré au shadow banking.